La neige commençait à être de plus en plus fort. Le vent glacial transperçait chaque visage qui se manifestait dans la rue. Les fêtes de Noël avait pris place dans le centre du village. Les habitations étaient colorées, des enfants jouaient avec les boules de neiges, taquins alors que les adultes se hâtaient pour acheter les dernières courses de Noël. Bref, tout le monde sentait l'effervescence des festivités de Noël. L'amour était au rendez-vous. On voyait les couples se serrer quelques peu dans la rue, s'embrassant doucement sous les guis. Tandis que les rues se désertaient peu à peu à cause de la nuit qui venaient de plus en plus rapidement. Les prostituées du coin sortaient. L'heure était au boulot malgré cette fête tant attendue par tout le monde. Et bien sûr, elles allaient passer toute la nuit à charmer encore les peu d'homme qui venaient passer une dernière soirée de liberté avant de rejoindre à nouveau leur famille. Où bien les hommes qui n'avaient plus du tout de famille et qui souhaitaient combler cela par l'affection qu'on leur offrait. Et j'étais là, encore dans cette ambiance un soir de fête. Un soir où on devait se retrouver avec notre famille. Je me retrouvais avec un homme inconnu.

Plus tard dans la soirée, je me retrouvais à nouveau dans la rue. J'errais dans Meryton dans ce temps froid. Je réfléchissais à ce soir où j'étais de nouveau seule. Orpheline. Et bien vite je me retrouvais vers la place de Meryton, vers les quelques habitations des villageois. Je marchais sous la neige, les yeux dans le vague lorsque je passais soudainement devant une fenêtre, la cheminée illuminant la pièce. Mon visage se tourna vers l'intérieur et je regardais alors cette famille qui étaient en train de dîner tranquillement. C'était un jeune couple, heureux. On voyait toute leur affection se manifester dans leur regard qu'ils se jetaient. Je ne comprenais pas beaucoup l'émotion qu'ils se vouaient l'un à l'autre mais je savais que je ne pouvais pas avoir cette sensation d'être aimée par quelqu'un d'autre. On ne m'avait jeté un regard comme ça. Aucun homme m'avait vu en tant que femme, juste une prostituée. C'était tout. Je décidai de baisser mon regard vers mon ventre et ma gorge se serra quelque peu.

Je tournai les talons à nouveau puis me remis en marche à nouveau. Je me rendis vers la fontaine, l'eau était dorénavant glacé et je voyais mon horrible sous cette glace. Mon ventre avait pris de l'ampleur, pas beaucoup certes, mais mes symptômes étaient présents depuis plus d'un mois. On pouvait tout de même apercevoir un léger grossissement au niveau de mon nombril qui faisait deviner aux hommes que je n'étais plus toute seule dans ce frêle corps. Pour l'instant cela ne dérangeait nullement mes clients car c'était encore minime, mais dans deux, trois mois je savais que ça n'allait peut-être plus plaire aux hommes qui venaient me voir. Je reniflais doucement et me mis en marche de nouveau, préférant ne pas rester à contempler mon propre ombre. Je m'engouffrai dans les rues, seule même si je portais un enfant. Un soir de Noël.

