Retour à la case départ... Elle était simplement retournée à la case départ, près d'un an auparavant ! Enfin... Plus ou moins. Bon, certes, elle était de mauvaise foi, sa situation n'avait absolument rien à voir avec celle dans laquelle elle s'était trouvée il y a quelque temps... Mais c'était que voir son appartement brûler, assister à l'incendie de tous ses biens les plus précieux, impuissante, l'avait quelque peu remontée. Au moins à l'époque, elle avait eu plus d'une robe à se mettre sur le dos ! Oui mais dans quel état était-elle alors ? Fatigue, travail, maladie... Il était bien beau d'avoir plusieurs toilettes, si c'était pour ressembler à un cadavre ambulant, cela ne lui était pas d'un grand secours ! Non, mieux valait ne pas se remémorer cette époque... Pourtant depuis elle avait eu l'occasion de vivre une vie au-delà de ses espérances, mais à présent, que lui restait-il ? Elle vivrait avec des dizaines d'inconnus et n'aurait pour seuls biens que ce qu'elle portait sur le dos ! Il n'y avait plus qu'une seule chose pour la consoler: elle n'était pas seule. Voilà, donc elle ne devait plus se plaindre ! Après tout, elle devait tout à cet homme, alors elle n'allait pas en plus être un fardeau plus lourd encore en traînant des pieds et se plaignant de sa situation ! C'était quand même son appartement qui avait brûlé ! Oui, dès à présent, elle sourirait à tout le monde de toutes ses dents et se montrerait une partenaire exemplaire ! Ou pas trop non plus car après tout, aux yeux de tous, c'était aussi son domicile qui avait pris feu...

Pour eux, elle était sa femme tout de même ! Mrs Dawsey. Mrs Dawsey. Mrs Dawsey. Non, elle avait beau se le répéter encore et encore, elle ne s'y faisait pas ! Non pas qu'elle ne l'aimait pas... Non pas qu'elle l'aimait pour autant ! Mais simplement elle ne l'aimait pas, voilà ! Enfin si ! Mais pas de cette façon ! Oh si même pour elle c'était incompréhensible... C'était juste qu'elle n'arrivait toujours pas à s'habituer à ce petit arrangement dont ils avaient convenu lorsqu'elle était arrivée chez lui. Elle l'avait pourtant su depuis le départ que c'était une mauvaise idée ! Mais c'était leur faute à eux tous ! Tant mieux que leurs maisons aient brûlé tiens ! Enfin non, c'était affreux... C'était même elle qui était affreuse de penser cela ! Mais c'est que sans leurs regards désapprobateurs et les rumeurs qui avaient rapidement commencées à courir, elle ne serait pas aujourd'hui Mrs Bethany Dawsey ! Elle n'était pourtant pas la première demoiselle à être prise sous tutelle dans le pays, surtout depuis les évènements récents, alors pourquoi fallait-il que tous en ait à ce point fait un drame ! Il était le frère de l'un de ses anciens professeurs, alors qu'y avait-il de mal à cela ? Non réellement, elle ne comprenait toujours pas... Kenneth n'avait pas semblé surpris plus que cela... Une histoire de réputation certainement. Oh oui c'était cela ! Sa réputation terrible au pensionnat l'avait poursuivie jusqu'ici ! Certaines personnes avaient eu vent des terribles brimades qu'elle subissait alors et en avait naturellement déduit qu'elle devait être une horrible personne, pas croyante et prude pour un sou ! Comme Kenneth avait du avoir honte... Tous ces soucis qu'elle lui causait, c'était même pire encore que ce qu'elle s'était imaginée jusqu'alors !

Bon, peut-être pas si terrible certes. Après tout, ce mariage pour sauver les apparences n'était que fictif ! Si un jour, l'un des deux ne supportait vraiment plus cette vie là, il pourrait y mettre fin aussitôt sans que rien ne l'entrave. L'honneur serait sauf ! Enfin... Plus ou moins ? Que penseraient les gens si du jour au lendemain, Mrs Dawsey par exemple quittait son domicile conjugal (à supposer que cette histoire dure assez longtemps pour qu'ils trouvent un nouveau "chez eux") pour s'installer avec un nouvel homme et prendre son nom ? Si tant est qu'un homme veuille encore d'elle après cet énorme mensonge. C'était comme le reste, mieux valait ne pas y penser, ou elle serait de nouveau prise de terribles remords et supplierait son tuteur de faire machine arrière... Ce qui finalement reviendrait à lui causer autant de soucis que tout ce qu'elle craignait. Soit, ne plus y penser. Elle serait Mrs Dawsey, sourirait à tous, et ne regretterait plus aucun ses choix car ils avaient tous été fait pour le mieux ! Le temps que durerait leur séjour à la Pump Room, elle devrait totalement oublier qu'elle était réellement Miss Bethany Shaw et ne laissera rien paraître. Mais c'était duuuuur ! Elle lança un regard plein d'inquiétudes à son ami, face à elle dans leur petite voiture, et se mordit la lèvre inférieure.

