La nuit touchait à sa fin, mais rien dans l'obscurité du lieu ne le laissait deviner. Ce gigantesque réseau de souterrains était toujours éclairé de la même manière : avec des bougies ou des lanternes disposées le plus judicieusement possible, mais la surface à couvrir restait trop importante pour disposer d'un éclairage digne de ce nom. Il avait été difficile, au début, de quitter la terre pour y retourner. Beaucoup avaient été choqués à l'idée de ne pouvoir restés libres à la surface. Mais il avait fallu se rendre à l'évidence, il n'était pas possible de faire autrement pour les rebelles que de se cacher dans le seul endroit de la ville qui n'était pas encore aux mains de la Milice. C'était leur foyer, dorénavant. Le seul endroit où ils pouvaient marcher en Hommes libres.
Une odeur d'humidité régnait en permanence sur le lieu. Dans le fond de la cour des miracles se trouvait un couloir, assez large mais bas de plafond, qu'on avait récemment creusé à même la roche. Il menait à une autre caverne, similaire à la cour des miracles, excepté qu'elle était plus basse de plafond et qu'elle était séparée en plusieurs compartiments, d'environ trois mètres de long chacun, à l'aide de mur fabriqués en bois. Les compartiments s'étendaient ainsi sur des centaines de mètres, dans une sorte d'immense boulevard souterrain. C'était là que dormait chaque rebelle. Le seul coin d'intimité dont chacun disposait faisait trois mètres sur trois. Une sorte de cellule de bois, excepté que personne ici n'était enfermé, et que chacun restait absolument libre d'aller et venir entre chaque compartiment comme il l'entendait. Un peu comme pour rendre visite à un voisin. Chaque chambre avait un lit, fait avec les moyens du bords -souvent, la couchette était creusée dans la roche et une couverture ou des sacs de toile servaient de matelas- ainsi qu'une chaise, parfois de vieux cageots de marchandises pour servir de rangement.
Liam était couché dans son lit, dur comme la pierre, et pour cause. Il faisait partie de ceux qui n'avaient pas de couverture : leur nombre manquait, et de ce fait, les blessés, les femmes enceintes ou les enfants étaient prioritaires sur le reste des rebelles. Le confort restait tout ce qu'il a de rudimentaire, mais c'était toujours mieux qu'une corde pour se pendre.
Quelqu'un tambourina subitement à la porte en bois de la chambrette, ce qui sortit Liam de son sommeil dans un grognement étouffé. Il se redressa sur son lit en se frottant la nuque.
- Entrez, fit-il d'une voix rauque et agacée.
La porte s'ouvrit sur deux rebelles, l'un s'appelait Noah, l'autre Carl. Ils étaient relativement jeunes, et cette nuit, cela avait été à eux d'effectuer ce que tout le monde connaissait à la cour des miracles comme "la veillée". Chaque soir, deux rebelles d'au moins vingt ans étaient chargés de rester éveillés toute la nuit et de surveiller l'extérieur, pour prévenir les autres si un danger était imminent. Souvent, c'étaient des volontaires, preuve que l'espoir était revenu animer le coeur des rebelles. Liam toisa Carl et Noah du regard, avec un air qui laissait entendre qu'ils avaient intérêt à l'avoir réveillé pour une raison valable. Carl parla le premier.
- Il faut que tu la vois, Liam. dit-il dans une voix qui trahissait l'excitation - On a ramené une fille, cette nuit. On l'a mise dans une cellule. - Elle rôdait dans les Sheds toute seule en plein milieu de la nuit ! - Elle espionne pour ces enfoirés de la Haute, j'en mettrais ma main à couper ! - Garde ta main là où elle est se contenta de répondre Liam tout en se levant, tout de même intrigué par l'évidente satisfaction sur le visage des deux rebelles. Il attrapa sa chemise qui pendait sur le dossier de sa chaise et l'enfila, sans la boutonner. Son regard, autoritaire et froid, se riva aux yeux de Carl. - Je veux la voir. Allez la chercher, qu'on voie si vous avez bien fait de capturer quelqu'un sans attendre l'avis de personne avant. On pouvait sentir le reproche dans sa voix, un reproche qui avait même un côté menaçant. Liam n'aimait pas que des rebelles, guidés par un désir aveugle de vengeance, agissent sans préparation ou réflexion.
Carl ravala sa salive et son sourire fier pour n'afficher plus qu'un air intimidé. Noah mis sa main sur son épaule pour le tirer vers la sortie. Ils partirent ainsi vers les cellules pour aller chercher leur otage, pendant que Liam se servait un verre d'alcool et en sirotait une gorgée, le regard dans le vide.
Emy ouvrit brusquement les yeux, et se releva rapidement, de façon à être assise. Son crâne lui faisait affreusement mal, et elle sentait le sang tambouriner dans ses tempes. Elle cligna des paupières plusieurs fois, tout en se frottant la tête. Cette douleur était décidément insupportable, pourquoi ne partait elle pas ? Elle se retourna, elle faisait face au mur jusque là, pour regarder l'endroit dans lequel elle se trouvait. Comment s'était elle retrouvée là ? Tout était flou dans son esprit, et elle avait du mal à retrouver ses esprits. En silence, elle observa plus précisément l'endroit dans lequel elle se trouvait. Il n'y avait pas beaucoup de lumière, et l'air était humide et lourd. Prudemment, elle se leva pour finalement avancer. C'est alors qu'elle buta contre quelque chose de dur. Ses yeux commençait à s'habituer à l'obscurité, mais elle eut besoin de poser ses mains sur ce nouvel élément pour en comprendre la consistance. Des barreaux ? Pourquoi est ce que des barreaux se trouvaient devant elle. Elle fronça les sourcils, et ce fut à moment que les évènements de la veille lui revinrent en mémoire. Elle se rappela avoir du courir pour échapper à deux hommes, elle était tombée et puis... Plus rien. Elle ne se rappelait de plus rien jusqu'à ce qu'elle ait ouvert les yeux quelques minutes plus tôt. Ils l'avaient donc jetée en prison ? Emy sentit la colère monter en elle. Pourquoi l'avoir mise en prison, alors qu'elle n'avait rien fait de mal ! Elle se rappela la phrase que l'homme lui avait dite. La curiosité est un vilain défaut. Alors... Alors cela voulait dire qu'elle était chez les rebelles ? Après tout, sa dernière curiosité du moment était cette histoire de rebelles, qu'elle voulait éclaircir. D'ailleurs la veille, elle avait posé quelques questions aux gens des Sheds qu'elle connaissait... Tout s'éclairait à présent, ses petites questions n'avaient pas du plaire à ces fameux rebelles. La colère monta d'un coup en elle, était ce une raison pour la mettre derrière les barreaux ? Elle donna un coup de pied dans une pierre qui se trouvait là, et poussa un cri étouffé de douleur en se tenant les côtes. Elle avait du se faire mal en tombant la veille, il valait mieux éviter les mouvements brusques. Elle porta alors une main sur son visage, et eut une autre grimace de douleur. Elle avait la lèvre ouverte sur le côté, surement un cadeau des deux balourds qui l'avait attrapée. Elle commença à marmonner seule, se sentant déjà étouffer de se retrouver derrière les barreaux. Il fallait qu'elle sorte d'ici, et rapidement. Elle n'était pas du genre à rester en cage, sauf lorsque c'était sa volonté.
Elle se mit à tourner en rond, cherchant une solution au pétrin dans lequel elle s'était fourrée. C'est alors qu'elle entendit des murmures près d'elle. Elle se rapprocha donc d'un des côtés de sa cellule pour voir un homme assis au sol, en train de prier. Elle leva un sourcil, interloquée, et regarda de plus près.
- Lord Bucket ! Mais que faites vous là ? Elle avait reconnu l'un des vieux amis de Charles, qui officiait dans l'armée anglaise depuis longtemps. Il avait l'air bien pitoyable, complètement apeuré. - Je prie, chère enfant, je prie pour que lorsqu'ils nous tueront tous, le Seigneur m'accepte auprès de lui ! Emy leva les yeux au ciel. Ce ne serait surement pas le Seigneur qui allait le sortir de là. Elle souffla, puis s'approcha de la porte de sa cellule. Elle allait leur comprendre que ce n'était qu'un malentendu, et qu'ils devaient la relâcher. Non seulement elle n'avait rien fait de mal mais en plus elle était des leurs, enfin presque. Peut être pas des leurs mais en tout cas elle ne faisait pas partie de ces nobles vaniteux et mégalomanes. - Est ce qu'il y a quelqu'un ? Pas de réponse. Vous m'entendez ? Toujours aucun bruit. Emy soupira encore plus fort, saisit les barreaux entre ses mains et commença à les secouer. Vous allez me faire sortir de là, maintenant, je n'ai rien à voir avec personne, alors laissez moi sortir sinon je vous préviens je... Je.. Je ne sais pas encore, mais ça ne sera pas beau à voir ! Alors laissez moi sortir !
Son énervement eut raison des gardes, pensa-t-elle, car elle vit une ombre bouger, plus loin dans le couloir. Elle arrêta de se secouer frénétiquement. - Ah, tout de même ! Ecoutez... - La ferme !
De surprise, Emy s'était tue sur le champ. Jusqu'à ce moment précis, elle avait gardé son masque de bonne petite noble plus ou moins bien élevée jusque là, mais maintenant ç'en était trop. Non seulement ils l'avaient agressé, et voilà que maintenant ils lui parlaient ainsi ? Emy n'était pas du genre à se laisser faire, et elle n'allait pas laisser passer ça. Elle se mit à la hauteur de Noah, car il s'agissait de lui. Il semblait être plus jeune qu'elle. Elle se planta face à lui, les yeux rivés dans les siens.
- Me la fermer ? Ecoute moi bien, je ne suis pas comme toutes les autres jeunes filles de bonne famille que tu as pu enfermer, mon grand. Donc je te conseille de t'adresser à moi d'une autre façon. Si elle devait rester enfermée, elle devait montrer dès à présent qu'elle n'allait pas être une petite fille apeurée comme le lord Bucket. Le chef veut te voir, alors tu viens avec nous, et sans discuter.
Emy ne put empêcher un rire moqueur de s'échapper d'entre ses lèvres. Leur chef, rien que ça. Elle en avait de la chance ! Carl ouvrit la serrure de la porte, et vint se saisir d'Emy, lui tenant fermement les bras. Elle ne se débattit pas, sachant que c'était complètement inutile. Cependant, elle remarqua une profonde marque de morsure sur celui là. Un sourire se dessina sur ses lèvres.
- On t'a mordu, peut être ? Elle avait conscience de n'être qu'une insolente, mais elle était tellement en colère, avait tellement de rage en elle, que tout cela ressortait comme un poison d'entre ses lèvres. Elle était en colère depuis bien trop longtemps, il fallait bien que cela explose un jour. Carl lui passa des menottes en bois au poignet, et la poussa en direction de la sortie. - Allez, avance !
Sans plus rien dire, elle avança, ne ripostant même pas quand il la poussait pour qu'elle aille plus vite. Il sembla marcher sur plusieurs centaines de mètres, toujours dans cette semi obscurité qui l'oppressait. En marchant, elle prit quand même le temps de regarder autour d'elle, et vit plusieurs dizaines de personnes, qui avaient l'air en mauvais état, physiquement. Cependant, elle ne pu constater que bon nombre d'entre eux avaient un sourire aux lèvres. C'était donc eux, les rebelles... Dire que deux jours auparavant, elle n'avait même pas conscience de leur existence ! Ils marchèrent quelques minutes, puis s'arrêtèrent finalement devant une porte de fortune en bois. Noah toqua, puis l'ouvrit. Emy baissait les yeux. Elle n'avait pas envie de voir ce fameux chef, encore moins de lui parler. L'un des deux garçons pénétra dans l'espace qui semblait aménagé pour faire une chambre.
- La voilà, c'est elle ! Il semblait encore tout fier de sa capture. Emy réprima un grognement, il n'y avait rien de glorieux ! Ils agissaient exactement comme lorsque la Milice avait enlevé des gens. C'était la même chose.
Après quelques secondes, il fit signe à son camarade d'avancer, et celui ci poussa alors Emy à l'intérieur du compartiment. Elle garda la tête obstinément tournée, le regard fixé sur les planches de bois qui clôturaient le compartiment. Elle n'aurait peut être pas du se mêler de ce qui ne la regardait pas, après tout.
Liam eut le temps de boire la moitié de son verre avant le retour de Noah et Carl en compagnie de l'otage. Ce n'était pas un alcool très fort, mais suffisant pour chauffer la gorge. C'était pile ce qu'il fallait à Liam pour le tirer complètement du sommeil. Il n'avait pas dans l'idée de devenir alcoolique, loin de là. Mais un petit verre de temps en temps aidait à faire passer les choses qu'il avait en travers de la gorge. Cela soulageait un peu la tension dans ses épaules ; car, de toute évidence, être l'un des chefs de tout un groupe de rebelles impliquait une montagne de responsabilités. Et chaque vie de rebelle perdue s'ajoutait à la liste -chaque jour plus longue- de morts que Liam avait tués lui-même. Des morts avec lesquels il fallait savoir vivre, tout en sachant garder la tête haute. Chacun avait sa manière de surmonter ces difficultés. Si boire quelques gorgées de ce breuvage brûlant pouvait lui permettre de dormir d'une traite sans se réveiller en hurlant -persuadé qu'on le menait à la potence, ou bien revivant le meurtre des gardes- il n'allait pas s'en priver. Les rebelles qui avaient l'habitude de côtoyer Liam savaient que, lorsqu'il avait un verre à la main, c'était pour chasser une contrariété, plus ou moins importante. Aussi, lorsque les deux revinrent avec l'otage, ils remarquèrent tout de suite que Liam n'avait pas sa tête des bons jours, et ils comprirent qu'ils avaient intérêt à avoir de bonnes justifications pour ce qu'ils avaient fait cette nuit.
Bien sûr, si la femme qu'ils avaient capturée était réellement une espionne, Liam reconnaîtrait qu'ils avaient bien fait de prendre le risque d'agir seuls pour le bien de tous. Il les féliciterait sans doute, mais il leur rappèlerait tout de même qu'à l'avenir, ils feraient mieux de s'en tenir aux règles que les rebelles s'étaient fixés tous ensemble, pour leur propre sécurité. Cela aurait très bien pu être un piège, après tout. Et ils auraient foncé dedans, tête baissée, faisant deux morts de plus à ajouter sur la liste. Liam aurait du aller voir la mère de Noah, et lui dire que son dernier fils était mort. Puis il aurait du finalement trouver la petite-amie de Carl, et lui dire la même chose. Lui dire que l'enfant qu'elle portait depuis quelques grosses semaines maintenant n'aurait jamais de père. Heureusement, ces deux-là étaient revenus en vie. Mais cela ne voulait pas dire que c'était une bonne chose d'avoir ramené cette femme avec eux. Elle pouvait très bien ne rien à voir avec les rebelles, et dans ce cas-là, rien ne justifiait son enlèvement. Les rebelles n'étaient pas du genre à s'encombrer d'otages -et de bouches en plus à nourrir-, s'ils avaient la possibilité de faire autrement. Tous ceux qui se retrouvaient enfermés dans les cellules des catacombes avaient posé un réel problème, un moment ou l'autre, et les rebelles n'avaient eu d'autre choix que de les retenir prisonniers, pour la préservation de leur propre groupe. Maintenant que cette femme était là, innocente ou non, elle en savait trop pour qu'il soit possible de la relâcher en ayant l'assurance qu'elle n'aille pas immédiatement les dénoncer aux autorités. Ils pouvaient lui bander les yeux sur le chemin de sortie, pour l'empêcher de prendre des repères, mais à quoi bon ? Dès qu'elle parlerait de souterrains, la Milice se mettrait à fouiller chaque tunnel de la ville, jusqu'à tomber sur la cour des miracles. A partir du moment où elle avait pénétré dans les catacombes, cette femme avait constitué une menace pour l'ensemble des rebelles. Mais ça, ni Noah ni Carl ne semblaient en mesure de le comprendre. Aveuglés par un désir hâtif de vengeance, ils agissaient souvent avant de réfléchir. Liam ne leur en voulait pas. Chacun avait été impulsif un moment donné. Mais il luttait constamment pour essayer de réfréner ce désir, qu'il retrouvait chez chaque rebelle, et qui, s'il n'était pas contrôlé, les mènerait tous à leur perte.
Liam avait eu le temps de réfléchir aux différents cas de figure possibles face à une telle situation. Soit elle était une espionne pour la Milice, et dans ce cas, l'ayant capturée, la localisation de leur repère était toujours passée sous silence. Mais cela signifiait aussi que la Milice serait un jour ou l'autre alertée par son absence. Ils n'auraient plus qu'à envoyer de "faux espions" pour appâter d'autres rebelles et attendre que deux jeunes vengeurs impatients mordent à l'hameçon et leur indiquent malgré eux l'accès à leur forteresse de terre. Soit cette femme s'était juste trouvée au mauvais endroit au mauvais moment. Dans ce cas, ses proches finiraient sans doute par s'inquiéter de son absence, par le signaler aux autorités, et le schéma suivrait à peu près les mêmes lignes par la suite. Si les rebelles voulaient prétendre vaincre la Milice, ils fallait vraiment qu'ils apprennent à être plus malins que ça.
Mais quelque chose chiffonnait Liam. Il était étrange que la Milice ait envoyé une femme comme espionne. Cela ne faisait pas partie des pratiques des militaires de miser sur les femmes, d'une manière générale, pour espérer marquer des points dans une bataille. Et c'était peut-être là que résidait toute leur astuce, après tout. Ils avaient du penser qu'en envoyant une femme plutôt qu'un homme, ils brouilleraient les pistes. Peut-être même s'étaient-ils dit que les rebelles n'oseraient pas faire de mal à une femme, si jamais elle était capturée, alors que l'on aurait pu faire souffrir un homme. Sur ce point, ils étaient très loin de la vérité. Liam avait plongé son regard dans ceux de centaines de rebelles. Il y avait toujours trouvé la même étincelle vengeresse : on avait torturé et assassiné les familles de ces gens, qu'il soit question d'hommes, de femmes ou d'enfants. Ils seraient prêts à se jeter à la gorge du premier coupable venu pour l'étriper à mains nues, même s'il s'agissait d'une fillette de quatre ans. C'était précisément la raison pour laquelle on envoyait pas n'importe qui garder les cellules des otages : seulement ceux qui savaient canaliser leur colère, afin de ne pas tomber dans la même barbarie brutale que ce que chaque rebelle avait enduré avant de se retrouver ici.
Liam était appuyé contre la petite table de sa chambre, le verre à la main. Il avait arrêté de boire pour se plonger dans ses réflexions. Sa chemise, usée par le temps, restait ouverte sur son torse : le froid mordant de l'hiver et des nuits d'automne n'avait pas encore pénétré la terre, si bien que la température y restait agréable. Sa peau était marquée de cicatrices par endroits, souvenirs des batailles de l'Hôtel de Ville, ou d'autres, plus récentes. Infligées au couteau pour la plupart, c'était des lignes fines et rouges qui parcouraient le corps du rebelle.
