La pluie avait cessé depuis peu, les laissant trempées et tremblantes. Le capitaine Smith les avait raccompagnées jusqu'au Manoir Lefroy, où il s'était fait recevoir, comme il était convenable de le faire dans une telle situation, par Lady Catherine Lefroy, qui après avoir regardé sa fille d'un air dédaigneux, avait commandé à des domestiques de s'occuper d'elle et de Talia.

C'était donc dans la grande et luxueuse salle d'eau de la maison que les deux jeunes se retrouvaient à présent, face à face. Alice n'avait pas prononcé le moindre mot depuis leur arrivée, perdue dans des pensées confuses. Elles n'étaient bien évidemment pas seules. Les autres femmes de chambre d'Alice la déshabillait en ce moment même, pendant qu'elle, n'ayant rien d'autre à faire que de rester debout et de se laisser prendre en main, avait le regard qui se perdait involontairement dans celui de Talia. Une autre domestique s'occupait des plaies de Talia, mais personne ne la déshabillait, elle. Les ordres de Lady Catherine étaient très clairs : qu'on lave sa fille, qui lui faisait honte dans l'état de souillon dans lequel elle se trouvait actuellement, et qu'on soigne Talia, rien de plus.

Mais Alice avait des choses à lui dire. Pire, elle voulait parler à Talia. C'était plus fort qu'elle, et cela s'imposa à elle sans qu'elle ne puisse rien y changer. A côté d'elles, la grande baignoire d'ivoire blanc avait été remplie avec de l'eau chaude, et parfumée avec quelques huiles essentielles. Une des femmes de chambre d'Alice y avait même rajouté un peu de mousse. Presque nue désormais, Alice soutenait toujours le regard de Talia. Ce qu'elles avaient partagé cet après-midi, aussi atroce cette aventure soit-elle, la rapprochait d'elle, en quelque sorte. Car personne ne voudrait entendre leur histoire. Personne n'en aurait rien à faire. Pire, sa mère et Lydia lui interdiraient d'en parler à quiconque, de peur de ternir la réputation familiale. On ne sait jamais ce qui peut passer dans la tête des gens.

Elle n'avait plus sur elle qu'une fine robe de toile blanche, qui servait de sous-vêtement et qui lui collait à la peau à cause de la pluie. Les femmes de chambre voulurent la guider vers le bain, mais regardant toujours Talia, Alice déglutit avec difficulté.

- Laissez-nous seules, s'il vous plaît, dit-elle avec une infinie douceur. Il n'était pas dans les habitudes d'Alice d'ordonner quoique ce soit à quelqu'un, mais lorsqu'elle devait le faire, c'était toujours très gentiment. Les domestiques la regardèrent avec incompréhension.

Elle appréhendait vraiment, sachant déjà que les représailles de Lydia serait terribles lorsqu'elle aurait vent de l'affaire : non seulement elle s'était fait agresser, mais en plus elle se croyait tout permis une fois de retour, plutôt que de faire basse figure ! tant pis.

- J'ai dit... Laissez-nous seules, s'il vous plaît, répéta-telle face au manque de réaction des domestiques, qui s'en allèrent cette fois.

Alice s'approcha alors d'une petite table basse prêt de la baignoire sur lequel avait été posé une petite bassine d'eau fraîche ainsi que des linges propres pour nettoyer leurs plaies. Elle se saisi d'un linge avec une grande délicatesse, et le plongea dans l'eau avant de se diriger vers Talia. Sans mot dire, elle essuya son front, puis sa lèvre, et lorsque les plaies furent nettoyées, elle lui sourit, rougissante.

- Venez.

Elle laissa tomber négligemment le tissu à même le carrelage, et prit la main de Talia vers la sienne pour l'attirer vers la baignoire.

- Après tout ça, vous avez besoin de bien plus de réconfort que moi, Talia, mais j'ai bien peur que personne d'autre n'en ait conscience. Alice regarda la mousse et serra ses lèvres l'une contre l'autre, signe qu'elle hésitait pour parler.

- Partagez donc ce bain avec moi. Elle n'osa pas la regarder, consciente que c'était une proposition étrange. Mais il n'y avait aucune mauvaise intention là-dessous. Venez, fit-elle de nouveau en montant une première jambe pour rentrer dans la baignoire.

Elle était à présent debout dans la baignoire, tenant toujours une main de Talia dans la sienne.