- Existe-t-il réellement une chance que nous ne soyons pas percer à jour ? Avec une telle proximité, continueront-ils tous à y croire sans découvrir la supercherie ?

La nervosité se lisait clairement sur son visage. Elle ne pouvait s'empêcher de serrer et desserrer sans arrêt ses mains moites, les séchant de temps en temps sur ses jupons. Son regard allait précipitamment du visage de Kenneth à la fenêtre de la calèche et elle ne cessait de se mordiller les lèvres. Ils y seraient d'une minute à l'autre, elle reconnaissait les lieux malgré l'obscurité. C'était déjà cela, la soirée était tellement avancée que d'ici une heure, peut-être deux, ils iraient se coucher. Deux heures, elle l'avait déjà fait, ce n'était rien ! Mais d'habitude, elle pouvait rentrer après cela et décompresser ! Alors que là... Là... Tout irait bien, oui oui très bien ! Il n'y avait pas de raison ! Et puis c'était ridicule de s'inquiéter pour si peu alors qu'elle venait tout juste de réchapper de peu à un incendie ravageur ! Souriante Mrs Dawsey voilà !

- Nous n'y arriverons jamais !

Anneau à l'annulaire gauche, sourire crispée de jeune mariée, et air amoureux à retravailler. Bethany faisait très bien la femme qu'on avait forcée à marier. Kenneth était si fier d'elle, sous sa tutelle, elle avait tant appris : le mensonge et la faculté de toujours réussir à esquiver une situation. Enfin pas toujours, maladroite comme elle était, Beth arrivait encore à faire des bourdes dans ses discours mal-joués ou à s'enfoncer dans un problème encore plus. Mais au moins, c'était drôle à voir. Pour comprendre cette drôle de situation, il nous faut revenir à un an de cela. Se trouvant en situation instable dans une famille d'anciens domestiques, Bethany avait cédé à la proposition de Kenneth, qui était de loger chez lui. A première vue, Kennou apparait comme le bon samaritain, n'est-ce pas? Surtout que, avec une réputation comme la sienne, il réalisa très vite les responsabilités que cela lui coûtaient. Dans un premier temps, ce fut la cohabitation. Kenneth savait bien qu'il ne pouvait pas ramener ses orgies sous le nez de l'innocente Bethany. Donc ... il apprit à organiser ses soirées en meilleure discrétion, de telle sorte qu'elle n'en sache rien. (xD quoi?! au moins il fait preuve de... discrétion!) Deuxièmement, il fallait que Beth vive du confort qu'on avait pu lui offrir à la Kingsley school, voire d'un meilleur luxe. Il lui procura vêtements, argent, et même des loisirs pour qu'elle continue de se cultiver: bibliothèque, piano, matériel de peinture... Et pour finir, il avait du la protéger des mauvaises rumeurs qui circulaient sur elle. Lui n'était pas du genre à tenir compte de commérages, mais il savait que pour une fille à cette époque, elle ne pourrait jamais survivre à une réputation de "prostituée personnelle de Mr. Dawsey". Du coup, il trouva cette idée - qu'il croyait géniale sur le moment - du mariage ! Elle serait considérée comme l'épouse du bourgeois que tant de femmes auraient voulu avoir pour gendre. Kenneth avait imaginé toute une stratégie aussi pour pas que Bethany soit prisonnière de cette nouvelle situation, rien ne serait officiel, comme les premières informations sur leur relation, cette dernière ne serait pas officielle. Du coup, hop, si la petite Bethany se trouvait un jour un homme bon et mignon comme elle (xD), il n'y aurait pas de problèmes n'est-ce pas? ... Oui, Kenneth avait une manière très limitée pour prendre ce genre de décisions. Et Bethany était bien trop timide et trop redevable envers lui pour l'arrêter dans son délire.
Résultat : ils en étaient là, à devoir affronter EN DIRECT tous ces gens qui attendaient avec suspens le vrai état de leur relation. Ils n'étaient pas du tout préparés à ça. Pourquoi les domestiques avaient décidé de leur faire ça? POURQUOI?! (xD)
Enfin bon, comme toujours, Kenneth prenait les choses du bon côté.

BETHANY : - Existe-t-il réellement une chance que nous ne soyons pas percer à jour ? Avec une telle proximité, continueront-ils tous à y croire sans découvrir la supercherie ?

KENNETH : Une telle proximité... entre nous deux, ma chère Beth ? Je ne vous savais pas aussi audacieuse pour penser à ce genre de choses, dites-moi. Mais ne vous inquiétez pas, je n'aime pas câliner quand je dors.