- La voilà, c'est elle ! fit Noah en entrant, suivi peu après de Carl et de l'otage. Celle-ci s'obstinait à garder le visage baissé, ou tourné vers les murs de la chambre. Liam ne regarda pas tout de suite la jeune femme. Son attention était pour l'instant focalisée sur Noah et Carl, qui trépignaient presque sur place. Le visage de Liam restait fermé, son regard sombre. Il vit la blessure que Carl avait à la main, car il passa machinalement les doigts dessus. Liam haussa un sourcil interrogateur, sans prononcer le moindre mot. Carl se renfrogna pour répondre, visiblement peu fier. - C'est qu'elle se laisse pas faire... - Oui, elle est plutôt coriace, mais on l'a tout de même eue ! Comme si on pouvait se faire distancer par une fille ! Fit Noah, un peu trop joyeux pour la situation. Liam eut soudainement un sourire moqueur, alors que ses yeux jetaient toujours des éclairs. - Ne sous-estime pas les capacités d'une femme, cela pourrait te jouer des tours. D'ailleurs, je ne suis pas certain que la Terreur apprécierait. "La terreur" était le surnom que les rebelles donnaient souvent à Erin. Cela eut pour mérite de faire taire Noah immédiatement.
Liam se détacha finalement de sa table pour franchir la distance qui le séparait de l'otage, qui regardait toujours ailleurs. La semi-obscurité de la chambre ne permettait pas de distinguer correctement les traits de son visage. Arrivé devant elle, Liam prit son menton entre ses doigts et tourna sa tête vers lui d'un geste sec, puis retira sa main tout de suite après. Ses pupilles se dilatèrent. Le sang vrilla à ses tempes. Sa mâchoire se serra imperceptiblement. Il y eut un silence, pendant lequel Liam se contenta de regarder Emy dans les yeux. Le temps d'un battement de coeur, il n'y eut plus rien d'autre au monde que ce goût amer que Liam avait dans la bouche, et cette sensation atroce que le sort se foutait décidément bien d'eux. Puis ses yeux dévièrent sur ses lèvres abimées et en sang. Il n'accorda pas une parole à Emy. Pas encore. Il tourna son visage dans la direction de Noah et Carl, qui justifièrent aussitôt le pourquoi du comment de la blessure. Puis son visage revint vers celui d'Emy, ses prunelles se rivèrent aux siennes. Et, lentement, ses lèvres s'étirèrent en un sourire énigmatique. Il n'était pas heureux de la voir ici. Il n'était pas triste non plus. En colère, peut-être. Torturé, surement. Ses yeux ne laissaient transparaitre aucune preuve d'amour. Mais pas de haine non plus. La question qu'il s'apprêtait à lui poser, aussi banale soit-elle en apparences, signifierait pour eux deux bien plus de choses que tout le reste. Sa réponse déterminerait le camp dans lequel elle se trouvait, ou prétendait se trouver.
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Sujet: Re: Our fugitive hearts & Emily Donovan Ven 7 Oct - 3:04
Emy, le regard obstinément fixé sur la vieille planche de bois, n'écoutait que distraitement ce que disaient les hommes. Cela ne l'intéressait pas, elle ne voulait rien avoir à faire avec eux. De toute façon, elle comptait bien partir rapidement de cet endroit sombre et humide dans lequel elle se sentait étouffer. Comment tous ces gens faisaient il pour tenir ici ? Ils étaient tellement, en plus ! Mais ils n'avaient pas le choix, elle s'en doutait. Elle ne savait toujours pas vraiment ce qu'il s'était réellement passé, et comment toute cette situation s'était produite, elle se doutait juste qu'il y avait un lien avec l'incendie de l'hôtel de ville, et un rapport avec la Milice. La milice... Son estomac se contracta, elle eut une pulsion de colère qui la saisit subitement. Elle la chassa du mieux qu'elle put, après tout, elle était toujours en colère, son sang bouillait constamment dans ses veines, mais elle faisait de son mieux depuis quelques mois pour le cacher. Être la bonne lady qu'elle se devait être. Souriante. Polie. Sans histoires. Après tout, c'était ce que devaient faire les jeunes filles de bonne famille, non ? Rester tranquille, accepter en silence ce que leurs aînés avaient prévu pour elles. Bien se comporter, ne jamais faire d'écart. Mais Emy avait elle déjà été ce stéréotype une fois dans sa vie ? Elle ne le croyait pas. Déjà enfant elle contournait les règlements, et avait rendu fou plus d'un percepteur. Ce n'était pas maintenant qu'elle allait rester dans un coin à sourire telle une potiche ! Si elle ne devait pas exécuter la mission qu'elle s'était elle même confiée, elle serait partie de cette ville maudite depuis longtemps. Peut être serait elle retournée en Irlande. Le pays lui manquait, même si elle n'en parlait jamais, et qu'elle l'avait quitté jeune. Tout était plus compliqué en Angleterre, elle en avait conscience. Elle voulait juste rentrer, et recommencer à courir dans les prairies vertes, comme lorsqu'elle était enfant. Mais elle n'était plus une enfant, il faudrait qu'un jour elle s'en rende compte.
C'est qu'elle se laisse pas faire... Emy avait finalement portée son attention sur les hommes, même si elle ne les regardait toujours pas. Elle eut un rire silencieux, et ses épaules bougèrent discrètement. Que croyait il ? Qu'elle allait se laisser gentiment attraper ? Il ne savait donc pas à qui il avait à faire. Certes, elle n'était pas un grand gaillard de deux mètres, mais cela ne voulait pas dire qu'elle ne pouvait pas se défendre. Elle espérait que la trace de ses dents allait rester un bon moment dans la chair de l'homme. Il l'avait bien mérité. Après tout, ils auraient pu lui parler et lui poser des questions, elle aurait répondu, elle n'était pas une sauvage... Enfin presque. Elle se rappelait encore l'air ébahi qu'il avait eu, et était plutôt contente d'elle même. Fini, la gentille Emy qui ne faisait jamais rien à part se lamenter sur elle même ! Elle sentait que si elle le voulait, elle pourrait tout détruire autour d'elle. Elle était tellement tendue, il fallait que tout cela sorte, qu'elle trouve un coupable, n'importe qui, et qu'il paye pour tous les autres. Ce n'était pas une attitude bien glorieuse, certes, mais elle sentait que l'explosion n'allait plus tarder. Perdue dans ses pensées et dans ses envies de destruction, elle ne prêta plus attention au reste de la conversation, et les voix des autres hommes ne lui paraissaient qu'être des bruits lointains.
Elle tortillait ses mains dans les menottes de bois, essayant d'en délivrer au moins une. Elle n'aimait pas se sentir attachée, elle qui aimait tant être libre. Finalement, elle vit deux pieds devant elle. Ah, enfin, elle allait se sortir de ce pétrin, et lui dire sa façon de penser, à ce chef avec des sous-fifres aux mauvaises manières. Soudain, elle tourna la tête brusquement, bien malgré elle, puisqu'il lui avait saisi le menton. Elle leva donc finalement les yeux, n'ayant plus tellement le choix. Sa gorge se serra aussitôt. Elle se serra tellement qu'une douleur fulgurante lui traversa la trachée. Impossible... Son coeur se serra jusqu'à exploser, et ses pupilles cillèrent légèrement. Son poing se serra lui aussi, si fort que ses ongles s'enfoncèrent dans sa chair. Elle sentait qu'elle allait tomber, s'effondrer. Pourtant, elle resta debout, droite, ne bougea pas d'un pouce. Intérieurement au contraire, toutes les émotions possibles et inimaginables se bousculaient. Elle voulait hurler, pleurer, rire, encore hurler. Mais rien ne sortit d'entre ses lèvres, qui avaient à peine tremblé. Elle avait l'impression de s'être transformée en statue en une seconde. C'était impossible, impossible... Et pourtant si, non ? Oui, oui, forcément... Mais.. Comment ? Quand ? Sa peau la brûlait là où, l'espace d'un instant, il l'avait touchée. Lui. Il était là. Devant elle. Elle allait avoir besoin d'une thérapie. Elle restait complètement immobile alors qu'il se tournait vers les deux autres, essayant de trouver un sens à la situation, de comprendre comme elle avait pu prendre cette direction. Alors, c'était donc ça ? Il était un rebelle, et elle, une noble. Elle pensait que la situation ne pourrait jamais être pire. La preuve que si. Il lui semblait qu'un fossé encore plus grand s'était creusé, et qu'il était devenu infranchissable. Lorsqu'il reporta son regard sur elle, elle le soutint, ne cillant pas. Il se mit à sourire, et les sourcils d'Emy se froncèrent imperceptiblement. Il avait au moins eu le mérite d'avoir réussi à la faire taire. Et pourtant, elle en avait, des choses à dire ! Elle ne s'attardait sur aucun détail, essayant d'assimiler le fait qu'il n'était pas mort. Pas mort !
Alors... Comment veux-tu que je t'appelle ? La question était tombée d'un coup, tranchante. Emy aurait pu éclater de rire, lui sauter dans les bras, montrer un peu sa joie. Mais Emy reste malgré tout Emy, et les explosions sentimentales n'étaient pas son fort. Pas du tout. Et encore moins maintenant qu'elle était sur le choc. Elle aussi le fixa, pendant quelques petites secondes, sans rien dire. Que croyait il ? Qu'elle était là pour espionner, comme on l'accusait ? Qu'elle allait remonter à la surface et tout raconter aux autorités ? Les guider jusqu'ici aussi, peut être ? Elle pensait qu'il la connaissait mieux que cela. Elle se dérida d'un coup.
- Tu peux m'appeler comme bon te semble, "chef". Elle avait ponctué sa phrase d'un petit sourire, mi-taquin, mi-moqueur, mi-fier, mi-intrigué, et mélangeant à peu près toutes les émotions qu'elle ressentait. De la colère, toujours. De l'étonnement. De l'incompréhension. Du soulagement, aussi. Mais surtout, surtout, de l'indignation. Parce qu'elle avait très bien compris le sens caché de sa question, et croire qu'elle était du côté des nobles la vexait beaucoup. Mais après tout... C'était ce qu'elle s'était efforcée de montrer, à contre coeur, depuis des mois. Au fond d'elle, elle comprenait qu'il puisse avoir des doutes.
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Sujet: Re: Our fugitive hearts & Emily Donovan Ven 7 Oct - 4:21
Du côté de Noah et de Carl, l'ambiance était plutôt à l'incompréhension. Ils se passait quelque chose sous leurs yeux qu'ils n'étaient pas en mesure de comprendre. Et les réactions respectives d'Emy et de Liam étaient trop étranges pour qu'ils puissent déterminer si ces deux-là se connaissaient réellement, ou si l'espèce d'osmose électrique et destructrice dans laquelle ils étaient plongés n'était qu'un pur fruit du hasard. Liam lui-même n'avait pas le sentiment de connaître Emy, telle qu'il la voyait en face de lui. Tellement de choses s'étaient passées, tellement de temps s'était écoulé !... Chacun d'eux avait vécu des bouleversements et des traumatismes qui les avaient changés, transformés, et qui les laissaient finalement comme deux étrangers. Deux étrangers avec un passé commun, mais trop lointain pour paraître même réel. L'écho de leurs rires d'enfants n'était plus qu'un pâle fantôme, que l'étroitesse du lieu et l'improbabilité de leur réunion mettait peu à peu en pièces. Tout semblait décalé. Etaient-ils au moins toujours amis ? Confidents ? Amants maudits ?
Cette Emy et ce Liam-là étaient morts. De nouvelles personnes étaient nées de leurs cendres. Renforcées dans leur fierté, isolées dans leur malheur, indépendantes l'une de l'autre. Ils s'étaient tous deux reconstruits -plus ou moins solidement- sans l'influence de l'autre, sans sa présence ; simplement avec sa mémoire, quelque part au fond du coeur. Peut-être même pas du coeur. Peut-être juste de l'esprit. Est-il vraiment possible de parler de sentiments, quand tout a été si bien détruit, si longuement déchiré et brisé en morceaux ? Le tourbillon de leur existence commune demeurait plutôt comme un souvenir que comme une quelconque forme d'émotion. De ce côté là, il n'y avait plus rien. A part peut-être une immense rage, doublée d'une profonde indifférence. Tout juste le bon mélange pour rester en vie, coûte que coûte, pour se réveiller chaque matin et pour se battre, en serrant les dents pour étouffer la douleur s'il le faut. Bien sûr, le choc lié à la surprise avait ranimé à travers le corps de Liam des réactions enfouies en lui, purement physiques. Comme dans un vieux rêve, il s'était vu sceller ses lèvres aux siennes, comme si cette étreinte était vouée à durer pour l'éternité. Mais une fois cette demie-seconde passée, il avait surtout compris que tout ceci n'était plus, justement, qu'un songe. Un vieux mythe, presque oublié, remplacé par d'autres préoccupations, plus pressantes, plus pesantes et lourdes de conséquences. Plus actuelles. Des mois sans que son corps ne puisse effleurer le sien. Une année passée à des kilomètres de l'intimité de ses pensées. Bien sûr, qu'ils avaient une vie en commun. Mais aujourd'hui, sans être de parfaits inconnus, ils étaient des étrangers. Capables de comprendre le double sens des mots de l'autre, mais pas vraiment en mesure de percer son regard ou ses pensées les plus secrètes.
Peut-être était-ce mieux ainsi. Le destin les avait toujours rapprochés, mais jamais véritablement unis. Peut-être étaient-ils voués à se croiser de temps à autres, sur la longue route de leurs vies, sans pour autant devoir parcourir le chemin main dans la main. Il était impossible de lutter contre ça, n'est-ce pas ? Et aujourd'hui, sans même parler de force, il est sans doute plus exact de dire qu'aucun d'eux n'en a plus l'envie. Lutter, toujours lutter pour être ensemble. Et pourquoi ? Mieux se déchirer ensuite ? Avoir plus mal, toujours plus ? Mieux valait apprendre à se jouer du destin à leur tour. Être capable de se regarder dans les yeux, comme ils le faisaient, sans s'effondrer. Je te reconnais, tu me reconnais ; mais au fond, on ne se connaît plus.
- Tu peux m'appeler comme bon te semble, "chef".
Liam pencha la tête sur le côté, tout en la dévisageant toujours. C'était le jeu des regards, à celui qui percerait le mieux l'autre à jour. Pour quel camp jouaient-ils ? Ennemis, Amis, Complices ? Elle détournait sa question. « Comme d'habitude...» pensa-t-il dans un petit sourire amer. Il crut retrouver là une certaine part d'Emy, la fière, la sauvage, l'indépendante. L'insolente, parfois. Mais n'avait-il pas changé, lui aussi ? Il pouvait comprendre la colère de son regard : la dernière fois qu'ils s'étaient vus, on l'emmenait pour se faire pendre. Il était faible, incohérent, lâche, détruit. Et voilà qu'il se tenait devant elle, vivant, qu'il imposait son autorité sur des dizaines de personnes, et qu'elle était sa prisonnière. - Il y a un problème, Liam ? osa finalement Carl, de plus en plus intrigué par l'étrangeté de la situation. Pas un regard de la part du concerné. Toujours ce sourire aux lèvres, il ne détachait pas ses yeux d'Emy. Emily ? Lady Donovan ? Peu importait, en réalité. Elle était plus. Ils étaient plus. Tellement plus que des prénoms... - Tu as toujours aimé compliquer les choses, n'est-ce pas ? Souffla-t-il d'une voix grave, aux intonations de reproches, mais aussi diaboliquement séduisantes. Son regard pesa une seconde de plus dans le sien. Il se tourna finalement vers Noah.
- Va chercher de quoi soigner ses plaies. Ce n'est pas comme ça qu'on traîte une vieille amie. Noah eut l'air confus. - Et... Pour les menottes ? Le regard de Liam, noir, profond, puissant, se riva encore à celui d'Emy. - Laisse-les lui.
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Sujet: Re: Our fugitive hearts & Emily Donovan Ven 7 Oct - 5:12
Le bois des menottes enfonçait des échardes dans les poignets d'Emy, mais cela lui importait peu. Elle gardait le poing résolument serré, ne grimaçant même pas alors que ses ongles s'étaient enfoncés dans sa cicatrice encore fraiche. Car c'était pour cela qu'elle portait désormais des gants - qui avaient disparus d'ailleurs - à cause de cette profonde entaille qu'elle s'était faite seule, et dont elle garderait la marque à vie. Le soir où elle avait pris la résolution d'arrêter de se lamenter et de commencer à agir, la nuit où un simple animal - qu'elle avait en horreur, en plus - avait changé définitivement sa vision du monde et qui l'avait finalement réveillée, après des mois passés dans une torpeur qu'elle s'était infligée. Pourquoi avait elle agi ainsi pendant si longtemps ? Une petite fille gâtée et capricieuse, voilà ce qu'elle avait été. Lorsqu'elle repensait à tous ces mois passés à pleurnicher sur son sort, elle avait honte. Honte d'être devenue ce qu'elle avait toujours redouté d'être. Ces moments de faiblesses ne devenaient que très rares et lorsqu'elle sentait qu'elle était sur une pente glissante, un simple regard sur sa main gauche lui remettait rapidement les idées en place. Cette nuit là, elle avait décidé d'aider les autres. Les faibles, les démunis, les laissés pour compte. Car après tout, c'était à ce monde là qu'elle appartenait. Elle lui avait appartenu, mais avait été bien ingrate. Pourtant, malgré les moments sombres, c'était dans celui ci qu'elle se sentait le plus à l'aise, qu'elle se sentait chez elle. Pourquoi alors avait elle toujours compliqué les choses ? Jamais contente, elle avait provoqué tout ce qu'elle avait enduré, et en avait conscience désormais. Mais malgré cette constatation, elle ne pouvait lutter contre sa nature de sauvageonne effrontée. Au contraire désormais, elle s'en servait pour parvenir à ses fins.
Sentir sa cicatrice sous ses doigts lui fit repenser à cette fameuse nuit. Celle où elle avait failli se tuer pour aller le retrouver. A croire que cette fois là, le destin avait décidé de lui donner un coup de pouce. Mais si elle était morte et qu'elle avait vu qu'il n'était pas là, elle aurait surement trouvé un moyen pour revenir, pour le retrouver. Pendant des années, elle avait cru que c'était lui qui avait toujours dépendu d'elle, qu'elle avait une sorte de contrôle inconscient de la situation. Pourtant, elle s'était finalement rendu à l'évidence qu'elle était la plus dépendante des deux, même si elle ne l'avait jamais montré. Elle s'était presque tuée lorsqu'elle avait appris qu'il était condamné à mort. En aurait il fait de même ? Elle ne savait plus réellement. Maintenant qu'il se tenait devant elle, et qu'elle constatait en silence combien il avait changé, elle se demandait sérieusement si tout cela n'avait pas été que des fables inventées par une adolescente qui avait lu trop de romans. Elle restait toujours droite comme un pic, et son regard ne cillait pas, comme à son habitude. Étrangement, elle avait moins mal qu'avant. Moins mal que lorsqu'elle avait vu la jeune femme chez lui. Pourtant, la situation était bien pire. Elle était intérieurement confuse et perturbée. Mis à part sa colère habituelle, les sentiments qu'elle éprouvait ne lui étaient pas habituels. Elle était... Détachée et en même temps en ébullition. C'était comme si les deux aspects de sa personnalité se livraient un combat sans merci. Extérieurement, rien ne transparaissait. Elle était toujours imperturbable, son sourire insolent sur les lèvres.