- Si je m'apprête à vous dire ceci, Talia, c'est uniquement parce que c'est vous, et que je vous fais confiance. Elle fit une pause, puis reprit. Ma mère ne vous remerciera pas d'avoir risqué votre vie pour moi aujourd'hui. Miss Owen non plus, et je doute que Lord William en soit informé un jour. Elle déglutit, nerveuse. Nous sommes ruinés et n'avons plus rien à offrir qui soit suffisant pour vous récompenser de votre dévouement.

Alice se mordit les lèvres.

- Il n'y a que moi, le souvenir éternel que j'aurais de votre bravoure et la dette que j'ai à présent envers vous, Talia.

Elle lui fit un mince sourire, pourtant vraiment sincère, mais elle restait affreusement gênée. Elle rougissait, en plus, et en avait conscience, ce qui l'embarrassait.

- Alors j'aimerais au moins pouvoir vous offrir un rétablissement digne de ce nom. Venez partager mon bain ><.

Alice n'en revenait toujours pas d'avoir osé formuler une proposition si décalée. Rougissante, elle ne prenait conscience de l'ampleur de ce qu'elle avait pu dire que maintenant. Mais elle ne regrettait pas, sincère lorsqu'elle avait prononcé ces mots. Elle redoutait que Miss Owen ou sa mère furent alertées par les autres domestiques, celles qu'Alice avait renvoyées de la pièce, de l'étrange comportement de celle-ci... Qu'elles ne débarquent dans la salle d'eau pour découvrir Talia avec elle dans son bain. A cette pensée, Alice eut un léger frisson. Ce qu'elle avait fait avait été inconsidéré et dangereux, cela ne lui ressemblait pas. Mais elle n'avait pas pu s'en empêcher, mue par le désir de faire quelque chose pour Talia, pour lui témoigner toute sa reconnaissance et son affection. Et puis, il y avait maintenant entre elles ce lien invisible, imperceptible, contre lequel Alice ne pouvait tout bonnement pas lutter.

Alice fut soulagée de voir Talia se déshabiller pour monter dans le bain à son tour, apeurée un moment qu'elle décide de partir ><. Intimidée face à Talia, dont le corps était trop mal dissimulé par sa fine tunique blanche et trempée, Alice fut contrainte de détourner les yeux. Mais il ne fallait pas qu'elle soit gênée, n'est-ce pas ? Elles étaient entre femmes, il n'y avait aucun mal dans ce qu'elles faisaient. Alice se rassura en se répétant plusieurs fois cette explication, et reposa ses yeux sur Talia. Elle se mordit cependant les lèvres, avant de secouer tout doucement la tête. Ses yeux papillonnaient pendant que sa bouche restait entre ouverte. Elle ne savait plus quoi dire. Heureusement, Talia l'attira dans l'eau avec elle à ce moment-là <3.

Et aussitôt après, Alice sentit Talia se rapprocher d'elle et passer doucement ses mains sur son visage, ce qui eut l'effet immédiat de l'apaiser. Pourtant, des rougeurs revinrent s'égarer sur ses joues pendant qu'elle regardait Talia, les yeux plongés dans les siens.

- Mais j'en ai envie, Talia, parce que je vous suis vraiment reconnaissante. Alice baissa les yeux sur les petites bulles de mousse qui flottait doucement sur l'eau, se collant à sa peau et à celle de Talia. Elle murmura d'une toute petite voix, gênée <3. Merci...

Personne n'avait jamais été là pour elle de cette façon, à part peut-être son frère William, mais c'était différent. Et son frère était moins présent, ces temps-ci, occupé à fuir leur mère et ses incessantes remarques. Alice ne lui en voulait pas. Mais avoir Talia à ses côtés, en plus d'être tout simplement et naturellement agréable ><, était un vrai don du Ciel, pour elle. Elle se sentait en sécurité à ses côtés, en confiance. D'ailleurs, Alice sentit soudainement le besoin de lui confier l'un de ses secrets, dont quasiment personne n'était au courant dans la Maison, à part la famille elle-même, et quelques rares domestiques. Il était donc fort probable que Talia n'ait jamais eu vent de cette histoire.