Un vertige me prit soudainement. Je déglutis quelque peu en posant une de mes mains sur un des murs humides de la ruelle que j'avais emprunté. L'odeur oppressante et nauséabonde ne me rendait pas les choses faciles. L'envie de vomir me prenait subitement et bien sûr je sortis tout ce mal sur le sol. Je me redressai doucement en sniflant puis je m'essuyai la bouche avec un de mes revers de main. Quelle soirée agréable pour moi je passais en dehors. C'était vraiment un Noël le plus joyeux que je passais. Bien sûr, c'était ironique. Je ne me souviens plus du jour où je m'étais amusée à Noël. D'ailleurs, tout ce souvenir remontait si loin. Lorsque j'étais encore nourris et logé dans la demeure de mes anciens maîtres avec ma mère. Ça me manquait cette époque où je pouvais encore sourire malgré mon mutisme. C'était tellement loin tout ça. Je sentais ma respiration et pourtant je suffoquais. Je levais les yeux aux ciels et regardais les flocons se poser sur mon visage tout doucement. Quel bel avenir pourrais-je apporter à cet enfant ? Et c'était ça mon cadeaux alors ? Pour moi c'était vraiment la plus mauvaise chose qu'on puisse m'offrir dorénavant. Pourquoi il avait fallu que cela arrive ? Je ne demandais pas ça. Je ne pouvais rien lui apporter. Je ne pouvais absolument pas lui promettre un avenir meilleur que le mien puisque je n'aurais jamais les moyens pour que cet enfant puisse épanouir un jour ou l'autre. Non, vraiment, je ne le voulais pas. Je fermai mes paupières doucement et je sentais encore les flocons de neiges transpercer ma peau. Tout mon corps commençait à frissonner, la froideur de la nuit m'enveloppait peu à peu et un instant j'avais envie de rester là sous ce froid glacial. J'avais envie qu'il m'emporte pour être enfin en paix. Loin de cette vie misérable que j'avais. Loin de toute cette souffrance que je ressentais intérieurement. J'avais envie de partir et rejoindre peut-être ma mère. Peut-être qu'elle était beaucoup mieux là où elle était. Peut-être que moi aussi, je serais mieux autre part.

Je reçu soudain une boule de neige en pleins sur mon vêtement qui me sortit de ma torpeur et je rouvris les yeux. Devant moi se tenait un adolescent qui avait quoi, une dizaine d'année. Son visage sali, ses cheveux en bataille, ses habits déchirés de part et d'autre et ses chaussures trouées me faisaient alors deviner qu'il était un enfant de la rue. Il me regarda, et me sourit doucement. Les yeux neutre, je me ressaisi à nouveau et m'avançai vers lui. D'ailleurs, il se préparait déjà à faire une autre boule de neige, voyant que je m'apprêtai à être proche de lui. Je sortis de la ruelle et me retrouva bien vite en face de lui, le stoppant dans son élan. Il me regarda encore et son sourire se perdit à nouveau en voyant mon visage. Il était tout seul mais il avait eu le sourire. Un espoir peut-être qu'il puisse trouver en ce soir de Noël quelqu'un avec qui rester. Quelqu'un qui voulait bien jouer avec lui, un soir de Noël. Cependant, je voyais sur son visage soudainement qu'il était déçu de ce qu'il découvrait devant lui. Déçu de connaître l'expression de mon visage. Vide, triste. Il relâcha sa boule de neige et me jetait un oeil de pitié. Un enfant qui avait de la compassion pour moi alors que je devrais peut-être faire pareil que lui. Surmonter ce froid, cette solitude et jouer avec lui. Mais non, au lieu de cela je le regardais, impassible et mon corps se déplaça à nouveau, passant près de lui qui ne cessait de me fixer du regard. Et je m'éloignai doucement de lui, ne regardant pas en arrière. J'avais perdu cette âme d'enfant depuis bien longtemps et je n'avais pas envie d'être heureuse un seul instant dans ma vie. Il n'y avait pas de quoi à être heureuse de toute façon.

J'empruntais ce même chemin chaque jour dorénavant. Je reconnaissais les ruelles, je me demandais même pourquoi je ne l'avais pas emprunté bien plus tôt. J'ai préféré errer dans la ville toute seule avant. Pourquoi cela ? Pour bien me rendre compte que je n'avais personne ? Que je n'avais pas de réelle famille ? Me prendre conscience encore que j'avais besoin que d'un seul remède pour ne plus ressentir cette torture pesante. Mes pas me guidèrent alors devant la porte du bar des Dennaker. Ce soir j'allais encore m'évader de la seule façon que je connaisse. Je sais que c'est mal, que ce n'est pas bon de faire ça dans mon état actuel. Cependant avais-je le choix ? Non, je ne l'avais pas. Cela faisait très longtemps que prendre un choix ne m'était plus du tout permis. Je toquais sur la porte, et l'homme qui gardait celle-ci l'ouvrit puis me laissa entrer, refermant la porte derrière moi.