Tu as toujours aimé compliquer les choses, n'est-ce pas ? Le coin droit de ses lèvres s'étira légèrement, accentuant son sourire, et lui conférant un air légèrement moqueur. Même sa voix avait changé. Elle aurait comprendre ce qu'il s'était réellement passé, mais elle ne risquait pas de le demander. Elle saurait se renseigner autre part. Elle ne répondit pas, se contentant de le regarder un air provocateur lui traversant les yeux. Cette situation était nouvelle et pourtant lui plaisait, malgré le fait qu'elle soit extrêmement bizarre, et pas des plus joyeuses.
Va chercher de quoi soigner ses plaies. Ce n'est pas comme ça qu'on traite une vieille amie. Emy tourna vivement la tête vers Noah, le regard dur.
- Pas besoin. Elle reposa son regard sur Liam, toujours avec ce petit air provocateur et légèrement, très légèrement, amusé. Elle n'avait pas envie de faire la veuve qui avait éplorée durant des semaines. Pas envie d'exprimer la joie immense qu'elle devrait ressentir. Je ne suis pas en sucre. Elle pouvait bien supporter une petite coupure à la lèvre, elle n'allait pas en mourir.
- Et... Pour les menottes ? - Laisse-les lui. Lorsque son regard s'était de nouveau rivé au sien, une lueur noire avait traversé les yeux d'Emy, trop rapide pour qu'on puisse la remarquer. Avant, elle se serait énervée, aurait crié au scandale, aurait tout fait pour qu'on lui enlève ces satanées menottes. Mais étrangement, elle se contenta de laisser un petit rire rauque s'échapper d'entre ses lèvres blessées. Cette situation était décidément très étrange, cela la faisait même rire. Qui aurait cru qu'ils en arriveraient là ? Elle ne savait pas si elle riait de joie ou de dépit, cela dit.
- Craindrais tu que je tente de m'échapper, alors que je ne suis qu' "une fille" ? Elle ponctua la fin de sa phrase par un regard noir lancé à Noah, histoire de bien lui faire rentrer dans le crâne qu'elle n'était pas n'importe quelle fille, et qu'il ne valait mieux pas se frotter à elle.
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Sujet: Re: Our fugitive hearts & Emily Donovan Ven 7 Oct - 16:37
L'avoir en face de lui après toutes les atrocités qu'il avait vécues lui faisait tout drôle. Bien sûr, rien dans son attitude ne laissait deviner que sa présence le perturbait autant. Pas comme avant, néanmoins. C'était très différent. Mais il se souvenait ce qu'il avait éprouvé dans sa cellule, le premier jour. Il était tellement dévasté... Savoir qu'il allait mourir alors qu'elle le haïssait, c'était la pire des choses imaginables. Ce cauchemar l'avait hanté pendant des heures. Et il lui était arrivé quelques fois, ici, de se réveiller en sursaut et de porter la main à son cou pour vérifier que la corde n'était pas là. Et d'être soulagé de ne pas la voir en face de lui. De ne pas devoir regarder dans ses yeux, et d'y voir toute la haine qu'elle éprouvait pour lui. Les premiers jours, ce soulagement était doublé d'un profond sentiment de manque. Comme une tristesse qui refusait de le laisser en paix. Son absence lui avait pesé, beaucoup. Il n'avait, pour ainsi dire, jamais véritablement vécu sans elle. Ils avaient été séparés à maintes reprises au cours de leurs vies, mais le temps passé loin d'elle, il l'occupait à lui vouer la moindre de ses pensées. L'ancien Liam se mettait pour ainsi dire en mode "pause" lorsqu'il n'était pas aux côtés de son Emy. Mais, dorénavant, les choses étaient différentes. Il s'était reconstruit sans penser systématiquement à elle. Ses journées n'avaient fait que tourner autour d'un même problème : la rébellion. Voilà ce qui avait occupé son esprit dernièrement, ce qui avait conduit le moindre de ses gestes, dicté la moindre de ses paroles. Avant, il ne vivait que pour Emy. Le nouveau Liam, lui, était un être solitaire, reconstitué à partir des lambeaux d'âme de la personne détruite qu'il était autrefois. Un être dévoué à tous ces gens qu'il avait secourus. A tous ceux qui croyaient en lui, en sa cousine et en son nouvel ami Curtis, pour les sortir définitivement de leur misère de vie. Il n'avait pas le temps d'être malheureux, pas le temps de s'apitoyer sur son sort, ou même de prétendre aller bien alors qu'intérieurement, il hurlait. Voilà pourquoi il était aujourd'hui devenu cette espèce d'hybride de jemenfoutisme, d'autorité, de séduction et d'indifférence. Dans sa nouvelle existence, il n'y avait de place pour rien d'autre.
Parfois, il craquait. Devenait fou de rage, se laissait dépasser par sa haine folle du monde et du destin, se laissait enfermer dans la cage immonde que lui constituait sa douleur. Les souvenirs heureux se mêlaient à ceux qu'il méprisait le plus, et il se mettait à voir rouge. Ces moments étaient rares, cela dit. Ils survenaient souvent au milieu de la nuit, lorsqu'il était complètement seul. Il était facile de prétendre que rien n'était arrivé, le lendemain. Il devait toujours garder la tête sur les épaules, de toute façon : c'était ce qu'on attendait de lui. Mais malheur à celui qui le provoquerait trop, un jour, et qui ferait ressortir toute la haine qu'il avait accumulée en lui ces derniers mois. Il s'en servait souvent, d'ailleurs, de cette haine : lorsqu'il se devait d'être dur, d'être celui qui prenait les décisions difficiles. Il fallait bien quelque chose pour le faire avancer, quelque chose de puissant. Il se trouve que c'était la solution parfaite pour qu'il ne soit pas pris de remords atroces, qui le paralyseraient au mauvais moment, en plein milieu de l'action, au moment crucial où la vie de dizaines de rebelles était entre ses mains. Sa haine, sa rage, étaient aujourd'hui ses meilleures armes. Il savait désormais être froid ou sans pitié. Il savait désormais faire peur. Tant pis si cela voulait dire qu'il ne savait plus aimer. Il sacrifiait cette part de son humanité pour délivrer les rebelles. Leur liberté ne pouvait pas rester sans prix.
- Pas besoin. Je ne suis pas en sucre. Il lui rendit son sourire, mi moqueur, mi-provocateur. Elle se comportait en reine dans sa propre maison. Elle prendrait surement conscience ensuite, lorsqu'elle se trouverait à nouveau enfermée dans sa cellule et que personne ne viendrait lui ouvrir, même avec toutes les ruses du monde, qu'elle n'était pas ici en pays conquis. Elle se rendrait compte que chacun des rebelles la haïssait pour ce qu'elle était, même si Emy était un mélange de sang noble et de coeur du peuple. Et elle réaliserait peut-être alors que le seul semblant d'allié qu'elle pouvait avoir ici, le seul à même de la comprendre un peu, c'était Liam. Mais il ne voulait pas lui offrir ces informations sur un plateau. Non, il souhaitait qu'elle ouvre les yeux toute seule sur sa propre situation. Plus elle se comporterait comme elle le faisait, plus elle aggravait sa situation. Après tout, on avait tout pris aux rebelles. Leur esprit vengeur dépassait souvent les limites de ce qui peut-être considéré comme "humain". Il ne tenait qu'à Liam de les empêcher de l'étriper sur place pour soulager leur haine. Il ne doutait pas qu'elle puisse survivre sans le moindre ami, en grande solitaire. Mais cela lui pèserait forcément, un moment ou l'autre, de ne voir qu'un profond mépris dans les yeux de ceux qu'elle avait sans doute toujours considéré, au fond d'elle-même, comme les siens.
Liam hocha de la tête dans la direction de Noah, pour lui indiquer d'obéir à ce qu'il lui avait demandé. Celui-ci disparut quelques secondes pour aller chercher de quoi faire l'affaire. Liam regarda Emy en penchant la tête sur le côté. Quelques mèches de ses cheveux en bataille lui passèrent légèrement devant les yeux.
- Crois-moi, tu ne veux pas que l'infection ravage un si beau visage. Fit-il avec sa voix de velours. Il n'avait pas tort : sous-terre, sans soleil ni air pur, les maladies se propageaient à vitesse grand V, et la moindre égratignure pouvait rapidement devenir mortelle. Les rebelles l'avaient vite compris, après avoir perdu nombre de leurs membres de cette façon. Liam se passa une main dans les cheveux pour les rabattre en arrière. Son sourire ne le quittait pas. Il prit en revanche une forme plus amère par la suite, et sa voix suivit le même élan. Tu vois, ici nous avons une conception bien particulière des prisonniers. Sa voix devint subitement grave et glaciale, tandis que son regard s'obscurcit. Son sourire avait disparu. On les garde en vie.
Noah revint avec un linge propre et un flacon d'alcool pur. Il les posa sur la table près de Liam et d'Emy. Liam s'approcha de la table pour s'en emparer. Il ôta le bouchon du flacon d'alcool et en imbiba le tissu.
- Craindrais tu que je tente de m'échapper, alors que je ne suis qu' "une fille" ? Il jeta un regard dans la direction d'Emy, le tissu à la main. Son sourire revint, accusateur.
- Tu sais bien que je ne t'ai jamais sous-estimée... Fit-il dans une voix chargée de sous-entendus. Après tout, c'était vrai : cela avait toujours été Emy par-ci, Emy par-là... La plus grande femme que l'humanité ait jamais connue ! Même dans les pires instants, n'est-ce pas ? Il s'approcha d'elle, et appliqua sans réelle douceur le tissu sur sa lèvre blessée. Son regard retrouva le sien. Et pour répondre à ta question, c'est plutôt parce que je ne veux pas que tu te fatigues inutilement à essayer d'arracher les yeux de mes hommes. Il se pencha un peu vers elle, un sourire joeur aux lèvres, comme pour lui faire une confidence, mais la phrase était de toute évidence adressée à Noah et Carl. L'expression sur le visage de Liam, froide et austère alors que son sourire étirait toujours ses lèvres, faisait froid dans le dos. Ça, c'est mon truc.
Il se recula ensuite et retira le tissu de sa bouche. Liam la contourna pour passer dans son dos. Ses mains glissèrent sur les poignets d'Emy, qu'il attrapa dans ses paumes pour en toucher les égratignures sous les menottes. Il passa là aussi le tissu avec l'alcool, pour désinfecter sa peau. Comme il était plus grand, son visage arrivait au dessus de l'épaule d'Emy.
- Evite de trop toucher les blessures, et ça ira très bien. Puis sa main gauche glissa sur la sienne, d'abord pour chercher s'il n'y avait pas d'autres blessures là aussi. Ses doigts effleurèrent sa paume, et il sentit la cicatrice. Il baissa les yeux pour l'observer, et y vit la marque nette d'une lame, passée plusieurs fois dans la chair. Cela ne datait pas de la veille : cette blessure n'avait rien à voir avec celles infligées par Noah ou Carl. L'espace d'un instant, les yeux de Liam restèrent accrochés à cette plaie. Il se revoyait, à des années lumières de là, découvrir un bleu sur le corps d'Emy, et sentir son coeur se serrer, car il venait d'apprendre la vérité sur tous ses mensonges. Liam releva les yeux vers le visage d'Emy, qu'il voyait de côté par dessus son épaule. Il repassa son doigt sur la cicatrice, avec une douceur étrange. Et il lui dit exactement ce qu'il lui avait dit, ce soir-là dans la grange : Laisse-moi deviner... Tu es tombée, c'est ça ?
Il se détacha ensuite d'elle, et posa une main sur son épaule pour la guider vers la seule chaise de la pièce, sur laquelle il la fit s'asseoir. Il s'installa ensuite sur la table en face d'elle, et y déposa négligemment le tissu souillé d'alcool et de sang.
- Je ne vais pas te demander ce que tu faisais seule dehors en pleine nuit. Il la fusillait littéralement du regard. On a dépassé tout ça, toi et moi, hein ? Il y eut un petit temps, puis il reprit. Mais comment expliques-tu que Noah et Carl t'aient pris pour une menace, au point de te ramener jusqu'ici ? A quoi tu joues, là-haut ?
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Sujet: Re: Our fugitive hearts & Emily Donovan Sam 8 Oct - 16:59
Jusqu'ici, Emy avait été trop choquée pour faire vraiment attention à la situation et à ce qu'il se passait réellement dans cette pièce. Elle avait beau avoir répondu et montrer un minimum de réactivité, intérieurement elle était en blocage complet. Assimiler le fait qu'il ne soit pas mort était très dur, surtout maintenant qu'elle avait plus ou moins réussi à faire son deuil, ce qui n'avait pas été chose facile. Elle avait passé des semaines à se conditionner, à ne pas montrer à quel point elle était affectée devant les autres nobles et sa famille, et cela, ajouté à la peine qu'elle éprouvait, avait été très douloureux. Et voilà que tout cela était désormais réduit à néant, tant d'heures passées à se contenir, à ne pas exploser, pour rien. Si elle l'avait su plus tôt, elle se serait sûrement plus laissée aller, et tant pis pour ce qu'en auraient dit les autres. D'un autre côté, si elle l'avait su, la situation n'aurait peut être pas été la même. Elle serait venue d'elle même ici, le retrouver, et tant pis pour son orgueil. Cela aurait pu être simple, peut être même joyeux, mais la simplicité n'était décidément pas faite pour eux et une fois de plus, elle devait accepter ce nouveau coup du sort sans broncher. Elle en avait plus qu'assez de devoir toujours tout accepter sans rien dire, et que la nature, ou quelle que soit la force supérieure qu'il y avait au dessus d'elle, s'obstine à ne pas la laisser en paix. Ainsi, il lui avait fallu quelques minutes pour se remettre du choc interne auquel elle avait confrontée. Elle avait désormais l'esprit un peu plus clair, et commençait à réellement faire attention à ce qu'il se passait autour d'elle. Plus que ça, elle commençait à faire attention à lui, et plusieurs choses la frappèrent en plein visage. Il avait terriblement changé, tout en restant le même. C'était troublant. Il semblait plus adulte, et son visage semblait marqué par le souci. Elle avait toujours les yeux rivés dans les siens et ne fit donc pas attention à son ensemble, pas encore. Il avait toujours les mêmes yeux bleus mais eux aussi semblaient différents. Plus durs qu'avant. Elle était habituée à voir son regard doux, et ce petit changement était plus perturbant qu'on ne peut l'imaginer. Il dégageait une autorité qu'elle n'avait jamais vu chez lui, et lorsqu'il indiqua à Noah d'aller faire ce qu'il lui avait demandé - et qu'elle ne voulait pas mais apparemment, elle n'avait pas le droit de protester - elle se rendit compte qu'il se faisait facilement obéir.
Crois-moi, tu ne veux pas que l'infection ravage un si beau visage. Sa façon de s'exprimer était différente, elle aussi. Disparu le bafouillement. Intriguée, Emy leva un sourcil, mais ne répondit rien. Elle baissa alors les yeux pour remarquer les traces qu'il portait sur son corps. Elle était loin d'être stupide, et quelques secondes suffirent à lui faire comprendre comment il les avait eues. Tout cela était de plus en plus étonnant. Elle continuait de baisser les yeux lorsqu'il reprit la parole. Tu vois, ici nous avons une conception bien particulière des prisonniers. On les garde en vie. Emy releva les yeux immédiatement. Cette phrase lui avait fait froid dans le dos, sans qu'elle n'en montre rien bien évidemment. Elle sentait qu'elle était lourde de sens et de reproches. Elle le comprenait parfaitement. La Milice et autres nobles étaient ignobles. Mais la mettait il dans le même paquet ? Celui où les riches veulent réduire au silence les pauvres qui ne se comportent pas comme il le faudrait ? Elle commençait à avoir de sérieux doutes. Sinon, pourquoi agirait il ainsi ? Elle aurait voulu mettre la situation au clair une bonne fois pour toutes, mais Noah revint avec de quoi la soigner, et elle se ravisa d'ouvrir la bouche. Durant les derniers mois elle s'était tout de même un peu assagie, et avait appris à ne pas exploser d'un coup et à attendre le bon moment. Il allait forcément arriver.
Tu sais bien que je ne t'ai jamais sous-estimée... Alors qu'il appliquait le tissu sur sa lèvre, Emy se contenta de l'observer sans rien dire, sans grimacer alors que l'alcool piquait atrocement. Elle avait bien compris le sous entendu pas vraiment dissimulé qu'il lui adressait. Et pour répondre à ta question, c'est plutôt parce que je ne veux pas que tu te fatigues inutilement à essayer d'arracher les yeux de mes hommes. Ça, c'est mon truc. Un petit rire rocailleux s'échappa de la gorge d'Emy.
- Tu sais pourtant que je ne suis pas quelqu'un de violent. Et puis elle n'était pas excessive non plus, jamais. Elle n'avait pas relever la fin de sa phrase. Elle essayait de comprendre qui elle avait réellement face à elle, parce qu'elle avait bien compris qu'elle ne le connaissait pas.
Lorsqu'il se plaça dans son dos, ses yeux arrêtèrent d'être fixes et vides et allèrent se poser sur une quelconque planche de bois. C'était dur. Elle était perturbée, bien plus que ce qu'elle laissait transparaitre. Et elle avait mal, aussi. Mais cela, elle préférait le laisser dans un coin de sa tête, là où elle avait stocké toutes les pensées qui la dérangeaient. Elle ne voyant pas ce qu'il faisait, mais la brûlure de l'alcool sur sa peau était suffisante pour imaginer. Elle ne bougeait pas, droite comme une statue. Elle sentait ses mains descendre le long de ses poignets, et son estomac se tordit. Mais avant qu'elle n'ait le temps de fermer la main, elle sentit ses doigts passer sur sa paume. Elle serra la mâchoire si fort que ses dents grincèrent très légèrement. Elle n'avait pas honte de l'état de sa main, tant pis si elle était désormais défigurée, mais elle n'aimait pas qu'on lui pose des questions là dessus. Et surtout, elle portait des gants dès qu'elle sortait afin de ne pas se faire reconnaitre. La plupart des bourgeois et des nobles du cercle d'amis de sa soeur avaient au courant du tragique accident, celui où elle avait glissé dans la cuisine et s'était rattrapée sur la lame d'un couteau. C'était la version qu'elle avait elle même donnée, elle ne voulait pas qu'on sache qu'elle avait eu un instant suicidaire. Le seul à être au courant était Albert, le majordome, qui était venu la récupérer dans le jardin, après l'avoir vue assise dans les buissons complètement statique. Laisse-moi deviner... Tu es tombée, c'est ça ? Emy desserra finalement la mâchoire, pour reprendre son air détaché.