- Tu sais, fit-elle en la tutoyant soudainement, rougissant de plus belle et jouant nerveusement avec une mèche de ses cheveux trempés. Un jour... Pas un jour comme celui-ci, un jour vraiment ensoleillé, nous avons fait un grand pique-nique au bord du Lac, avec mon défunt Père, ma Mère, mon frère et quelques amis de la famille. J'étais petite, je devais avoir cinq ans... Alice se mordit les lèvres. Et je me suis trop éloignée du groupe. Je voulais voir s'il y avait des poissons dans le Lac, parce que William m'avait assuré que oui, et qu'ils étaient très gros. Je me suis trop approchée du bord du ponton de bois et je suis tombée à l'eau. Elle avala sa salive et regarda Talia. Il a fallut une bonne dizaine de minutes à mon frère pour se rendre compte de mon absence et se jeter à l'eau pour me sauver. Je... Je ne savais pas nager. Elle baissa les yeux à nouveau. Je n'ai jamais réussi à être vraiment à l'aise dans l'eau depuis ce jour-là. Parfois, j'ai le souvenir de l'eau s'engouffrant dans mes poumons et m'empêchant de respirer qui me revient... Alice fronça les sourcils. Quand mon père à reproché à ma mère de ne pas m'avoir suffisamment surveillée, il paraît qu'elle s'est contenté de hausser les épaules.

Alice releva enfin le visage vers Talia, apparemment bouleversée par ce qu'elle venait de dire. C'était la première fois qu'elle en parlait à quelqu'un. Ses lèvres tremblotaient et ses yeux étaient humides. Mais elle se sentait en sécurité avec Talia, alors tout allait bien, se dit-elle. Tout allait bien.

Alice se laissait complètement faire par Talia. C'était étrange, car elle avait toujours eu l'habitude que les autres disposent de son corps comme ils l'entendaient. Miss Owen en la frappant constamment, par exemple. Cet inconnu des ruines en la tripotant. Et elle se laissait toujours faire malgré elle, et en dépit du fait que cela ne lui plaisait pas. Elle... Elle ne savait pas protester ! Elle aurait voulu, mais elle était trop faible, trop restreinte. Avec Talia, tout était différent. Avec Talia, avec sa douceur, Alice avait le cœur qui s'accélérait, battant à tout rompre. Elle avait la tête qui lui tournait, car elle oubliait souvent de reprendre sa respiration, elle avait les lèvres qui s'entre-ouvraient toutes seules, elle avait le regard qui s'intensifiait, se perdant dans les méandres pétillantes des yeux clairs de Talia, elle avait la peau qui frissonnait. Avec Talia, c'était agréable, et elle ne voulait pas protester. C'était le seul contact humain qu'elle savait apprécier. Celui de William était encore autre chose. Presque inexistant, car ils avaient beau avoir une relation fusionnelle, ils ne se touchaient pas souvent, il ne pouvait pas lui apporter ce réconfort.

Mais Alice fronça les sourcils en entendant Talia, profondément bouleversée et touchée. Non, ce n'était pas possible qu'elle se sacrifie pour elle de la sorte, Alice ne voulait pas ça, elle... Il ne fallait pas ! Elle n'avait pas tant de valeur. Loin de là.

- Mais vous ne devriez pas, c'est... Votre vie vaut tout autant que la mienne. Il ne faut pas ><... Alice ne trouvait plus ses mots, vraiment déstabilisée. Il ne faut pas vous sacrifier comme ça pour moi.

Une fois après lui avoir confié cette histoire, Alice se tut, les yeux toujours brillants. Elle se mordit les lèvres un bref instant, frissonnant une nouvelle fois sous les caresses de Talia. Tout cela commençait à en devenir vraiment troublant. Et Alice la sentait si proche d'elle que l'eau du bain lui parut soudainement brûlante. Agréablement brûlante. C'était comme si une barrière venait de s'effondrer en elle, sans qu'elle en prenne pour autant véritablement conscience. Son corps réagissait pour elle, avant que son esprit ne réalise quoi que ce soit. Emporté par un élan fou, passionné, le corps d'Alice frémissait toujours autant de sa proximité avec Talia, dont la robe trempée lui collait à la peau. Alice rougissait. Une larme coula involontairement sur sa joue, alors qu'un petit sourire se dessinait sur ses lèvres, émue.

- Tu crois ? Ce n'est pas trop tard pour apprendre ? Elle baissa les yeux, se mordillant les lèvres, avant de poser à nouveau son regard sur Talia. Je serai ridicule... Mais si tu es là, je veux bien essayer.