Kenneth aimait bien l'embêter. C'était plus fort que lui, elle était faite pour être sa victime personnelle *_* xD. Avec sa petite boubouille, et son air perdu, il savait qu'elle ne ferait rien pour le gronder sévèrement pour son audace à LUI. Elle était tellement prévisible, en même temps. Par contre, il ne se doutait pas qu'elle puisse penser qu'elle n'était pas à la hauteur pour lui, ou même qu'il devait en avoir honte. C'était le genre de pensées trop prises de tête pour lui. Et surtout, le genre de pensées qu'aurait seulement une femme, un homme étant trop fier pour penser ne serait-ce un instant que sa présence pouvait gêner. Alors que la calèche s'arrêtait devant le grand bâtiment qui allait les accueillir, Kenneth leva l'index vers le haut, et regarda Bethany avec un sourire malicieux.

KENNETH : Ne vous inquiétez pas, comme je vous disais à notre dernier cours de superficialité, IMPROVISATION ! (xD)

Sa confiance en elle s'était définitivement envolée. Tout était fiche d'avance, ils devineraient tout et crieraient au scandale ! Oh bien sûr qu'ils le feraient, car si déjà sans mensonge ils l'avaient fait quand elle avait emménagé chez Kenneth, ils se priveraient bien moins encore quand ils découvriraient le fin fond de cette histoire. Ils s'imagineraient que tous deux avaient fait toutes sortes de choses... De choses ! qu'ils avaient tentés de couvrir par un mariage bidon. Que pourraient-ils donc s'imaginer d'autre ? Elle serait jetée dans les bas quartiers, traitée comme une prostituée qui n'avait même pas voulu réellement s'engager bien qu'elle en subisse pourtant tous les "désagréments". Sa vie était fichue, fichue ! Elle plongea sa tête dans ses mains en un bruyant soupir. Ils n'y survivraient pas. Tous ces riches hautains, déjà contraints de vivre dans une situation des plus précaires, et en plus avec une demoiselle à la réputation si outrageuse ? Elle finirait dans un caniveau, rejetée par la belle société et battue à mort par des rebelles désireux de se venger de quelque crime commit par d'autres dont elle n'avait idée.

A la voix de son ami, elle releva un sourcil, puis découvrit totalement son visage. Stupéfaite, elle eut tôt fait de virer rouge pivoine. Ils s'imaginaient donc qu'elle voulait... Que ces choses là, elle y pensait ! Lui aussi croyait donc qu'il n'y avait plus rien à sauver de sa pauvre âme ! Si même lui ne donnait plus cher de sa vertu, qu'en seraient-ils des autres ?

- Mais non voyons... Vous comprenez je n'aurais jamais songé penser à... Non pas que vous me soyez repoussant mais... Je parlais d'avec les autres ! Enfin pas d'une proximité avec les autres mais de nous. Enfin pas nous, nous ! Oh vous comprenez n'est-ce pas ?

Même à elle, ses bégaiement lui faisait pitié. Dépitée, elle préféra s'arrêter, baissant sur ses mains entremêlées un pauvre regard. Elle aurait volontiers replongé son visage entre celle-ci si elle n'avait pas comprit tout à coup autre chose. Câliner ? Pendant qu'il dormait ? Comment pourrait-il l'étreindre pendant qu'il dormirait s'il... S'il... Ses yeux s'écarquillèrent alors qu'elle saisit enfin ses paroles et releva de nouveau son visage vers lui. Ils devraient donc... Sa mâchoire s'en décrocha alors qu'il reprenait la parole. "Ne vous inquiétez pas, comme je vous disais à notre dernier cours de superficialité, IMPROVISATION !" Affolée, elle colla d'abord son nez contre la vitre pour observer le bâtiment devant lequel ils venaient de s'arrêter puis recula à l'opposée de la porte, bien décidée à ne pas descendre. Non non non c'était impossible ! D'autant plus s'ils devaient... S'ils devaient... !

- Improviser ! Improviser ! Mais vous ne m'avez pas dit comment improviser cela ! C'est impossible ! Nous ne sommes pas mariés ! La porte de la diligence s'ouvrit soudain. Oh très cher mari ! Son regard paniqué passait de l'ouverture à Kenneth alors qu'elle figea sur son visage un sourire grimace étrange. Dans un chuchotement qui n'en était pas vraiment un car sa frayeur faisait monter son ton de deux ou trois octaves, elle poursuivit. Je ne peux pas y aller ! Ils sauront tout ! Vous verrez tout ! Non non non vous ne pourrez m'y forcer !

Elle croisa les bras sur son torse et s'enfonça un peu plus profondément dans la calèche. Il ne pourrait pas ! C'était impossible car y aller ne signifierait plus seulement faire semblant, cela voudrait aussi dire... Faire semblant pour cela ! Un homme ne lui avait même jamais effleuré la main et voilà qu'elle devrait partager sa couche ? Il la verrait en robe de nuit ! Non non non c'était impossible. Elle en avait assez de toutes ces frivolités carnavalesques, tout cela n'était pas sérieux du tout ! Il n'était même plus question de mensonge, de réputation qui risquait d'être saccagée ! Une fois qu'elle aurait dormi avec lui... Elle aurait dormi avec lui !

- Non non non !