- Raté. Je me suis battue contre un couteau. C'est lui qui a gagné. Elle n'allait sûrement pas donner de détails, et ce n'était pas vraiment un mensonge. Il aurait été facile de répondre "oui", mais elle sentait qu'elle avait dépasser le stade où elle faisait exprès de prétendre ne rien voir, ne rien savoir et être blanche comme neige.
Lorsqu'il la guida vers la chaise, elle se déroba sous sa main. Elle voulait bien faire un effort, mais il ne fallait pas trop lui en demander non plus. Elle s'assit sur la chaise, droite comme toujours, les mains encore attachées dans le dos. Ce n'était pas très confortable comme position mais tant pis, elle s'en remettrait. Elle leva ensuite le regard pour le fixer. Je ne vais pas te demander ce que tu faisais seule dehors en pleine nuit.. Elle lui rendit son regard meurtrier. Qu'avait elle fait pour mériter ce reproche à peine déguiser ? Elle pouvait se promener où elle voulait quand elle le voulait, non ? Mais comment expliques-tu que Noah et Carl t'aient pris pour une menace, au point de te ramener jusqu'ici ? A quoi tu joues, là-haut ? Toujours droite, Emy se para d'un léger sourire.
- Crois le ou non, mais tu n'es pas le seul à vouloir aider les laissés-pour-compte et les démunis. Elle prit ensuite un air distrait et détaché, laissant son regard fureter dans la pièce. Mais il se peut que j'ai commencé à poser quelques questions hier qui n'ont pas du leur plaire. Et l'expression était faible, elle avait passé la journée et une bonne partie de la nuit à taper à toutes les portes qui se présentaient devant elle pour en savoir plus sur cette histoire de rebelles qui la perturbait tant. Elle reposa finalement son regard sur Liam, tout en croisant les jambes, choses qu'elle n'aurait jamais pu faire chez elle.
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Sujet: Re: Our fugitive hearts & Emily Donovan Dim 9 Oct - 4:21
Être capable de lui faire des réflexions aussi déplacées et avec un tel détachement ne ressemblait pas à Liam. Du moins, pas au Liam qu'Emy avait connu, des années plus tôt à Meryton. En fait, ce Liam-là n'aurait jamais rien fait qui puisse la contrarier ou la bousculer dans son orgueil. Il n'aurait jamais dit le fond réel de sa pensée si cela avait pu la vexer ou lui causer le moindre tort. Ce Liam-là lui était soumis dans des proportions totalement démesurées. A un tel point que, le soir où tout avait pris un gigantesque tournant dans leurs vies, alias le soir où il avait finalement appris la vérité sur sa vie nocturne, il n'avait même pas été capable de lui en vouloir la moindre petite seconde. Pire que tout cela : la seule fois où il avait finalement essayé d'énoncer le fond de sa pensée, de lui confier ses craintes, il s'y était pris tellement mal que tout avait dérapé. L'ancien Liam avait longtemps gardé un souvenir amer de cette soirée, au bal costumé. Il avait retourné la situation dans tous les sens pour essayer de comprendre ce qu'il avait fait de travers. Mis à part parler -enfin- il ne voyait pas. C'était donc ça : Emy avait un problème avec le fait qu'on lui dise ses quatre vérités en face ? Avec le fait qu'on la titille un peu, et que les choses ne se passent pas comme elle l'avait prévu, elle ? Cela dit, il fallait bien lui rendre ça, personne n'aimait ce genre de situation et ne pouvait être parfaitement à l'aise avec. Toujours est-il que le Liam qui se tenait devant Emy, et qui ne bronchait pas alors qu'il enfonçait à chaque parole un peu plus le couteau dans la plaie, était un homme totalement différent. Il ne s'écrasait plus face aux requêtes implicites des autres, désormais. Il disait ce qu'il pensait, que cela plaise ou non, et cela faisait souvent des étincelles. Mais cela lui conférait surtout une personnalité plus forte, plus affirmée. Le Liam d'aujourd'hui ne se laissait pas faire, ni marcher sur les pieds. Il avait un côté insolent qui pouvait être blessant, il pouvait pousser bon nombre de personnes dans leurs retranchements s'il estimait que c'était nécessaire, et avait abandonné sa gentillesse exacerbée pour devenir un homme plus sûr de lui. Quatre jours de combat contre soi-même, un coeur brisé, une âme au bord du gouffre et des centaines de milliers d'heures de souffrance pour en arriver là. Mais le résultat en valait la peine.
Alors oui, il avait été odieux en lançant ces dernières piques à Emy. Lui rappeler qu'elle avait autrefois occupé ses nuits à se prostituer, qu'elle lui avait trop souvent menti sur les blessures qu'elle avait sur le corps, lui rappeler l'admiration aveugle qu'il avait pour elle ; et même aller jusqu'à lui mettre en tête l'horreur meurtrière qui avait eu lieu sous l'Hôtel de Ville, perpétrée par des gens du même rang qu'elle... Tout cela était tout bonnement salaud. Mais c'était peut-être un peu mérité, aussi. C'était donnant-donnant, n'est-ce pas ? Quitte à faire dans la perpétuelle auto-destruction, autant s'y prendre bien, non ? Ils n'étaient bons qu'à se faire du mal, l'un et l'autre. Il fallait arrêter de se le cacher. Ils avaient une part de haine en chacun d'eux qui portait le nom de l'autre en lettres capitales. Ils ne pourraient pas se pardonner toutes les souffrances qu'ils s'étaient mutuellement infligées avant d'avoir tout laissé couler, tout laissé exploser violemment à la figure de l'autre. Voilà la vérité à propos de la nouvelle Emy et du nouveau Liam.
- Raté. Je me suis battue contre un couteau. C'est lui qui a gagné. Cette réflexion fit rire Liam. Ils étaient sur la même longueur d'ondes, tous les deux. Pas la peine de faire semblant, de prétendre être des sainte-ni-touches alors qu'ils avaient tous les deux une montagne de pêchés à leur actif. Liam lui parla alors comme si ce qu'il allait dire relevait de la petite anecdote qu'on se raconte entre amis. Mais, à l'évidence, le fond de ce qu'il disait était bien plus sombre. D'ailleurs, son visage froid et fermé contrastait avec le ton tranquille et détaché de sa voix.
- Oh, je vois. Je me suis retrouvé dans le même genre de bataille, il y a un an. Sale histoire. Son sourire, odieux et presque mesquin, faisait froid dans le dos. Paradoxalement, sa voix s'apaisa, et ses yeux furent traversés d'une lueur de tristesse. Mais le couteau n'a pas vraiment gagné, regarde. On est encore là. Sa voix n'était plus qu'un murmure, apaisant, doux, étrange. A croire que son changement de personnalité s'accompagnait d'un lunatisme incroyable. Mais il fallait plutôt mettre ça sur le choc de ces retrouvailles, ainsi que sur le cruel manque de sommeil. Il était dur de tenir le coup, par-ci.
- Crois le ou non, mais tu n'es pas le seul à vouloir aider les laissés-pour-compte et les démunis. Assis en face d'elle, il ne la lâchait pas des yeux. Il ne put retenir un sourire mi-amusé, mi-moqueur à cette réflexion.
- Oh, alors tu t'es finalement mise à défendre la veuve et l'orphelin, toi aussi ? S'ils étaient aujourd'hui des étrangers, cela ne voulait pas dire que Liam oubliait et reniait leur passé commun. Et y faire référence de la sorte faisait partie de tout ce truc d'extérioriser sa haine. Mais il se peut que j'ai commencé à poser quelques questions hier qui n'ont pas du leur plaire. Liam hocha la tête, et un rapide regard dans la direction de Noah et de Carl confirma ses dires. Liam soupira en fermant les yeux, profondément exaspéré par le comportement de ses hommes. Puis il se re-concentra sur Emy. Ta curiosité te perdra.
Il avait décidé de ne pas lui poser plus de questions que cela. Pour l'instant, il se moquait bien de savoir si elle avait effectivement posé ces questions pour elle-même ou pour quelqu'un d'autre. Il doutait qu'elle soit réellement une espionne -du moins, dans le sens qu'entendaient Noah et Carl- mais maintenant qu'elle était là, la situation revenait au même, de toute façon. Elle allait y rester.
- Et maintenant, que comptes tu faire de moi ? Liam la regarda de bas en haut, les yeux sérieux et sans sourire, mais avec une étincelle particulière dans le regard. Il se leva de la table, et fit signe à Carl d'approcher.
- Reconduis-la dans sa cellule. Tu diras au surveillant de vérifier ses blessures ce soir, et de faire ce qu'il faut s'il en remarque d'autres. Ensuite, tu reviendras me voir. je ne veux pas que tu traines là-bas, compris ? - Oui.
Carl attrapa le bras d'Emy pour la faire se lever de sa chaise. Pendant ce temps, le regard de Liam avait pesé gravement sur Noah, qui restait immobile, comme pétrifié. Lorsqu'Emy fut debout, Liam le lâcha des yeux et se retourna vers elle.
- Maintenant, tu vas retourner dans ta cellule, et tu vas attendre. Son regard plongea dans le sien, et un sourire microscopique, différent de tous ceux qu'il lui avait fait jusque là, étira subtilement ses lèvres. Et, si tu es sage, peut-être qu'un jour tu deviendras ma Marianne. Il détourna son regard vers Carl, qui commença donc à tirer Emy par le bras pour l'emmener. Mais Liam l'arrêta d'un geste de la main. - Attends, j'ai oublié quelque chose... Et, sans prévenir, il s'approcha d'Emy, laissa glisser sa paume de sa joue à la naissance des cheveux sur sa nuque, et pencha son visage juste à côté de son autre joue, pour aller murmurer à son oreille quelque chose que seuls eux deux pourraient entendre.
- Je suis toujours vivant, Emy. Tu ne m'as pas tué.
Aussi vite qu'il s'était fait, le contact entre eux se rompit, et Carl reprit son chemin avec la prisonnière.
Assise sur le sol humide de sa cellule, Emy retournait cette phrase en boucle depuis qu'elle avait quitté le compartiment. Il lui avait semblé que sur le chemin Carl lui avait parlé, et lui avait dit quelque chose comme quoi il était fier d'avoir un chef comme ça, et qu'il se battrait jusqu'au bout pour lui. Elle n'avait écouté que distraitement, ces quelques mots fusant à toute allure dans son esprit. Elle s'était laissée guider jusqu'à sa cellule en regardant le sol, cette fois ci. Elle avait été docile lorsque le garde lui avait enlevé ses menottes, et était rentrée dans l'endroit qu'elle ne pensait pas quitter de sitôt. Elle n'avait pas prononcé un seul mot, elle qui avait été si vindicative plus tôt. Elle se remettait plus difficilement qu'elle ne voulait se le faire croire de tout ce qu'il venait de se passer. Pourtant, elle n'avait pas été tétanisée tout à l'heure au contraire, elle s'était sentie plus vivante que les mois précédents. Mais maintenant qu'elle était seule, qu'il n'était plus face à elle, le couperet retombait, et elle s'était installée dans un mutisme qui faisait froid dans le dos, et qui ne lui était pas familier. Elle avait toujours été grande gueule et n'avait jamais eu aucune crainte à donner son avis haut et fort, même lorsqu'on ne lui demandait pas. Voilà pourquoi elle n'avait pas hésité à se plaindre haut et fort lorsqu'on l'avait jetée derrière les barreaux, et pourquoi elle ne s'était pas démontée devant Carl et Noah. Il lui arrivait parfois de se sentir indestructible, et elle agissait souvent sans penser aux conséquences, car elle estimait toujours faire ce qu'il fallait et si ce n'était pas le cas et bien tant pis, elle avait quand même eu raison de le faire. Elle avait toujours pensé avoir raison sur tout, et riait parfois de ce défaut qui ne lui paraissait pas si important que cela. Seulement, quelques petites minutes avaient suffi à ce qu'elle se remette en question, ce qui ne lui était pas coutumier. Elle qui se croyait si bonne de passer ses journées à aider les autres, à leur fournir nourriture et attention, elle avait découvert qu'il y avait un réseau entier de personnes qui faisaient exactement la même chose sous ses pieds. Plus encore, que c'était lui qui dirigeait ce réseau. Elle baissa les yeux sur sa cicatrice, et se trouva encore plus ridicule. S'être marquée à vie ne la dérangeait pas, mais en être arrivée à un tel point la mettait hors d'elle. Elle était trop immature, trop excessive. Elle pensait avoir changé depuis quelques années, mais la preuve en était que non. Elle était toujours la même nombriliste et égocentrique Emily Donovan. Cela ne lui plaisait pas, et l'admettre constituait un effort considérable. A moins qu'elle ne l'ait déjà admis il y a longtemps, et qu'elle ne s'en rendait compte que maintenant. Cette rencontre avait eu le mérite de lui ouvrir les yeux.
A côté d'elle, elle entendit à nouveau les marmonnements de lord Buckett, qui semblait toujours prier pour son salut. Malgré la faible lumière, le regard noir et meurtrier qu'elle lui lança suffit à le faire taire, et à lui tourner le dos. Elle agissait toujours ainsi, elle était agressive et continuellement énervée. Cette colère qui ne la quittait pas lui rongeait l'estomac et la bouffait chaque jour un peu plus. Elle en voulait au monde entier. Les yeux toujours rivés sur sa main, son coeur se serra. Au monde entier ? Non ! A elle même ! C'était contre elle qu'elle était en colère ! Tellement en colère qu'elle ne se supportait plus, qu'elle enchaînait les erreurs pour avoir chaque jour une raison de plus de s'en vouloir. Elle, cette enfant pourrie gâtée qui n'en avait toujours fait qu'à sa tête, sans se préoccuper des autres, de ce qu'ils pouvaient ressentir. Elle, qui avait toujours faire en sorte de retourner la situation en son avantage, de se faire passer pour la victime. Elle, qui avait détruit tout ce qui lui apportait du bonheur, parce qu'elle n'était qu'une idiote prétentieuse et égoïste. Elle comprenait maintenant ce qu'il lui avait dit. Tout s'éclairait dans son esprit. Il venait de réveiller le monstre de culpabilité qui l'habitait depuis si longtemps et qu'elle faisait taire bien consciencieusement. Elle lui avait fait du mal, tellement de mal, et elle le savait pertinemment. elle le savait lorsqu'elle rentrait en plein milieu de la nuit, après s'être prostituée sans rien dire. Elle le savait lorsqu'elle ne revenait pas pendant des jours sans une explication. Elle le savait lorsqu'elle s'était interposée entre lui et Cael. Elle le savait lorsqu'elle est partie sans se retourner, ce soir d'Halloween. Elle le savait au cimetière. Elle le savait dans le parc, lorsqu'elle pensait le voir pour la dernière fois. Elle avait toujours su qu'elle avait été son bourreau, mais que cela ne lui avait pas semblé grave. Après tout, il était toujours gentil, non ? Il revenait toujours, non ? Elle l'avait détruit petit à petit, grignoté, alors qu'il était toujours là pour elle. Elle ne l'avait pas tué, mais elle aurait pu. Elle savait qu'il l'aimait, elle l'avait toujours su, et profitait de cela pour agir comme bon lui semblait, sans le prendre en considération. Et pourtant, elle aussi l'aimait. Elle l'aimait depuis qu'elle l'avait poussé dans une flaque de boue un jour, et qu'il l'avait regardée en riant. Elle ramena ses jambes contre sa poitrine, et posa sa tête sur ses genoux, le regard dans le fixe. Elle pensait déjà qu'elle était une horrible personne, mais elle ne savait pas encore à quel point. Elle vit des gens passer devant sa cellule, et la regarder d'un air mauvais. Elle les comprenait. Elle représentait tous ceux qui leur avait fait du mal, à eux et aux leurs. Elle aurait voulu leur expliquer qu'elle n'était pas comme ça, qu'elle appartenait plus à leur monde qu'à celui dans lequel on l'avait rangée. Mais cela n'aurait servi à rien, parce qu'elle n'était plus sûre de savoir à quel monde elle appartenait. Elle était une espèce de monstre hybride, qui ne savait pas de quel côté aller sans tout faire foirer. Elle levait les yeux vers le groupe qui passait rapidement devant les cellules lorsqu'elle vit une ombre se détacher de celui ci. C'était une petite fille, elle devait avoir sept ou huit ans. Brune, les yeux bleus, elle était maigre et semblait fatiguée. Elle ne s'arrêta devant Emy que pendant quelques secondes, juste le temps de lui faire un sourire, avant d'accourir vers sa mère qui l'avait appelée. Prise de court, Emy n'avait pas eu le temps de réagir. Elle se contenta de baisser la tête tristement. Il n'y avait que lorsqu'elle était seule qu'elle s'autorisait à agir comme un être humain. A ressentir, à être touché. Dès que quelqu'un était là, il n'y avait plus que la fierté et la volonté de prouver qu'elle était forte qui étaient présentes. Elle s'était habituée à agir ainsi pour qu'on la laisse tranquille.
Son regard se posa finalement sur la flamme vacillante d'une bougie posée dans une cavité, face à sa cellule. Elle ne savait pas combien de temps elle resterait là, mais la sombreur de l'endroit lui faisait peur. Elle n'avait jamais été à l'aise avec le noir, et sentait qu'ici il ne faisait que s'accroître. Elle repensa à ce qu'il lui avait dit. Si tu es sage, peut-être qu'un jour tu deviendras ma Marianne. Elle avait compris l'allusion, mais ne savait pas vraiment comment l'interpréter. Tout devenait très confus dans son esprit, et toutes les certitudes qu'elle s'était forgée par rapport à lui depuis des années s'étaient effondrées en l'espace de quelques minutes.
Dernière édition par Emily Donovan le Lun 10 Oct - 19:13, édité 1 fois
Noah suivit Carl et la prisonnière du regard lorsqu'ils quittèrent la pièce. Il avait compris, au regard que Liam lui avait jeté juste auparavant, que ce qui allait suivre n'allait pas être agréable. Liam n'était pas connu pour ses accès de colère ou de violence, pourtant. Il n'avait jamais puni injustement qui que ce soit. Il n'avait jamais frappé à moins que ce soit absolument nécessaire. Mais, à travers toute la cour des miracles, Liam était respecté, car ses décisions étaient sages et justes. Son opinion était suivie, presque à la lettre, car elle était considérée comme étant la bonne. Si jamais Liam pensait que Carl et lui avaient commis une erreur, Noah s'en voudrait pour longtemps, car il éprouvait pour Liam un profond respect, et qu'il ne voulait rien faire qui aille à l'encontre de l'avancée des rebelles dans la grande bataille qu'ils menaient tous. Noah sentait donc une bonne appréhension monter en lui : il s'attendait à se faire remonter les bretelles. Pourtant, il n'avait pas plus peur que cela. Liam n'était pas de ce genre de dictateur fou qui frappe à droite et à gauche au moindre débordement. Voilà, c'est comme ça que le jeune-homme se rassurait. Il n'avait rien commis qui soit trop grave, et il ne recevrait donc que la punition qu'il méritait : quelques paroles dures, et pas plus.