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Alice n'avait jamais eu autant conscience de son corps : c'était comme si chaque parcelle de peau s'enflammait soudainement, devenant d'ailleurs bien plus brûlante que l'eau du bain, et était soudainement bien plus sensible. Des dizaines de frissons la parcouraient et son regard se perdait dans celui de Talia. Parfois, ses yeux se baissaient, et elle rougissait, intimidée par l'intensité du regard que Talia lui lançait. Mais lorsqu'elle prit ses deux mains dans les siennes pour les monter à ses lèvres et les embrasser, Alice releva les yeux vers elle pour la dévisager, troublée. Ses lèvres étaient entre-ouvertes bien que l'air lui manquait, elle avait une bouffée de chaleur et ses paupières papillonnaient à vive allure. Elle pensait déjà avoir atteint avec Talia le stade du contact le plus perturbant, mais apparemment elle se trompait : chaque nouvelle seconde était une nouvelle découverte, une nouvelle sensation, et encore plus puissante que la précédente. Cela s'arrêterait-il un jour ? Alice n'était pas sûre de le vouloir. Elle avait le tournis, mais au fond... elle adorait ça. Elle osait se le formuler pour la première fois seulement. Oui, elle aimait le regard de Talia sur elle, aussi incompréhensible soit-il, elle aimait la douceur mêlée de passion qu'elle mettait dans ses gestes. C'était insensé, cela avait un goût d'interdit, mais c'était délicieux !

- Explique-moi, alors, que je sache... fit-elle dans un murmure irréfléchi, naturel. Elle voulait comprendre ce que Talia avait en tête, car elle était complètement perdue pour l'instant.

Que lui arrivait-elle ? Quand se déciderait-elle enfin à mettre un terme à tant de proximité ? C'était surement mal ! Mais Alice était bien loin de penser à cela, trop accaparée par Talia. Et si quelqu'un rentrait dans la pièce, les voyant ainsi ? Ne serait-ce pas étrange ? Ce qu'elles faisaient n'était pas déplacé ? Le cœur d'Alice s'emballait, faisant battre encore plus vite son sang brûlant et chargé d'adrénaline dans ses veines. Elle avait toujours autant le feu aux joues, mais elle n'y pensait plus non plus : Talia se rapprochait... Encore et encore... Talia... se... rapprochait. Sa respiration se faisait plus lourde, plus accélérée, l'air s'extirpant de ses lèvres rosées pour s'abattra sur le visage de Talia.

- Je sais que jamais je ne devrais accepter une telle promesse, mais je... Quand tu me parles comme ça -elle rougit encore plus, car elle avait failli dire "regardes" au lieu de "parles"- Je ne peux pas faire autrement que de te croire.

Comme une attraction à laquelle il était tout bonnement impossible de résister, Alice sentait que son corps allait lui aussi dans la direction de Talia. Et c'est ainsi que son front vint se poser tout naturellement contre le sien, leurs nez se touchant, se caressant eux aussi, leurs lèvres séparés seulement par un ou deux centimètres. Alice fermait les yeux pendant que ses mains s'étaient glissés dans la nuque de Talia. Et elle se mit à sourire.

- Tu dis ça parce que tu ne m'as jamais vu essayer de nager, crois-moi.

Et d'un coup, Alice se sentit partir en arrière : elle glissait dans la baignoire, emportant Talia avec elle ! Elle eut à peine le temps d'ouvrir les yeux qu'elle se retrouvait allongée sous Talia. Heureusement, sa tête était restée hors de l'eau : pas de panique à l'horizon. Elle avait cependant lâchée Talia, et ses mains s'étaient retrouvées de part et d'autre de sa tête, collées contre la baignoire.

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Cette posture lui donnait un air innocent, comme si elle s'abandonnait complètement à ce que Talia voudrait bien faire d'elle. Alice, soucieuse par rapport à sa maladresse (car c'était forcément de sa faute si elles avaient glissées et qu'elles se retrouvaient dans une telle position en ce moment, Talia au dessus d'elle, son corps collé au sien), se mordit les lèvres en détournant les yeux juste avant de la regarder à nouveau.

- Je... Je suis désolée, murmura-t-elle timidement en se mordant les lèvres à nouveau.

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Alice n'en avait pas encore conscience, mais c'était la Passion qui l'animait. Cette Passion qu'elle avait déjà eu l'occasion de découvrir à travers certains livres, ceux qu'elle n'était pas autorisée à lire mais qu'elle dévorait tout de même en cachette, bravant la parole de Miss Owen. Quoique non. La Passion qui l'animait en ce moment était bien plus forte, bien plus violente et réelle. Mais Alice n'en avait pas encore conscience, non. Elle ne le réaliserait que plus tard, seule, la nuit tombée. N'arrivant pas à dormir, elle presserait son oreiller contre sa poitrine, fixant le plafond, comme si cela avait pu étouffer les battements fous et bruyants de son cœur agité. Là et seulement là, se repassant la scène en tête, elle comprendrait que ce qu'elle éprouvait en ce moment était loin d'être moral pour une jeune fille de son rang. Elle comprendrait que c'était mal, que c'était interdit. Et ce goût d'interdit, de défendu, ne rendrait que la chose plus attirante. Effrayante, certes, intimidante aussi, mais exquise à l'extrême. Et quand un être brûlait de Passion, on ne l'arrêtait tout simplement plus. La volonté n'avait rien avoir à l'affaire. Cette nuit, Alice se perdrait, et jamais perdition ne serait si grandiose et salvatrice.