Ce fut lorsqu'il releva les yeux vers Liam qu'il comprit à quel point il avait eu tort. Le regard que celui-ci lui lançait était abominablement glacial. Et d'un coup, Noah se rappela comment Liam avait su gagner le respect de chaque rebelle en se contentant d'élever la voix de temps en temps : il avait tué des dizaines d'hommes de ses propres mains. En les regardant dans les yeux, de la même façon qu'il défigurait Noah en ce moment même. Ce n'était pas sa bienveillance qui l'avait mené où il était aujourd'hui. C'était son incroyable capacité à terroriser quelqu'un d'un simple regard. Noah eut un petit mouvement de recul incontrôlable lorsque Liam fit un pas dans sa direction. Il sentait son pouls s'accélérer, et ses muscles se tendre. Etait-ce ce qu'éprouvaient les victimes de son chef juste avant qu'il ne les tue ? Noah était un homme courageux, voire téméraire. Pourtant, là, il avait vraiment peur. Il revit la façon qu'avait eu Liam de se comporter face à la prisonnière. Cette inhabituelle manière d'être odieux, de la provoquer, comme s'il avait cherché à faire quelque chose que personne à part lui -et peut-être elle ?- n'était à même de comprendre. Ils se connaissaient forcément. Liam lui-même avait parlé d'une "vieille amie", à un moment, cela revenait à l'esprit de Noah. Avaient-ils capturé quelqu'un à qui Liam tenait ? Pourtant, tout dans son comportement avait laissé à penser qu'il la méprisait ! Le visage de Noah se décomposait au fil des secondes, alors qu'un lourd silence pesait sur l'atmosphère de la petite pièce. Dans cette chambre exiguë, l'air semblait soudain manquer. Liam avait maintenant parcouru toute la distance qui le séparait de Noah. - Eh bien, on dirait que tu as vu un fantôme ! lui fit-il dans un demi-sourire, qui n'avait pourtant rien d'amical ou de rassurant. Sa voix elle-même ne donnait pas envie de se détendre. Liam posa une main sur l'épaule de Noah, pour la serrer virilement entre ses doigts. - Euh je... Non. C'est que... Tu as l'air... C'était quelqu'un... d'important ? - Ce n'est pas de ça dont tu devrais te soucier, Noah. Sa voix faisait froid dans le dos, grave, autoritaire et presque meurtrière. - Mais qu'est-ce qu'on a fait de trav- Mais Noah fut incapable de terminer son mot, car dans son ventre venait de s'enfoncer le poing resserré de Liam, alors que son autre main tenait toujours son épaule.
Noah se plia en deux sous le coup de la douleur. Mais il n'eut pas le temps de reprendre son souffle que Liam lui attrapait violemment les cheveux pour relever sa tête au niveau de la sienne. Il le dévisageait avec une telle haine que c'en était effrayant.
- Tu t'es pris pour un héros en ramenant un otage, hein ? Tu t'es dit que ce serait génial de pouvoir t'en vanter devant tous tes petits camarades, ensuite. Jamais tu n'as pensé qu'il valait mieux réfléchir un peu avant de faire des conneries, non... Noah il ne réfléchit pas, Noah, il agit, hein ? Sa main se resserrait sur les cheveux du jeune homme en même temps que ses doigts sur son épaule. Jamais tu t'es dit qu'avec tes putains d'agissements tu pouvais foutre tout le monde dans une belle merde, hein ? Non... Ça, c'est les problèmes qu'on laisse à résoudre à Liam, n'est-ce pas mon beau couillon ? Liam il adore ça après tout, qu'on lui laisse gérer toutes les emmerdes de tout le monde ! La main qui était sur l'épaule du jeune rebelle s'en détacha, et s'abattit avec violence dans son ventre. Noah cracha du sang à cause de la puissance du coup, et grimaça de douleur. Mais là encore, Liam ne lui laissa pas le temps de respirer avant de lui cracher à nouveau toute sa colère et tout son dégoût au visage. Oh, ou alors je sais ce que tu as pensé...
Il tira si fort sur ses cheveux qu'il lui en arracha quelques uns. Son poing s'abattit avec tant de force sur le visage de Noah que celui-ci tituba et finit par tomber à terre. Immédiatement, il releva les yeux, effrayé par le coup qui allait suivre. Il fut encore plus apeuré de voir que Liam s'était accroupi devant lui pour que son visage soit à son niveau. Il le regardait, les yeux fous de haine, la tête penchée sur le côté. D'un coup, un sourire -que Noah trouva sadique- étira ses lèvres.
- Tu t'es dit qu'enfermer une de ces salopes de bourges vengerait ceux qui sont morts, c'est ça ? Sa voix claquait dans l'air avec force. Son sourire s'accentua, et sa voix se fit alors plus comme le sifflement atroce d'un serpent. Mais il faut que je te dise, Noah... L'avoir capturée... Même la tuer... Ça ne ramènera pas ton père ! Ni ton petit frère, ce gentil petit Tommy ! ILS SONT MORTS, TU COMPRENDS, ÇA ? Le coup suivant déchira littéralement la lèvre de Noah et plaqua son visage contre le sol. Ses yeux écarquillés, son corps en état de choc, restaient parfaitement immobiles alors que Liam s'était relevé en empoignant ses cheveux à nouveau. Le poing droit de Liam, écorché par la violence de ses coups, s'abattit encore une fois sur la mâchoire de Noah.
Alors qu'il frappait et qu'il frappait encore, c'était le chaos dans l'esprit de Liam. Avoir revu Emy l'avait beaucoup plus affecté qu'il l'avait laissé paraître. C'était la goutte de trop. Il avait les nerfs à vif en permanence, mais ça, il n'avait pas pu le supporter. Alors il défoulait toute sa haine sur Noah. Il se servait du prétexte de lui "faire la leçon" pour se défouler. Mais ce n'était pas comme s'il ne pensait pas tout ce qu'il disait. Il en avait assez du genre de comportement que Noah et Carl avaient eu, cette nuit. Trop de rebelles avaient déjà bêtement perdu la vie pour ce genre d'acte soit-disant héroïque. Et c'était à Liam d'aller annoncer leur décès à leurs proches, ensuite. C'était sur sa conscience, pour les avoir envoyé dehors, que leur mort pesait. Ils étaient tellement aveuglés par leur désir de vengeance qu'ils ne réalisaient même pas l'ampleur de leur bêtise, et cela révulsait Liam au plus haut point. Chaque fois que cela arrivait, qu'un rebelle faisait quelque chose de démesuré sous prétexte que "les riches sont l'ennemi", Liam sévissait, mais avec les mots. Encore, encore et encore, il avait répété aux rebelles de ne pas tomber dans la barbarie que la Milice tentait de leur imposer. Encore, encore et encore, il s'était fatigué à essayer de leur apprendre le sang-froid. Mais ils n'écoutaient rien ! Dès qu'ils en avaient l'occasion, ils abattaient tout leur mépris sur le moindre riche qui pouvait passer par-là. Ils avaient déjà fait des victimes ! De putains de personnes qui n'avaient rien fait sinon être nées au "mauvais endroit" avaient crevé comme ça, tout juste comme des centaines de pauvres étaient morts pour exactement les mêmes raisons ! Mais à quoi pensaient-ils ? Qu'avaient-ils dans le crâne, à part leur haine exacerbée ?! Et quelle cause prétendaient-ils défendre, si c'était pour devenir le même genre de monstres que ceux contre lesquels ils luttaient ?! Oui, ce genre de discours, Liam l'avait tenu des dizaines de fois. Mais aujourd'hui, il le tenait avec ses poings.
Lui aussi, était plein de haine. D'une haine sans doute encore plus grande que celle des autres rebelles. Mais cette haine, il l'avait toujours contrôlée. Maîtrisée, pour en faire son meilleur atout, sa plus grande force. Pour être capable d'agir correctement, au moment où il le fallait, de la façon dont il le fallait. Bien sûr que c'était dur de penser à tous ceux qui étaient morts injustement et qu'on ne pourrait pas ramener. Mais ce n'était pas leur faire honneur que de se lancer tête baissée dans des affrontements stupides juste pour satisfaire son petit égo en quête de vengeance. C'était gaspiller leur mort que d'agir avec autant de bêtise et de suffisance. C'était comme piétiner leurs cadavres encore tièdes. Voilà ce qu'il cria à Noah, alors qu'il le défigurait de la force de ses poings, à présent couverts de sang. Le ventre de Liam se tordait de douleur. Pourtant Noah n'avait riposté à aucun de ses coups ; il ne s'agissait donc pas d'une douleur physique. Non... Liam revoyait Emy. Toujours, toujours elle ! Ne pouvait-on donc pas lui foutre la paix, avec elle ? Après qu'il a su se reconstruire plus ou moins stablement, enfin ! Il a fallu que ces abrutis jouent aux plus malins et viennent l'exhiber sous son nez ! Il vous en foutrait, lui, des espionnes ! Il avait tant de rancoeur, tant de souffrance à faire ressortir ! Ce n'était plus possible de contenir tout ce chaos. Dans une avalanche de coups apocalyptique, il déversait toute sa haine sur Noah. Il déversait toute sa haine sur tous ceux, sales traîtres égoïstes, qui pensaient à eux avant de penser à tout le groupe, et qui croyaient que ce n'était pas grave, puisque de toute façon il était là pour ramasser les morceaux derrière. Il déversait sa haine et toute sa colère sur tous ceux qui se prétendaient rebelles et révolutionnaires, avec de belles intentions de liberté, et qui faisaient capoter toutes leurs belles actions juste pour se soulager, comme ça, sur un coup de tête. Il déversait sa haine, encore, encore et encore. Avec toute son âme et tout son être en furie. La bête était lâchée. Il massacrait littéralement Noah, comme on l'avait massacré dans une ruelle sombre des mois plus tôt.
- Tu sais le pire ? C'est que des types comme toi soient toujours en vie alors que des dizaines de gens honnêtes se sont fait pendre ! Tu ne vaux pas mieux que la Milice ! Tu ne vaux pas mieux que le moindre petit enfoiré que tu serais prêt à tuer rien que parce qu'il a eu le malheur de croiser ton chemin ! Sa voix grondait, rythmée par des coups, une pluie déferlante de coups.
Soudain, Carl revint dans la pièce. Paralysé par l'horreur de la scène, il resta immobile sur le seuil de la porte. Ce fut alors que Liam arrêta de tabasser Noah, et qu'il posa son regard sur Carl, qui manqua s'étouffer avec sa propre salive. Liam était couvert d'un sang qui n'était pas le sien. Noah gisait au sol, pas mort mais salement blessé et totalement inconscient. Carl ne pensa même pas à reculer pour se dérober. Il comprit soudain toute l'ampleur de l'erreur qu'ils avaient commise, cette nuit. Il comprit soudain ce à quoi pouvait mener la haine, pure et dure. Il le comprit avec une telle clarté, une telle force, qu'il accepta toute la noirceur des prunelles de Liam braquées sur lui. Carl comprit quel homme brisé était leur chef. Il comprit comme il était dur d'avoir tant de haine à gérer. Il eut presque pitié pour Liam. Puis il se mit surtout à avoir honte de lui-même : et dire qu'il avait cru, dans la plus grande insouciance, que toute cette rébellion n'était faite que de magnifiques idéaux et d'espoirs absolus. Mais il voyait à présent l'horreur sous ses yeux. Il voyait comme il avait eu tort de ne pas accorder plus d'importance aux conséquences de sa petite vengeance personnelle. Toute cette guerre, c'était plus grand que lui seul. Plus grand qu'une simple question d'être enfin libre. S'était se réaffirmer comme un groupe, réuni par la haine.
- Carl ! Je t'attendais ! Siffla Liam en s'approchant de lui, le poing prêt à s'abattre sur son visage.
Le rebelle reçut le coup sur la joue et il y sentit la puissance de toute une horde de chiens haineux.
(...)
Assit sur sa chaise, encore essoufflé, Liam regardait ses poings écorchés. Sa chemise et sa peau étaient couvertes du sang mêlé de Carl et de Noah. Il releva ses yeux, toujours aussi durs et noirs, mais désormais dépourvus d'intention meurtrière, vers les deux rebelles. Carl, moins amoché que Noah, aidait celui-ci à se redresser car il venait de reprendre conscience. Ils ne disaient rien. Aucun des deux ne s'étaient défendus. Ils étaient certes choqués par la violence dont ils venaient d'être les victimes, et le resteraient longtemps, mais au fond d'eux-mêmes, un déclic s'était opéré. Ils baissaient les yeux devant Liam. Ils savaient qu'ils n'avaient plus rien à craindre, désormais. Qu'il n'avait jamais été question qu'il les tue, ou qu'il leur laisse des séquelles graves. Il avait juste été question de soigner la haine par la haine ; la terreur par la terreur. Une fois debout, ils allaient partir, quand Liam s'adressa à eux d'une voix si calme après cet épisode de colère que c'en était déroutant.
- Ne m'obligez plus à vous cogner. Crétins.
Ils le laissèrent alors seul. Et ce fut à ce moment là que le poing de Liam, qu'il n'arrivait toujours pas à desserrer, se mit à trembler dangereusement avant de frapper d'un coup sec et vif la table à côté de lui. Il se leva et commença à faire les cent pas, comme hyperactif. Comme si ce qui s'était passé ne l'avait pas calmé, ou même fatigué. Il ne pourrait plus jamais dormir, après ça. Pas après avoir frappé ces deux types, non... Après l'avoir regardée elle, dans les yeux, et réalisé qu'il n'éprouvait pour elle plus le moindre amour. Sa cage thoracique lui donnait l'impression d'être un grand trou noir, comme si on lui avait définitivement retiré le coeur. Il l'avait eu en face de lui, et sa haine, sa rancoeur, rien de tout cela ne s'était trouvé ébranlé la moindre seconde par une forme de sentiments plus doux, mais tout aussi puissants. Rien. Comme s'il était passé du stade de machine à aimer à celui de machine à tuer et qu'il n'en avait pris conscience que maintenant. Il ne s'en était pas douté la moindre seconde. Que la voir lui ferait un si grand vide. Que cela déchaînerait en lui des forces insoupçonnées, mais sans particulièrement réveiller son désir de la posséder toute entière. Il s'était perdu totalement, dans cette cellule sous l'Hôtel de Ville. A l'instant où il avait tué son premier homme, il faut croire qu'il y avait laissé son âme. Il savait pourtant qu'il avait changé, et qu'il n'y avait de place en lui que pour la rébellion. Mais cette rencontre avec Emy l'avait chamboulé dans une façon qu'il n'aurait jamais pu imaginer !
Il se prit le visage dans les mains et soupira lourdement. Et puis, au bout de quelques secondes, un sourire énigmatique étira ses lèvres. Il laissa ses mains retomber le long de son corps et laissa son regard errer sur le plafond. Non, il n'avait pas laissé son âme là-bas. C'était complètement faux. Comme il était faux de penser que sa rencontre avec elle ne lui avait fait ressentir qu'un grand vide. Oh non... Il y avait eu bien plus de choses que cela. Il repensa alors à ce qu'il lui avait dit, sur le fait d'un jour devenir sa Marianne, et son sourire se transforma alors en un rire franc, et tout aussi indéchiffrable. Il se laissa tomber sur son lit, et ferma les yeux, sans être néanmoins capable de rejoindre les bras de Morphée.
C'était le milieu de l'après-midi lorsque Liam décida enfin de bouger. Personne n'était venu le déranger entre temps, à croire que l'état dans lequel il avait mis Noah et Carl avait du prévenir les autres qu'il n'était pas d'une exquise humeur. Surprenant, vraiment. Liam retira sa chemise tâchée de rouge et en enfila une autre, blanche, dont la propreté contrasta bien vite avec les traces de sang qu'il avait encore sur la peau. Peu importe. Il sortit de sa chambre et passa par la cour des miracles, où il s'approcha d'un grand sac de pommes entreposé dans un coin, car il n'avait pas mangé de la journée. Il en attrapa deux, et croqua dans l'une d'elle en reprenant sa route vers les cellules. Une fois arrivé là où il le voulait, il congédia le rebelle chargé de surveiller les prisonniers, puis s'approcha des barreaux de bois en croquant à nouveau dans sa pomme.
Il tendit le deuxième fruit vers Emy, un sourire mi-joueur mi-moqueur sur le visage. A croire qu'il n'était pas, il y a quelques heures à peine, en train de ruer de coups deux de ses hommes.
- Une pomme ? Prend-la comme un cadeau de bienvenue. Fit-il d'une voix moqueuse et insolente.
Des heures durant, Emy avait essayé de trouver un sens à tout ceci, de comprendre comment ils en avaient été arrivés là, même si elle avait déjà quelques petites idées là dessus. Mais tout de même, elle avait beau avoir commis énormément d'erreurs qui lui pesaient un peu plus chaque jour, elle ne comprenait pas pourquoi il avait eu un tel comportement face à elle. Elle comprenait, au fond d'elle, qu'il puisse lui en vouloir, mais quand même. Elle n'arrivait même pas à savoir s'il lui en voulait pour quelque chose ou non. Lorsqu'elle avait découvert qu'il avait refait sa vie avec une autre femme, elle était rentrée dans une colère noire et destructrice, mais au moins tout était clair, il n'avait pas eu besoin de se poser de questions pour savoir qu'elle lui en voulait. Mais lui... Il avait été froid, sarcastique, moqueur. Ce comportement ne lui ressemblait pas du tout. Qu'avait il bien pu arriver pour qu'il devienne ainsi ? Elle l'avait toujours connu doux et attentionné, et même si cette affirmation de lui même lui plaisait et l'énervait en même temps, elle aurait voulu savoir ce qui l'avait provoquée. Elle devait avoir une certaine part de responsabilité là dedans, mais elle ne pouvait croire qu'elle l'avait rendu ainsi à elle toute seule, ou alors c'était qu'elle était encore plus monstrueuse qu'elle le pensait. Non... Il avait du se passer quelque chose, quelque chose dont elle n'était pas au courant, et qui avait tout changé. Ah, si seulement elle avait pu glaner des informations la veille, elle aurait une vision plus claire de ce qui se passait ici. Elle savait seulement que tous ces rebelles étaient venus se terrer dans les catacombes pour échapper à la Milice, des heures de questionnements n'avaient pas pu lui en apprendre plus. Et elle se doutait que ce n'était pas lui qui allait lui fournir les renseignements. Maintenant qu'elle s'était auto-flagellée mentalement, et qu'elle s'était finalement rendu compte de tout ce qu'elle se reprochait, sa curiosité reprit le dessus. Plus que de la curiosité, c'était une envie irrépressible de connaitre le fin fond de l'histoire, même si la vérité n'allait pas lui plaire, elle saurait s'y faire. Elle essaya de se rappeler la moindre des informations qu'elle avait pu recueillir sur le sujet. Elle savait qu'il y avait des cellules, sous l'Hôtel de Ville. Des cellules remplies de prisonniers. Elle savait aussi qu'il y avait eu un feu, et qu'ils étaient tous parvenus à s'échapper. Il avait du faire partie du groupe de ceux qui s'étaient échappés, puisque l'incendie avait suivi son arrestation, elle le savait pertinemment puisqu'elle avait compté les heures, ces jours là. Elle se doutait que le fait d'avoir été prisonnier, d'avoir failli être pendu avait du le chambouler et le marquer à jamais. Mais elle sentait que c'était bien plus que cela. Elle avait vu dans ces yeux une lueur qu'elle n'avait jamais vue auparavant. Elle était presque... malsaine. A cette pensée, Emy frissonna puis se leva, difficilement ses muscles étant enchylosés, elle avait bien du passer deux heures assise sur le sol dans la même position. Elle se passa une main sur son front, qui commençait à devenir chaud. L'humidité de l'endroit pénétrait ses bronches et elle avait l'impression que l'air manquait. Rester ainsi des heures sous la terre et dans un endroit confiné ne faisait qu'augmenter ses angoisses.
Elle fit quelques pas dans sa cellule pour détendre ses jambes et essayer de penser à autre chose. Malheureusement, seule dans un ou deux mètres carrés, elle n'avait pas grand chose à penser d'autre. Toutes ces questions l'obsédaient et elle n'y comprenait rien. Un instant elle s'apprêta à demander aux gardes des explications, mais se ravisa. Cela serait inutile, elle le savait. Elle avait vu le regard qu'il lui avait lancé, lui aussi, et même s'il n'avait rien dit, contrairement aux deux idiots qui l'avait capturée, elle avait senti un mépris dans ses yeux qui lui fit plus mal que des mots. Pourquoi tout le monde lui en voulait tant ? Parce qu'elle était noble ? Ce n'était tout de même pas sa faute ! Peut être que si, un peu, en fait. Mais quand bien même elle aurait toujours vécu parmi les autres aristocrates, cela ne leur donnait pas le droit de la juger. Elle ne leur avait rien fait, au contraire, elle avait essayé d'aider quelques uns des leurs. Elle n'arrivait pas à comprendre comment on pouvait avoir une telle haine envers un autre groupe de personnes, et cela valait aussi pour les aristocrates qui méprisaient les pauvres. Toutes ces différenciations sociales lui avaient toujours déplu, de toute façon. Mais aujourd'hui qu'elle prenait conscience de leur force, elle se disait que tout cela était bien dommage. Elle secoua la tête puis se rassit au sol, pour essayer de fermer les yeux. Elle était épuisée, et se demandait depuis combien de temps elle n'avait pas dormi. Elle rouvrit les yeux presque aussitôt. Il faisait trop noir, ici, elle n'arriverait jamais à dormir. Elle savait qu'il n'allait rien lui arriver dans sa cellule, mais cette obscurité mêlée à sa claustrophobie naissante n'allaient pas la laisser en paix. Elle prit une grande respiration, essaya de se calmer. Il fallait qu'elle dorme, de toute façon elle n'avait rien d'autre à faire.
Elle essaya, pendant un bon moment, mais rien n'y fit, impossible de fermer l'oeil. De nouvelles heures avaient passé. A nouveau elle se leva, pour s'approcher des barreaux en bois de la cellule. Il n'y avait pas un bruit dans le couloir. Si au moins il y avait un peu de vie, par ici ! Elle soupira, puis se tourna pour appuyer son dos contre les barreaux, les bras croisés, le regard fixé devant elle. C'est alors qu'elle entendit des bruits de pas, au loin. Elle se demanda si la personne allait passer par là, et si elle allait lui jeter un mauvais regard, elle aussi. Elle pariait presque contre elle même. On s'occupe comme on peut. Elle ne se retourna pas, attendant que la personne passe pour voir comment elle était. Elle finit par poser sa tête contre les barreaux, elle aussi. C'est alors qu'elle vit une pomme traverser les barreaux. Une pomme ? Prend-la comme un cadeau de bienvenue. Elle leva un sourcil, tourna la tête légèrement en sa direction, ayant très bien reconnu sa voix, baissa les yeux vers le fruit, puis remit sa tête droite et recommença à fixer droit devant elle.
- Je n'ai pas faim.
Le trou béant de son estomac qui criait famine depuis plusieurs heures disait clairement le contraire mais heureusement pour elle, il le faisait en silence. Elle ne comptait pas se laisser mourir de faim, bien sûr, et avait même décidé de faire un effort, un peu plus tôt, mais ce ton insolent lui hérissait le poil, et elle sentait qu'il fallait qu'elle réponde de la même façon. C'était devenu oeil pour oeil, dent pour dent. Un sourire moqueur vint étirer ses lèvres, et elle reprit la parole.
- Tu viens accueillir personnellement chacun de tes prisonniers, ou j'ai droit à un traitement de faveur ? Son ton était amer et cynique. Elle ne voulait pas rester ici. il faisait froid, humide, et elle avait peur. Cacher tous ces sentiments lui étaient difficile, mais elle était devenue maîtresse dans l'art de la dissimulation, après tout.
- Je n'ai pas faim. Un demi-sourire étira les lèvres de Liam, sans qu'il n'ait rien d'heureux pour autant. Il se rappelait le premier bol de nourriture qu'il avait eu, dans sa cellule. C'était avec ce simple bol d'un mélange immonde que tout avait commencé. Il lui arrivait encore d'entendre la voix de l'inconnu de la cellule d'en face, grave et sortie de nulle part, pour le pousser à bout, vers des objectifs que Liam ne se serait jamais fixé sans son intervention. Il revoyait le sourire et le regard soulagés qu'il lui avait lancés, alors qu'on le faisait sortir de sa cellule pour l'emmener à la potence. Ce type avait tout démarré. C'était ses paroles qui avaient su toucher Liam, là où il n'y avait pourtant que des morceaux brisés d'un homme au bout du rouleau. Il se rappela la réflexion que lui avait faite l'homme sur la nourriture, comme quoi elle avait beau être atroce tiède, elle était encore pire froide. Cela accentua son sourire, lui conférant une note plus amusée que peinée. C'est vrai que cette mixture était horrible ! Rien que d'y penser, Liam sentait à nouveau son goût nauséabond envahir sa bouche. Il retira sa main d'entre les barreaux et mit la pomme dans la poche de son pantalon.
- Ça viendra, fit-il tout simplement en haussant les épaules, par vraiment convaincu qu'elle lui dise la vérité, mais pas disposé non plus à creuser plus loin ou à essayer de la forcer. Si elle avait décidé de jouer les fortes-têtes, elle assumerait, après tout. Cela avait été très clair dès le départ dans l'esprit de Liam : il la laisserait bouder dans son coin autant de temps qu'il lui faudrait pour comprendre qu'elle y perdait plutôt qu'autre chose. Et si elle ne s'en rendait jamais compte, tant pis, c'était son problème. Liam avait d'autres choses dont il devait s'occuper, et qui lui demandaient la plupart de son temps, d'ailleurs. Il n'avait pas vraiment eu une minute à lui depuis qu'il s'était engagé avec les rebelles. En fait, aujourd'hui était une journée d'exception. Depuis que Noah et Carl avaient quitté la pièce, personne ne lui avait rien demandé. Et même lorsqu'il était sorti de la chambre, qu'il avait traversé toute la cour des miracles pour finalement aller jusqu'aux cellules, personne ne l'avait arrêté sur son chemin. C'était sans aucun doute la première fois que quelque chose du genre se produisait. Pas de doute, les deux rebelles qu'il avait blessés s'étaient rendus dans un compartiment dédié aux soins et à l'infirmerie, et ils avaient averti tout le monde sur leur passage de ne plus déranger Liam pour aujourd'hui. Car, après tout, ce n'était pas comme s'il n'avait croisé personne pour se rendre jusqu'ici : la cour des miracles grouillait de monde en permanence, à toute heure du jour ou de la nuit. Mais on l'avait évité cordialement.
Emy lui tournait le dos, appuyée contre les barreaux de sa cellule. Son regard erra une seconde sur ses cheveux et descendit jusqu'à ses épaules. C'était étrange, trop étrange. Son comportement, sa présence, tout en elle l'irritait et lui mettait les nerfs à vif. Cela compliquait beaucoup de choses, qu'elle soit ici. D'un point de vue stratégique, déjà. L'avoir parmi leurs otages ne pouvait que les desservir : elle avait une famille dehors qui attendrait son retour, et qui finirait par partir à sa recherche. Mauvais, donc. Mais ensuite, sa présence rendait beaucoup plus difficile pour Liam de rester serein. Ils étaient entrés dans un petit jeu désagréable et haineux de piques lancées à tout va, et il n'était pas décidé à arrêter le premier. Comme si c'était possible, de toute manière. Il renfermait trop de rancoeur et de mépris à son égard pour simplement laisser couler.
Et puis, enfin, il y avait ce vide. Cette incapacité déroutante à ressentir autre chose que les mêmes éternels sentiments noirs et négatifs. Depuis des semaines, Liam était conditionné par la haine. Certes, il avait appris à en faire une alliée. Mais il ne pouvait pas s'empêcher d'être surpris. En dépit de toute la souffrance que lui inspirait Emy, il aurait tout de même cru que la revoir lui ferait autre chose. Quelque chose qui lui semblait totalement étranger aujourd'hui. Quoi, même pas un tout petit élan de tendresse ? Même pas une minuscule chaleur au coin du coeur ? Voilà qui était inattendu. Mais après tout, pourquoi pas ? Si c'était cette tendresse et cette chaleur qui lui avaient causé tant de douleur, ce n'était sans doute plus la peine de s'en encombrer. Liam ne les regrettait même pas réellement. Il était simplement déstabilisé par tout cela. Il n'avait pas l'habitude de la regarder et de ne rien éprouver. Comme si elle comptait tout autant que n'importe qui, finalement. Pourtant, il savait, au fond de lui-même, que ce n'était pas possible. Cela ne servait à rien de se mentir, Emy ne pourrait jamais être "n'importe qui". Mais la haine et la vengeance avaient remplacé le reste dans son coeur, voilà tout. Il finirait par s'y habituer. Il se retourna pour appuyer lui aussi son dos sur les barreaux, et croqua une nouvelle fois dans sa pomme, le regard droit devant lui.
- Tu viens accueillir personnellement chacun de tes prisonniers, ou j'ai droit à un traitement de faveur ? Un petit rire s'échappa de la gorge de Liam. Sa main libre se glissa négligemment dans sa poche, et il s'appuya de manière tout à fait décontractée contre les barreaux. Paradoxalement, ses doigts serrés sur sa pomme entamée se remirent à saigner là où ils étaient écorchés.
- Pourquoi, ça te plairait que je te fasse un traitement de faveur ? lança-t-il dans une voix taquine qui laissait néanmoins deviner un côté bien plus sombre, proche de l'accusation. Il prit une nouvelle bouchée de sa pomme, qui croqua subtilement sous ses dents, ce qui marqua une légère pause. Mais détrompe-toi... D'habitude, je fais moi-même les prisonniers. Pas de chance pour toi, il a fallu que l'exception te tombe dessus. Il termina sa pomme, et en fit tourner la queue entre ses doigts, tout en la fixant sans vraiment la voir. Tu risques de rester là longtemps... Sa voix était devenue plus basse, presque un murmure. Mais il y eut une rupture totale avec la suite, car Liam retrouva ses intonations moqueuses. Je ne me fais pas de souci pour toi, tu survivras !
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Sujet: Re: Our fugitive hearts & Emily Donovan Mar 11 Oct - 0:06
Appuyée contre les barreaux en bois, Emy essayait de contenir la rage qui s'emparait peu à peu d'elle. Cette fois ci ce n'était pas contre elle qu'elle était en colère, mais contre la situation. C'était tellement injuste ! Elle sentait au fond d'elle une douleur et une peine s'installer un peu plus chaque seconde. Elle regrettait d'être allée fouiner, désormais. C'était étrange, mais elle souffrait moins lorsqu'elle pensait qu'il était mort que maintenant qu'elle le voyait sous ses yeux. Cette souffrance naissante était principalement due au fait qu'elle ne le connaissait plus. Plus du tout. Elle avait changé, elle aussi, mais elle gardait tout de même les bases qui faisaient qu'elle était qui elle était. Avec lui, elle avait l'impression que la personne qu'elle avait toujours connue avait disparue pour toujours. C'était comme le penser mort une deuxième fois. Elle se disait toujours dans un coin de sa tête qu'il avait surement des circonstances atténuantes pour avoir du s'endurcir de la sorte, mais tout de même. On ne peut pas changer de personnalité à ce point ! Elle serra ses bras plus fort autour d'elle alors qu'il rangeait la pomme. Elle allait devoir s'y faire. Il n'existait plus, la seule personne qui restait était le chef d'un groupe de rebelles énervant et insolent. Elle avait mené de grandes batailles intérieures pendant des années, pour savoir quoi faire, quel était le bon choix par rapport à sa relation. Le plus souvent, elle s'était freinée, parce qu'elle était une prostituée et qu'elle ne voulait pas le faire souffrir. Pourtant, les fois où elle s'était laissée aller, elle avait été heureuse. Trop heureuse. Peut être était ce pour cela qu'elle détruisait tout, à chaque fois, parce que ce bonheur l'effrayait trop, et qu'elle craignait tellement qu'on lui arrache subitement qu'elle préférait s'en priver elle même. Mais cette fois ci... Tout était indépendant de sa volonté. Il n'y avait plus de batailles à mener, plus de questions à se poser. C'était fini, et elle le savait. Elle l'avait su dès le moment où il avait posé les yeux sur elle, et où elle n'avait pas remarqué l'habituelle lueur qui les habitait. Sa mâchoire se serra. Elle ne voulait pas que tout cela se finisse ainsi, juste parce qu'il avait subi un brusque changement de personnalité. Au fond, quelque part, il devait y avoir le Liam qu'elle connaissait et qu'elle aimait. Elle le retrouverait. Ou du moins, elle essaierait.
Pourquoi, ça te plairait que je te fasse un traitement de faveur ? Encore une fois, en une seconde son ton l'avait détournée de toutes les bonnes résolutions qu'elle venait à peine de se donner. Elle serra son poing, enfonçant ses ongles dans sa chair une nouvelle fois. Non, elle ne pouvait pas. Elle avait juste envie de lui hurler dessus, de le réveiller, n'importe quoi ! Mais là, elle ne pouvait pas. Elle en avait assez des reproches à peine déguisés, des piques assassines. Lui avait elle demandé de l'aimer autant ? Non ! Lui avait elle exigé de tout faire pour elle ? Non plus ! Il ne faisait cela que de son propre chef, et s'il est vrai qu'elle ne l'en avait pas dissuadé, elle ne l'avait jamais forcé à faire quoique ce soit. Sa mâchoire se desserra, et elle reprit la parole, en essayant de garder sa voix calme et neutre, sans faire exploser le volcan en plein réveil qui lui agitait l'estomac.
- Non. J'essaie simplement de comprendre tes agissements, voilà tout. Elle gardait un sang froid à tout épreuve, et pourtant elle mourrait d'envie de lui dire tout ce qu'elle pensait. Mais rien ne sortait, du moins pas pour l'instant. Seulement en elle même, elle savait qu'elle n'allait pas supporter cette situation longtemps. Pourtant, elle voulait faire des efforts, vraiment. Mais dès qu'il ouvrait la bouche toutes ses bonnes volontés partaient en fumée.
Mais détrompe-toi... D'habitude, je fais moi-même les prisonniers. Pas de chance pour toi, il a fallu que l'exception te tombe dessus. Cette fois, c'était la goutte de trop. Emy se détacha des barreaux pour lui se tenir debout, derrière lui Son regard n'exprimait nulle haine, mais une colère immense. Qui était il, à la fin ?!
- Une chance ? Vraiment ? C'est donc si bien de faire des prisonniers ?! Alors quoi, si tu captures quelqu'un, tu gagnes un point ?! Sa voix avait pris les intentions rauques dont elle se parait lorsqu'elle était réellement en colère. Mais plus que cela, c'était un mélange de colère, de déception et de consternation. Elle ne pouvait pas admettre que quiconque ait ce genre de langage, que ce soit lui ou un autre, que ce soit un pauvre ou un riche, peu importait ! On ne jouait pas avec les êtres humains, ils n'étaient pas des objets avec lesquels on faisait ce que l'on voulait !
Tu risques de rester là longtemps... Je ne me fais pas de souci pour toi, tu survivras ! Toujours droite comme un piquet, Emy fit une petite moue moqueuse. Elle ne décolérait pas, mais sa voix redevint plus calme, plus neutre. Elle détourna le regard, le laissant vagabonder sur les pierres de la cellule.
- Je n'en doute pas non plus. Elle marqua une courte pause. Mais tu sembles oublier que Caiterina retournera toute la ville pour me retrouver, s'il le faut. Et c'était la vérité. Elle connaissait assez sa soeur pour savoir qu'aussitôt qu'elle se rendra compte de sa disparition elle déploiera des renforts sur tout Bath pour la retrouver. Elle ne voulait pas parler de Caiterina avec lui, parce qu'elle savait tout ce qu'elle représentait. Mais quitte à lancer des piques assassines sans raison, autant qu'elle s'y mette aussi !
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Sujet: Re: Our fugitive hearts & Emily Donovan Mar 11 Oct - 1:18
Liam continuait de lui tourner le dos, appuyé contre les barreaux. C'était ironique, car c'était en se trouvant ainsi dos à dos, en opposition parfaite, et séparés par la barrière de bois, qu'ils étaient les plus proches physiquement depuis qu'Emy avait mis les pieds ici. Ses prunelles, d'un éclat vif et sombre, se perdaient dans le mur de pierre à quelques mètres devant lui. Il ne savait pas vraiment pourquoi il était venu la voir dans sa cellule, maintenant qu'il y réfléchissait. Mais il sentait grandir en lui le besoin de s'opposer à elle, et de lui cracher toute sa haine au visage. Il était comme une gigantesque bombe à retardement. Il avait emmagasiné des dizaines de mauvais souvenirs, des mois de souffrance, sans pouvoir l'atteindre avec. Et, maintenant qu'il l'avait en face de lui, il ne pouvait retenir l'explosion. C'était profondément injuste, au fond : elle lui avait sans doute fait du mal, mais de là à ce qu'il lui balance tous ses torts au visage d'un seul coup, sans lui laisser le temps de comprendre ce qui se passait ? Mais Liam ne prétendait pas être un saint, ni un gentil petit garçon prêt à lui pardonner tout et n'importe quoi sans lui signifier toute sa douleur auparavant. Cette époque était révolue. Il avait besoin de se défouler de cette manière ; c'était presque vital. Il y avait tellement de zones sombres dans son âme, tellement de points sensibles, écorchés vifs, qu'il était humainement impossible qu'il passe outre. Il fallait qu'il lui montre l'étendue de sa haine et de sa souffrance. Quitte à la faire souffrir tout autant. C'était le but, n'est-ce pas ? Et, en même temps que lui, elle en ferait de même. Ils en avaient certainement besoin tous les deux. Ce climat de haine mutuelle finirait par les achever pour de bon, autrement. Histoire d'être au moins capable de se pardonner à eux-mêmes -sinon à l'autre- il fallait passer par cette étape, c'était indéniable. Tant pis si c'était explosif, et s'ils y perdaient chacun quelques plumes. De toute façon, aucun d'eux n'était en sucre, n'est-ce pas Emy ? S'il fallait qu'il s'affrontent pour être enfin capables de mettre les choses au clair, alors c'est ce qui arrivera, un jour ou l'autre. Ils n'étaient pas capables de s'expliquer autrement, de toute façon, pas après tout ce qu'ils avaient tous deux traversé.