Pour l'instant, Alice regardait Talia, rougissante, frémissante, ne sachant plus que faire ou où donner de la tête. C'était comme si Talia était partout. Elle la frôlait, elle la transperçait du regard, elle la dénudait des yeux, elle la faisait brûler sur place, doucement, agréablement, vivement, à la folie.

Les mots sortaient d'entre les lèvres de Talia et arrivaient aux oreilles d'Alice comme des caresses sur sa peau de porcelaine. Des caresses qui effaceraient chaque bleu, chaque meurtrissure qu'on lui avait un jour infligée. Pour un moment, là, dans ce bain qu'elle partageait avec la seule qui visiblement, pouvait la percer à jour, Alice oubliait ses tourments quotidiens. Demain serait un autre jour, un jour plus violent, où elle devrait ne pas broncher quand la gifle de Miss Owen sifflerait dans les airs, venin du vil serpent sournois, avant de s'abattre sur elle. Mais pour l'instant, Alice n'y pensait pas. Car ce soir, elle était là avec elle. Et cette phrase n'avait jamais tant eu de signification à ses yeux.

Alice ne répondit pas, incapable de prononcer le moindre mot, touchée à l'extrême. Talia lui faisait oublier comment parler, elle lui faisait oublier tout ce qu'elle avait un jour appris, elle lui faisait oublier qu'une société avec une hiérarchie sociale existait, elle lui faisait oublier le monde entier, la baignoire, la mousse qui frémissait au fil de leur gestes, elle lui faisait oublier l'odeur si envoûtante des huiles essentielles. Comment pouvait-on éprouver tant d'émotions à la fois ? Comment quelqu'un pouvait avoir tant d'emprises sur elle ? La seule explication qui paraissait plausible, alors que sa respiration s'accélérait encore, saccadée, irrégulière, chargée d'une émotion inconnue, charnelle, était que les barrières autour de l'âme d'Alice, forgées par sa raison, s'effondraient pour n'être plus qu'un tas de poussières.

Alice se laissa embrasser, les yeux grands ouverts, des multitudes de pensées contradictoires se bousculant soudainement dans sa tête. Ce qui se passait en ce moment était trop étrange, et elle... Alice se mettait à douter. D'un coup, elle sentait les barrières renaître. C'était mal ! Elle n'aurait pas du ! C'était... Elles étaient deux femmes. Et... Et... Ses mains se décrispèrent soudainement quand une pensée très claire prit le pas sur les autres : Et si elle embrassait mal ? Elle ne savait pas comme on faisait, après tout. Elle avait peur de la décevoir.
C'était idiot, mais c'était la seul préoccupation qui lui restait. Les lèvres de Talia étaient toujours soudées aux siennes. En fait, tout ceci n'avait pris qu'une seconde ou deux, juste le temps de penser. Alice ne se comprenait plus. Une femme l'embrassait, mais au fond... elle devait presque se forcer pour trouver cela déplacé. Elle trouvait cela étrange, c'est certain. Mais c'était agréable, et... Elle ne savait plus quoi penser ! Elle savait qu'elle aurait surement du la repousser, mais tout était trop étrange, trop... Trop... Parfait.

Tremblantes, les mains d'Alice vinrent se placer sur les joues de Talia, et elle se servit de cette emprise pour coller encore plus son visage au sien. Ses doigts glissèrent ensuite dans ses cheveux mouillés, sur sa nuque. Un moment que leurs lèvres se séparèrent -pour mieux se retrouver ensuite- un gémissement léger échappa à Alice. Rougissante, elle implosait. Elle aurait pu faire un arrêt cardiaque tant son cœur battait vite. C'était l'expérience la plus perturbante qui lui est été donnée de vivre. Et elle refusait que cela s'arrête ! Alice n'était plus du tout rationnelle. Sa poitrine se soulevait à vive allure, se collant par intermittence à celle de Talia, au dessus d'elle. Elle lui rendait son baiser du mieux qu'elle le pouvait, honteuse à l'idée qu'elle n'était qu'une petite inexpérimentée. Ah ! Cette idée était vraiment troublante. Elle s'en voulait presque de ne pas avoir d'autres préoccupations dans un moment si intense ! Mais elle ne pouvait plus penser, trop accaparée par le contact de Talia.