- Non. J'essaie simplement de comprendre tes agissements, voilà tout. Il eut un petit rire jaune, et serra la mâchoire. Elle ne pouvait pas comprendre... Tout comme lui ne le pouvait pas, lorsqu'elle était si mystérieuse, des années plus tôt. Et encore aujourd'hui, peut-être.
- C'est désagréable de ne pas comprendre l'autre, hein ?
- Une chance ? Vraiment ? C'est donc si bien de faire des prisonniers ?! Alors quoi, si tu captures quelqu'un, tu gagnes un point ?! Le visage de Liam se crispa, et il se mit à voir rouge. C'était vraiment ça qu'elle pensait ? Qu'il prenait tout ça à la légère ?! Que ce n'était qu'un jeu ?! Elle ne savait pas quelle erreur elle venait de commettre en suggérant cela. Elle avait touché la corde sensible : Liam avait du faire des sacrifices pour libérer les rebelles. Il le payait chaque nuit, et chaque fois qu'il fermait les yeux. Des morts, des dizaines de morts ! Et cette haine, toujours plus grande et destructrice ! Il se retourna d'un coup pour lui faire face, les yeux tout aussi colériques que les siens. Son regard était pesant et lançait des éclairs. Personne ne pouvait se permettre de lui dire que tout cela n'était qu'un vulgaire jeu. Pas quand on ne savait même pas ce que cela faisait, de regarder en face quelqu'un à qui on retire la vie pour sauver la sienne. Ses poings se serrèrent autour des barreaux avec force, juste à hauteur de son visage qu'il approcha également de la grille de bois, pour lui exposer toute sa colère bien en face. Il la dévisageait avec une telle puissance qu'on ne pouvait pas douter un instant de la sincérité de sa colère. Sa voix, d'ailleurs, se fit grave, accusatrice. Et meurtrière.
- Tu veux vraiment comparer ça à un jeu ?! Tu n'as pas la moindre idée de ce à quoi ça ressemble ! Tu ne sais rien de ce qui peut s'être passé. Rien ! Ses yeux la transperçaient littéralement, alors que sa voix résonnait à travers les cellules. Mets-toi bien ça dans le crâne !
Les articulations de ses poings craquèrent sur les barreaux qu'il enserraient toujours. Sa peau abimée se craquela, et même dans l'obscurité du lieu, on put deviner le sang qui s'écoula lentement entre ses doigts serrés. Il la regardait avec tout le mépris qu'il réservait aux gens qui se permettaient d'avoir une opinion sans connaître toute la vérité. Bien sûr, les agissements de Liam n'étaient pas toujours tous roses, et certains pouvaient être remis en question. Mais qu'on ne lui dise pas que c'était facile pour lui d'avoir tué ces types. Qu'on ne le compare pas au genre de barbares desquels il essayait de se délivrer. Et surtout, qu'on ne croit pas que tout était facile, dans cette histoire. Qu'il avait le beau rôle. Non, être contraint de faire des prisonniers -car il ne le faisait pas avec plaisir-, être contraint de prendre la vie de quelqu'un, aussi mauvais soit-il... C'était moche. C'était la pire des choses imaginables.
- Mais tu sembles oublier que Caiterina retournera toute la ville pour me retrouver, s'il le faut. Sans lâcher les barreaux, il recula son visage, comme surpris qu'elle lui ait dit ça. En fait, il n'en revenait pas.
- Tu crois vraiment que je n'y ai pas pensé à la seconde où j'ai vu que c'était toi ? Il faudrait sérieusement que tu arrêtes de sous-estimer les gens. Son ton était glacial et méprisant. Son sang bouillonnait dans ses veines. Il approcha à nouveau son visage des barreaux pour plonger à nouveau son regard dans le sien. C'est pour ça que je te disais que tu n'avais pas eu de chance que ça n'ait pas été moi dehors, cette nuit ! Sa voix se fit plus forte, plus affirmée et colérique. Moi, je n'aurais jamais fait l'erreur de te ramener avec moi ! Tu n'es qu'un fardeau pour nous, ici !
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Sujet: Re: Our fugitive hearts & Emily Donovan Mar 11 Oct - 22:24
Emy n'avait même pas pris la peine de répondre à la nouvelle réflexion qu'il venait de lui balancer à la figure. Elle s'était contentée de rester immobile, et de réfléchir toujours plus à ce qui avait pu le conduire à être dans un tel état de rage et de haine. Elle sentait dans chacune de ses phrases un peu plus de mépris, même lorsqu'il était calme et moqueur. C'était encore pire que de l'entendre s'énerver. Elle le trouvait sournois, et mauvais. Oui. Il était mauvais. Il n'avait pas à lui faire endurer tout cela ou alors si elle le méritait, ce qui était le cas, il pouvait au moins être franc et lui balancer ce qu'il avait sur le coeur une bonne fois pour toute, plutôt que de la torturer psychologiquement comme il le faisait depuis des heures. Elle ne lui donna même pas d'excuses, ne se dit pas qu'il ne s'en rendait même pas compte parce qu'elle savait que c'était faux. Elle avait vu dans son regard qu'il pensait le moindre mot qu'il lui disait, et qu'il était presque ravi de tout lui balancer à la figure. Si au moins elle comprenait pourquoi ! Alors, peut être qu'elle accepterait sans broncher, car elle s'était assagie depuis quelques mois, et beaucoup d'évènements lui avait fait revoir le comportement qu'elle avait pu avoir auparavant. Elle était devenue plus docile, parce qu'elle le voulait bien, et avait fait beaucoup d'efforts pour comprendre les autres et arrêter de ne penser qu'à sa petite personne. Elle allait avec plaisir passer dans heures dans les bas quartiers pour voir les gens qui y vivaient, elle s'était même pris d'affection pour des enfants. Évidemment, elle n'était pas devenue une sainte ni-touche, et elle gardait de gros défauts, mais maintenant au moins, elle y réfléchissait. Elle aurait voulu lui montrer ces changements, mais il lui rendait pas la chose facile. Elle avait beau avoir fait des efforts sur ce qu'elle pouvait avoir comme comportement, son attitude l'horripilait, et ses démons revenaient aussi vite qu'ils étaient partis. La situation n'était vraiment pas facile, pour elle. Pas facile du tout.
Tu veux vraiment comparer ça à un jeu ?! Tu n'as pas la moindre idée de ce à quoi ça ressemble ! Tu ne sais rien de ce qui peut s'être passé. Rien ! Mets-toi bien ça dans le crâne ! Devant l'air si mauvais qui transperçait son regard, Emy avait reculé d'un pas, sans pour autant décolérer. Malgré la faible lueur de la bougie, elle vit le sang couler sur ses mains, et son estomac se contracta. Elle eut le vieux réflexe de vouloir s'en occupa, mais se ravisa avant d'avoir esquissé le moindre mouvement. Ce n'était plus la même personne, elle ne pouvait pas avoir les mêmes agissements, même si son être tout entier lui criait de faire quelque chose. Sa mâchoire se serra, et le ton de sa voix s'éleva. Elle n'avait jamais pensé à cela comme un jeu, bien au contraire, mais c'était lui qui venait de pratiquement se vanter de toujours faire les prisonniers lui même ! Cette attitude ne lui plaisait pas du tout, il fallait qu'elle explique clairement le fond de sa pensée, et qu'il arrête de la regarder comme ça.
- Oui, et quand j'ai essayé de savoir, on m'a jetée ici ! Le regard d'Emy était mauvais, lui aussi, mais pas de la même façon. Il n'y avait que de la colère et l'indignation dans ses yeux. Une pointe de déception, aussi, à peine visible. Je ne considère pas ça comme un jeu, qu'est ce que tu crois ?! Mais ça va t'emmener à quoi de faire des prisonniers, hein ? Tu comptes les garder ici toute leur vie ?! Elle jeta un regard au lord Buckett qui avait l'air profondément terrorisé depuis qu'il était arrivé dans les cellules. Elle ne l'aimait pas spécialement, mais le voir ainsi lui faisait de la peine. Elle n'aimait pas voir les gens souffrir, peu importe qui ils étaient. Regarde le ! Tu vas le laisser pourrir ici ? Et qu'est ce que ça va bien pouvoir t'apporter ?!
Ce pauvre homme avait une famille, qui devait surement être effondrée depuis qu'il n'était pas rentré un jour. Elle compatissait avec tous ces pauvres gens qui se retrouvaient séparés à cause d'une guerre qui ne servait à rien à part répandre le malheur. Dans son coeur, Emy serait du côté des pauvres, si on lui demandait de faire un choix. Elle ferait tout ce qu'elle pouvait les aider, comme elle le faisait depuis des semaines avec les moyens qu'elle possédait. Mais ce n'était pas pour autant qu'elle voulait faire souffrir l'autre côté.
Tu crois vraiment que je n'y ai pas pensé à la seconde où j'ai vu que c'était toi ? Il faudrait sérieusement que tu arrêtes de sous-estimer les gens. Le sang d'Emy commençait à sérieusement bouillir dans ses veines, elle sentait l'explosion monter et se faire de plus en plus pressante. Elle serra à nouveau le poing. Elle faisait de son mieux pour garder un minimum son calme. Elle ne supportait plus ce ton glacial, ces reproches qui s'accumulaient. Elle se mordit les lèvres, rouvrant par la même occasion sa blessure qui avait commencé à se fermer durant les heures qui avaient passées. C'est pour ça que je te disais que tu n'avais pas eu de chance que ça n'ait pas été moi dehors, cette nuit ! Moi, je n'aurais jamais fait l'erreur de te ramener avec moi ! Tu n'es qu'un fardeau pour nous, ici ! Cette fois, c'en était trop. Elle sentit comme une espèce de déclic en elle, et elle posa violemment ses mains sur les barreaux de sa cellules. Fini, le calme. Finies, les bonnes résolutions. C'était la pique de trop.
- C'est quoi ton problème, exactement ?! Elle parlait bien plus fort, à présent, criant presque. On pouvait sentir toute la colère qu'elle avait contenue durant les dernières heures dans sa voix. Qu'est ce que je t'ai fait, hein ?! Pourquoi tu t'acharnes sur moi ?! Dis moi tout, que je comprenne un minimum ce que j'ai fait pour que tu aies une attitude si exécrable ! Je suis un fardeau ? Tu n'as qu'à me relâcher ! Qu'est ce que tu crois, que je vais aller tout balancer sitôt que je serais sortie d'ici ? Je suis assez bonne pour les secrets, tu n'as pas manqué de me le rappeler depuis toute à l'heure ! Alors puisqu'apparemment ma vue t'est si insupportable, fais moi sortir d'ici et ne t'en fais pas, je ne viendrai plus m’immiscer dans tes affaires, c'était une mauvaise idée, de toute façon ! Elle reprit son souffle un court instant, le fixa avec un regard noir. Elle ne voulait pas exploser de la sorte. Elle se redressa et reprit, toujours aussi énervée. Qui es-tu, à la fin ?!
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Sujet: Re: Our fugitive hearts & Emily Donovan Mer 12 Oct - 0:02
Liam n'était plus rien d'autre qu'une boule de haine ambulante, et ce depuis des semaines. C'était la seule chose qui lui permettait de tenir encore debout, c'était sa seule source d'énergie. Sans sa haine, il s'effondrerait complètement sur lui-même. Il lui manquait des jours entiers de sommeil, et des dizaines de morts lui pesaient en permanence sur la conscience. Sans même parler du fait que, cette nuit, il faudrait envoyer d'autres rebelles en mission à l'extérieur. Il devrait les choisir lui-même. Et s'ils ne revenaient pas ? Et s'ils commettaient une erreur encore plus grave que Noah et Carl, une erreur qui condamnerait tous les rebelles ? Tout serait de sa faute. Il avait des dizaines de vies sous sa responsabilité. S'il se laissait envahir par la peur ou l'appréhension, ou quoique ce soit d'autre, c'était fini. Il serait paralysé. Il n'avait pas le droit d'avoir un instant de faiblesse. Son mépris, c'était son carburant. Alors non, pour l'instant, il n'y avait pas la moindre faille dans sa carapace de rancoeur et d'animosité. Chaque pore de sa peau respirait la haine, crachait la haine ; il n'y avait plus que ça. Il ne connaissait plus rien d'autre. Mais, contrairement aux rebelles qui détestaient la Milice et méprisaient les riches ; Liam avait choisi sa haine. Il l'avait sentie grandir en lui, et avait décidé de la nourrir afin d'en faire sa force, afin de se réaffirmer en tant que personne au milieu de tout ce chaos. Il n'avait pas pu faire autrement. Comment aurait-il trouvé la force de venir à bout des gardes des cellules, sinon ? En tremblant de peur à l'idée de mourir au bout d'une corde ? Cela aurait été impossible. Anéanti comme il l'était, il n'aurait même pas été capable de réunir suffisamment de force pour serrer ses mains autour de la gorge du garde qu'il avait étranglé. Il aurait alors gaspillé sa seule chance de s'en sortir ; et chaque rebelle ici présent aujourd'hui serait mort, à l'heure qu'il est. Il avait beau ne plus renvoyer une très bonne image de lui-même de cette manière ; la haine de Liam lui était pourtant bénéfique. Elle avait sauvé des centaines de vies. Elle l'avait tiré du gouffre au fond duquel il s'était vu mourir avant l'heure.
- Oui, et quand j'ai essayé de savoir, on m'a jetée ici ! Je ne considère pas ça comme un jeu, qu'est ce que tu crois ?! Mais ça va t'emmener à quoi de faire des prisonniers, hein ? Tu comptes les garder ici toute leur vie ?! Regarde le ! Tu vas le laisser pourrir ici ? Et qu'est ce que ça va bien pouvoir t'apporter ?!
Il la dévisageait toujours, irrité par chacune de ses paroles. C'était comme si elle l'accusait de prendre plaisir à faire des prisonniers. Comme s'il avait eu le choix. Comme si elle pensait qu'il y avait eu une autre solution, et qu'il avait tout simplement choisi de l'ignorer. Et si elle croyait sincèrement qu'il y avait une autre solution, elle avait tort. C'était la guerre, dehors. Ne le réalisait-elle donc pas ? Vivait-elle à ce point dans un autre monde pour ne pas comprendre tous les enjeux de la situation, pour ne pas saisir qu'il y avait un prix à payer à tout ? Le haut de la société était-il donc à ce point aveugle quant à la réalité des choses ? Pourtant, Liam aurait cru qu'Emy comprendrait plus facilement que n'importe quel autre Aristocrate, pour la simple raison qu'elle avait vécu des années durant à la dure, elle aussi. Mais visiblement, il y avait des réalités qu'elle avait encore besoin d'intégrer.
- Mais tu ne saisis vraiment pas ? Tu crois vraiment que j'ai eu le choix ? Son regard jetait des éclairs, alors que ses lèvres s'étirèrent dans un rictus de dégoût. Ça ne m'apporte rien de les garder, absolument rien ! Mais c'était ça ou les tuer sur place ! Son visage se ferma et sa voix se fit plus grave, pour tonner à travers toutes les cellules. Et je te l'ai dit, ici, on garde les gens en vie ! Tu n'as qu'à lui demander comment il s'est fait prendre ! VAS-Y ! Tu crois qu'on veut juste prendre notre petite vengeance pour être satisfaits, c'est ça ? Faire autant de morts dans leur camp qu'ils en ont fait dans le nôtre ? Il secoua la tête de gauche à droite, puis reprit. Tu es vraiment loin du compte si c'est ça ! Sa voix résonna dans la pièce, alors qu'il la dévisagea une seconde sans rien dire. Lorsqu'il recommença à parler, sa voix s'emporta moins, mais elle était toujours autant chargée de colère. Faire des prisonniers, ce n'est pas notre but. C'est juste un accident de parcours. On frappe plus fort que ça, plus loin que ça. Mais il y a toujours des Lord Buckett pour essayer de jouer les héros et faire des conneries. C'était la pure vérité : les rebelles s'arrangeaient toujours pour frapper des bâtiments vides, et pour ne pas faire de victimes -du moins, parmi les civils- mais il y avait parfois des imprévus. Il y a toujours un prix à payer. Cette dernière phrase était lourde de sens, pour Liam. S'il existait quelque chose comme le paradis, l'accès lui en serait sans doute barré à cause de la montagne de pêchés qui lui pesaient sur les épaules.
Liam ne recula pas face à l'élan de fureur d'Emy, lorsqu'elle posa elle aussi ses mains sur les barreaux. C'était à croire que si cette barrière entre eux n'avait pas été là, ils se seraient déjà jetés à la gorge l'un de l'autre pour s'étriper.
- C'est quoi ton problème, exactement ?! Qu'est ce que je t'ai fait, hein ?! Pourquoi tu t'acharnes sur moi ?! Dis moi tout, que je comprenne un minimum ce que j'ai fait pour que tu aies une attitude si exécrable ! Je suis un fardeau ? Tu n'as qu'à me relâcher ! Qu'est ce que tu crois, que je vais aller tout balancer sitôt que je serais sortie d'ici ? Je suis assez bonne pour les secrets, tu n'as pas manqué de me le rappeler depuis toute à l'heure ! Alors puisqu'apparemment ma vue t'est si insupportable, fais moi sortir d'ici et ne t'en fais pas, je ne viendrai plus m’immiscer dans tes affaires, c'était une mauvaise idée, de toute façon ! Qui es-tu, à la fin ?! - Mon problème ?! Mon problème c'est que ça fait plus d'un an que je n'ai pas eu le moindre moment de tranquillité, et quand enfin je pensais à autre chose qu'à toi, il a fallu qu'on te remette sous mes yeux ! Hurla-t-il en rivant ses yeux aux siens, toujours avec colère, mais avec une étincelle nouvelle, cette fois. Comme brisée. Il s'arrêta un moment, presque essoufflé par la véhémence de sa tirade, et reprit contenance.
- Mais ouvre les yeux, bon sang ! Je ne peux pas te relâcher ! Ce n'est même pas une question de tout aller raconter à tout le monde toi-même ! Ça fait plus de vingt heures que tu es ici ! Tu sais ce que ça veut dire ? Ça veut dire qu'on te cherche déjà, dehors. Peut-être même pas encore ta famille... Mais la Milice, elle, oui. Ils surveillent tout le monde ! Dès que tu sortiras et qu'ils t'auront retrouvée, ils t'interrogeront sur le lieu où tu étais. Et tu pourrais leur mentir... Mais ils savent être tellement, tellement persuasifs. Ses mots étaient appuyés, et son regard suffisamment suggestif pour imaginer toutes les tortures dont la Milice avait le secret. Tu crois vraiment qu'ils passeraient à côté de renseignements aussi précieux sur nous juste parce que tu es Lady Emily Donovan, et que ta soeur a un mari bien placé en ville ? Accepte-le : c'est la guerre. Ils se moquent de faire une victime si ça leur permet de nous descendre. Surtout que tu n'es pas aussi bien placée que tu le penses... Il sauront vite tirer parti de tes petites promenades dans les Docks pour te faire passer pour une traîtresse, alors que tu voulais simplement rentrer chez toi ! Sa voix était toujours colérique, mais ses propos étaient réfléchis, ce qui donnait au tout un côté cinglant. Il rapprocha un peu son visage des barreaux, ce qui le rapprocha d'elle. Son discours se fit de plus en plus virulent, de plus en plus puissant. On sentait que toute sa rage venait de là. Il parlait avec ses tripes. Je ne peux pas laisser ça arriver. C'est pour ça que toute personne en sachant trop sur nous deviendra notre prisonnier. Cela ne nous amuse pas. Mais ça nous protège. Je vais te dire qui je suis. Je suis celui qui a fait un choix, entre baisser les bras et se battre pour notre survie. S'il faut emprisonner la moitié de la ville, je le ferais. S'il faut te garder sous les yeux jusqu'à la fin de mes jours, je le ferais. Tous les sacrifices qu'il faudra faire pour sauver les miens, je les ferais ! Quel choix est-ce que j'ai d'autre ? C'est ça ou une corde pour se pendre. Pour pendre chacun d'entre nous ! Alors juge-moi si ça te fait plaisir. Pense ce que tu veux de mes petites pratiques d'otages. Je préfère être ça plutôt qu'un bourreau !
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Sujet: Re: Our fugitive hearts & Emily Donovan Mer 12 Oct - 19:15
Les muscles d'Emy tremblaient sous l'effet de la colère. Elle ne savait pas si cela se remarquait, mais il lui semblait que chacun de ses membres allaient exploser. Plus que son attitude, c'était la situation qui l'énervait. Ils ne se comprenaient pas du tout, elle en était bien consciente. Malgré tout ce qu'il s'était passé, elle pensait qu'ils parviendraient toujours plus ou moins à se comprendre, même lors d'excès de colère comme c'était le cas aujourd'hui. Ils s'étaient toujours compris, toujours ! Avant, ils n'avaient même pas besoin de se parler pour réussir à comprendre à demi mots ce que l'autre voulait exprimer. Du moins, elle avait toujours eu le sentiment de le comprendre, un regard suffisait pour qu'elle capte la moindre de ses intentions. Mais tout avait changé, désormais. En y réfléchissant bien, c'était depuis qu'ils étaient à Bath que tout s'était dégradé. Le point de rupture de toute cette situation avait surement du être le bal d'Halloween, où elle avait commis l'une des pires erreurs de sa vie. Pourtant à l'époque, elle pensait bien faire. Elle ne voulait pas qu'il souffre parce qu'elle n'était pas en mesure de lui apporter tout ce qu'il méritait. Toi comme moi ne pourrons jamais nous rendre heureux. Cette phrase restait toujours présente à son esprit, tapie dans un coin, prête à surgir à chaque fois qu'elle s'en voulait moins. Cette phrase qu'elle n'aurait jamais du prononcer, et dont elle avait regretté chaque mot, jour après jour. Cette phrase qu'il lui avait rappelée à l'esprit, ce jour-là au cimetière. Elle n'avait été qu'une idiote, ce soir là. Elle avait tout fait pour le provoquer, exprès. Mais même après tout ce temps, elle ne s'expliquait pas ce comportement. Ou plutôt, elle ne voulait pas admettre pourquoi elle avait agi comme cela, elle se sentait encore plus idiote à cette pensée. Debout, tremblante, elle continuait de le fixer, de commencer à réellement observer les changements qui s'étaient opérés en lui, et qu'elle pouvait à peine apercevoir à travers les expressions qu'il avait, et qui n'étaient pas les siennes.
Mais tu ne saisis vraiment pas ? Tu crois vraiment que j'ai eu le choix ? Ça ne m'apporte rien de les garder, absolument rien ! Mais c'était ça ou les tuer sur place ! Et je te l'ai dit, ici, on garde les gens en vie ! Tu n'as qu'à lui demander comment il s'est fait prendre ! VAS-Y ! Tu crois qu'on veut juste prendre notre petite vengeance pour être satisfaits, c'est ça ? Faire autant de morts dans leur camp qu'ils en ont fait dans le nôtre ? Tu es vraiment loin du compte si c'est ça ! Faire des prisonniers, ce n'est pas notre but. C'est juste un accident de parcours. On frappe plus fort que ça, plus loin que ça. Mais il y a toujours des Lord Buckett pour essayer de jouer les héros et faire des conneries.
Emy écoutait attentivement chacun de ses mots, même si elle laissait paraitre qu'elle n'était investie que d'une colère aveugle qui l'empêchait d'entendre tout ce qu'il disait. Au contraire, elle était parfaitement attentive, et au fur et à mesure qu'il parlait, certains points obscurs de ces dernières semaines s'éclairaient. On frappe plus fort que ça, plus loin que ça. Elle repensa à tous les "incidents" qu'il y avait eu à Grand Parad et à Royal Avenue. Lorsqu'elle avait demandé ce qu'il se passait, les gens étaient restés évasifs. Il lui semblait désormais que tout s'emboîtait comme les pièces d'un puzzle qu'elle tentait de reconstruire seule et sans aide. Cependant, malgré toutes les réflexions intérieures qu'elle se faisait, sa voix restait emplie de colère, mais elle ne savait plus vraiment contre quoi la diriger.
- Oui je suis loin du compte ! Parce que les seules informations que j'ai sur tout ça, c'est moi qui ai du aller les chercher ! Je ne connais pas l'ampleur de ce conflit, parce qu'on l'a soigneusement caché aux nobles ! Je ne suis pas omnisciente, je ne pouvais pas deviner ce qu'il se passait, je ne pouvais pas savoir ! Je n'étais au courant de rien ! Ni de la guerre, ni des rebelles ni de... toi. Sa voix s'était transformée à la fin de sa phrase, elle avait gardé autant de puissance sonore mais avait pris une teinte brisée au milieu de la colère. Elle essaya de le masquer comme elle le pouvait par son attitude de furie. Elle ne voulait pas qu'il sache quel Enfer ça avait été lorsqu'elle avait cru qu'il était mort. Du moins, pas pour le moment, pas tant qu'il était dans cet état.
Mon problème ?! Mon problème c'est que ça fait plus d'un an que je n'ai pas eu le moindre moment de tranquillité, et quand enfin je pensais à autre chose qu'à toi, il a fallu qu'on te remette sous mes yeux ! Les pupilles d'Emy se dilatèrent, et, toujours appuyée contre les barreaux, elle enfonça ses ongles dans le bois, s'écorchant au passage. Elle ne s'attendait pas à ce genre de réponse, et celle ci la laissa muette. Elle se contenta de serrer la mâchoire mais dans son regard, si on y prêtait attention, on pouvait voir combien elle était désolée de tout ce qu'elle lui avait fait endurer, avant, combien elle se sentait coupable. Emy était bonne comédienne, et pouvait garder une expression furieuse, mais elle ne savait malheureusement pas contrôler les expressions que renvoyait son regard. Mais ouvre les yeux, bon sang ! Je ne peux pas te relâcher ! Ce n'est même pas une question de tout aller raconter à tout le monde toi-même ! Ça fait plus de vingt heures que tu es ici ! Tu sais ce que ça veut dire ? Ça veut dire qu'on te cherche déjà, dehors. Peut-être même pas encore ta famille... Mais la Milice, elle, oui. Ils surveillent tout le monde ! Dès que tu sortiras et qu'ils t'auront retrouvée, ils t'interrogeront sur le lieu où tu étais. Et tu pourrais leur mentir... Mais ils savent être tellement, tellement persuasifs. Tu crois vraiment qu'ils passeraient à côté de renseignements aussi précieux sur nous juste parce que tu es Lady Emily Donovan, et que ta soeur a un mari bien placé en ville ? Accepte-le : c'est la guerre. Ils se moquent de faire une victime si ça leur permet de nous descendre. Surtout que tu n'es pas aussi bien placée que tu le penses... Il sauront vite tirer parti de tes petites promenades dans les Docks pour te faire passer pour une traîtresse, alors que tu voulais simplement rentrer chez toi ! Je ne peux pas laisser ça arriver. C'est pour ça que toute personne en sachant trop sur nous deviendra notre prisonnier. Cela ne nous amuse pas. Mais ça nous protège. Je vais te dire qui je suis. Je suis celui qui a fait un choix, entre baisser les bras et se battre pour notre survie. S'il faut emprisonner la moitié de la ville, je le ferais. S'il faut te garder sous les yeux jusqu'à la fin de mes jours, je le ferais. Tous les sacrifices qu'il faudra faire pour sauver les miens, je les ferais ! Quel choix est-ce que j'ai d'autre ? C'est ça ou une corde pour se pendre. Pour pendre chacun d'entre nous ! Alors juge-moi si ça te fait plaisir. Pense ce que tu veux de mes petites pratiques d'otages. Je préfère être ça plutôt qu'un bourreau !
Emy n'avait pas bougé, n'avait rien dit lorsqu'il parlait. Elle n'avait même pas esquissé un mouvement lorsqu'il s'était rapproché des barreaux, alors que le sentir si proche et si loin en même temps la tuait. Elle avait beau avoir une colère noire, elle réfléchissait tout de même à ce qu'il disait. Et elle était complètement perdue. Elle ne savait plus ce qu'il voulait réellement dire ou non. L'espace d'un instant, elle eut l'impression qu'il ne voulait pas la relâcher pour la protéger, elle. L'espoir, cet espoir qu'elle avait tenté de bannir à maintes reprises, s'était de nouveau timidement montré, presque trop faible pour qu'elle puisse le sentir. Mais elle s'était poussée à redevenir lucide. Il l'avait dit : ils gardaient tous les prisonniers pour que la Milice ne les attrape pas. Pas seulement elle, tous les prisonniers. Elle ne devait pas se faire de fausses illusions, ce serait encore plus douloureux. Il était mort, Emy, parti. Ce n'était plus le même. Et pourtant... Je ne peux pas laisser ça arriver. Ce qu'il lui disait sur la Milice l'effrayait. Elle les avait déjà vus, le jour où ils l'avaient emmené, et lui avaient déjà fait froid dans le dos. Mais elle se doutait qu'elle était loin, très loin du compte. Elle fronça les sourcils, et sentit une nouvelle boule de nerfs se former dans son estomac. De nouvelles idées, de nouvelles peurs se formaient en elle. Elle serra un des barreaux de sa main droite, s'approchant elle aussi par la même occasion.
- Et bien, tant pis s'ils m'attrapent, je sais que je ne dirais rien ! J'ai déjà été torturée... Sa voix avait baissée sur la fin de sa phrase, mais elle se reprit bien vite, remontant les yeux pour le fixer fermement. Et s'ils me font passer pour une traitresse, tant pis aussi ! De toute façon, c'est ce que je suis ! Elle se mordit la joue. Elle n'aimait pas s'ouvrir de la sorte, et encore moins à cette moitié d'étranger qui lui faisait face. Sa main se serra sur le barreau, si fort que les jointures de ses doigts blanchirent. Il l'avait encore poignardée avec ses mots. Elle continua de le regarder fixement. Sa voix se fit dure et cassée. Elle ne criait plus. Tu me considères donc comme un sacrifice... De tout ce qu'il lui avait dit depuis le début, c'était surement la pire chose qu'il avait prononcée.
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Sujet: Re: Our fugitive hearts & Emily Donovan Mer 12 Oct - 21:30
Liam fulminait. Il avait crié, hurlé, même. Sa respiration était lourde, ses yeux incendiaires. Il avait beau avoir explosé, il avait l'impression que ce n'était rien, en comparaison de ce dont il était capable. Il pensait que ça l'aurait soulagé, au moins pour un temps, de se laisser emporter par sa colère. Mais il se retrouvait exactement dans la même situation que quelques heures plus tôt, dans sa chambre : il avait beau avoir frappé ses hommes sans relâche, il avait encore eu un coup à donner à sa table. C'était exactement pareil, en ce moment. Sa colère ne provoquait en lui qu'une colère encore plus grande. Sa haine n'engendrait que plus de haine. Il ne trouvait plus le repos, désormais. Il en était incapable. Il était un flot continu de sentiments destructeurs et sombres, que rien ne semblait pouvoir apaiser. Et, face à Emy, il perdait totalement son sang-froid. Ce n'était pas une bonne chose, et il en prenait conscience. Il ne pouvait pas se permettre de ne pas avoir la tête bien correctement sur les épaules. Mais la voir, après tout ce temps, après toutes ces bavures, ces souffrances, ces non-dits ! C'en était trop ! Il sentait se déchaîner en lui des forces effrayantes, qu'il doutait d'ailleurs pouvoir contrôler parfaitement. C'était dangereux. Il ne fallait pas qu'il se laisse dominer par sa colère, qu'il en devienne la marionnette. Sinon, il ne valait pas mieux que ceux qui se vengeaient aveuglément sans réfléchir. Pas mieux que ces barbares de la Milice, comme il l'avait dit à Noah. Mais il refusait de lui tourner tout bêtement le dos maintenant. Il avait trop de choses à dire, trop de rage à faire ressortir. Il ne pouvait plus contenir tout ça, même s'il l'avait voulu. Il lui en voulait. Profondément. Tout son être était dirigé contre elle. Il ne pouvait rien y faire. Il ne pouvait pas la regarder sans revivre les mois de souffrance qu'elle lui avait infligés. Il ne pouvait pas l'entendre sans repenser à tous ces mots qui l'avaient tant blessé. Il ne pouvait pas la pardonner. Pas maintenant, pas aussi facilement. Pas alors qu'il n'avait pas d'abord épanché sa fureur. Il fallait qu'elle voit l'ampleur des dégâts qu'elle avait causé. Il fallait qu'elle le ressente, qu'elle le vive. Ce n'était même pas réellement une décision qu'il prenait là, c'était quelque chose qui s'imposait à lui, comme une évidence à laquelle il ne pouvait pas déroger. Pas question de tout pardonner comme ça. Pas question de ne pas être en colère.
- Oui je suis loin du compte ! Parce que les seules informations que j'ai sur tout ça, c'est moi qui ai du aller les chercher ! Je ne connais pas l'ampleur de ce conflit, parce qu'on l'a soigneusement caché aux nobles ! Je ne suis pas omnisciente, je ne pouvais pas deviner ce qu'il se passait, je ne pouvais pas savoir ! Je n'étais au courant de rien ! Ni de la guerre, ni des rebelles ni de... toi. Il fut déstabilisé un instant par la fin de sa phrase, sans réellement comprendre pourquoi. Ses sourcils se froncèrent, son expression se figea. Son coeur était serré, meurtri, bouillonnant. Mais sa colère reprit bien vite le dessus.
- Alors arrête avec tes grands airs ! Arrête de te comporter comme si tu étais la maîtresse de la situation, si c'est pour te rétracter ensuite ! Arrête de nous regarder comme si on ne valait rien ! Accepte le fait qu'il y a des choses que tu ne peux pas savoir, des choses qui te dépassent ! Ce n'est pas ton combat, c'est celui de nous tous !
Trop en colère, trop plongé dans sa haine, Liam ne vit pas le changement dans les yeux d'Emy, alors qu'ils restèrent tous les deux silencieux pendant quelques secondes. Il gardait ses yeux dans les siens, pourtant. Ses prunelles bleues lui renvoyaient toute la douleur qu'il avait éprouvé au cours de ces longs derniers mois. Ses doigts étaient toujours serrés fermement autour des barreaux.
- Et bien, tant pis s'ils m'attrapent, je sais que je ne dirais rien ! J'ai déjà été torturée... Les yeux de Liam s'assombrirent, et ses lèvres se pressèrent l'une contre l'autre dans une expression pleine de douleur. Bien sûr, il savait de quoi elle parlait, et cela ne pouvait que l'affecter. Mais il connaissait aussi très bien les pratiques de la Milice. Cela n'avait rien à voir. Elle ne pouvait pas être sûre de pouvoir résister à ça. Elle pensait que c'était le cas seulement parce qu'elle ne savait pas réellement de quoi il s'agissait. Et, par dessus tout, l'imaginer dans un tel contexte... Ses poings se resserrèrent autour des barreaux. Il se mit même à en lui vouloir de comparer ces deux situations, qui n'avaient rien en commun. Il connaissait par coeur les images d'elle qu'il s'était créé malgré lui dans son esprit, des images d'elle souffrant, violée par on-ne-sait-quel-enfoiré. Ces images lui revinrent avec violence à la figure, doublées de celles qu'elle venait juste d'immiscer dans sa tête, d'elle en proie aux tortures de la Milice. Il avait beau lui en vouloir, il avait beau être fou de haine contre elle... Jamais il n'aurait pu souhaiter que quelque chose du genre arrive. Seul quelqu'un de profondément inhumain aurait pu le faire, et ce n'était pas Liam. Il avait la mâchoire serrée, et ne répondit rien. Aucune parole n'était suffisamment puissante pour décrire ce qu'il ressentait en ce moment.
Et s'ils me font passer pour une traitresse, tant pis aussi ! De toute façon, c'est ce que je suis ! Ces paroles résonnèrent dans l'esprit de Liam. Alors, elle se voyait comme une traitresse pour la Milice et pour ceux de son rang ? C'était donc ainsi qu'elle se considérait. C'était le camp qu'elle avait choisi... Mais son attitude était encore incohérente. Non, elle n'était pas une traitresse. Pas encore. Elle n'avait pas renoncé à l'autre camp. Elle était encore entre les deux, comme toujours. Une partie d'elle appartenait encore à sa soeur, à sa famille, à ce monde-là contre lequel Liam et les rebelles se battaient. Le jour où elle y aurait pleinement renoncé, où elle aurait tiré un trait dessus ; là, elle serait une véritable traitresse. Ce serait donc ça, son prix à payer.
L'expression de Liam se durcit, et ses mains se retirèrent lentement des barreaux. Il restait toujours très proche d'eux néanmois, et son regard ne faiblit pas. Ses yeux étaient durs, et sa voix prit des intonations impartiales, autoritaires.
- Non. Tu restes ici, et c'est tout. Si ça ne te plait pas, c'est pareil.Tu me considères donc comme un sacrifice... Son visage se ferma complètement. Il ravala d'un coup toute sa colère, alors même que le sang continuait d'irradier en lui avec force. Tout retomba d'un coup ; et il se para de son enveloppe glaciale et impénétrable. Son corps vacilla un peu en arrière, si bien qu'il n'était plus aussi proche d'Emy, plus aussi accessible. Ses yeux la dévisageaient toujours, mais avec un calme et une froideur déroutante. Sa voix, calme, basse, tomba comme une pierre sur le sol humide des cellules.
- Je ne t'aime plus, Emy. Après tout ce qui s'est passé, je n'en suis plus capable. Sa voix était atroce, comme sortie d'un autre monde, où tout n'est que chaos et souffrance. Il tourna son visage vers la sortie des cellules. Son regard alla vers elle une dernière fois. Renoncer à mon amour pour toi, ça a été le plus grand de mes sacrifices. Et il lui tourna le dos pour partir. Il s'échappa de là, comme une ombre dans l'obscurité, comme un voleur. Aussi rapidement qu'il était arrivé. Avec son coeur fugitif en miettes.