- Je... Je ne sais pas embrasser, fit-elle, mourant de honte, entre deux halètements après ce qui était son premier baiser.

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Tout cela était purement irrationnel. Il n'y avait plus de place pour un quelconque raisonnement, une quelconque logique. Tout s'embrasait entre elles, tout s'accentuait, irradiant mille couleurs, mille sensations, mille découvertes. Et peu importait qu'elles soient deux femmes.

Ou peut-être que tout ce qui importait, justement, était qu'elles étaient deux femmes. Que c'était interdit, que c'était mal, que c'était malsain, punissable, écœurant, diabolique... mortel. Peut-être que c'était tout ce qui importait, peut-être que c'était le problème. Peut-être que dans une seconde, Miss Owen rentrerait dans la pièce, anéantissant à jamais leur seul instant de liberté, scellant leurs tristes sorts pour l'éternité. Peut-être qu'Alice elle-même se reculerait, fuirait, refuserait de voir Talia à nouveau pour le restant de ses jours... ne voulant pas voir l'évidence.

L'instant était risqué. Il était dangereux. Ce baiser, c'était un poison sensuel sur les lèvres de Talia dont Alice s'enivrait avec délectation. Ce baiser, c'était la promesse d'un avenir plein d'embûches et complexe. C'était la promesse d'une vie dans l'ombre, à l'abri du jugement des autres. C'était l'aveu fou d'une Passion démesurée, d'un Amour palpitant. Ce baiser, c'était le tournant d'une vie. C'était ce qui transformerait deux vies insignifiantes en une existence intense à deux. Ce baiser, c'était un tout qui partait pourtant d'un rien. D'un simple regard, transformé en attirance, exacerbé en sentiments déchaînés. Ce baiser, c'était une délivrance, c'était tout.

Alors courir le risque en valait la peine. Car Miss Owen ne rentrerait pas, et personne ne viendrait les déranger. Parce qu'Alice ne fuirait pas, gardant ses lèvres soudées à celles de Talia, ses mains accrochées doucement à sa nuque, son buste rencontrant le sien. Le risque en valait la peine. Et cela avait beau être interdit, on s'en moquait. Qu'est-ce qu'une vie si l'on ne prend jamais de risques ? Si l'on n'ose jamais rien ? A quoi bon vivre si c'est sous la contrainte de ne pas pouvoir agir comme bon nous semble, avec qui on le désire ?

Alice tremblait, chamboulée, retournée, caressée, essoufflée, éreintée de tant de sentiments. Elle regardait Talia comme si elle voyait pour la première fois. C'était un tout nouveau monde, de toutes nouvelles couleurs, de nouvelles perspectives. C'était lumineux et doux, agréable et vif, passionné et chaleureux. Elle se laissait guidée par les gestes de Talia, et se retrouva ainsi à califourchon sur elle. Ses mains allèrent se crisper sur les bords de la baignoire tandis que son buste se soulevait toujours avec agitation. Le regard de Talia la transperçait, la brûlait, la bombardait. Elle n'avait pas conscience que le sien était tout aussi intense. Alice se mordait les lèvres et ses paupières papillonnaient. Elle pris la main gauche de Talia, qui était sur sa joue, pour la faire glisser lentement jusqu'à son cœur, à la limite du décolleté trempé de sa robe devenue bien trop transparente.

- Tu sens comme il bat vite ? Il va exploser...

Alice tint ensuite la main de Talia entre ses deux mains et la regarda dans les yeux. Elle ne savait plus quoi dire, quoi faire. Elle retira doucement une de ses deux mains pour se saisir à nouveau du bord de la baignoire. Elle avait besoin d'un appui, vraiment, car elle sentait qu'elle avait le tournis. Son autre main serrait toujours celle de Talia.

- J'ai peur. Elle déglutit. Les mots sortaient tous seuls. Mais, s'il te plaît... Recommence.

De mille saveurs, une seule me touche...
Lorsque tes lèvres effleurent ma bouche.
De tous ces vents, un seul m'emporte...
Lorsque ton ombre passe ma porte.

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L'instant se passait de mots, et pourtant Alice sentait des dizaines d'idées se précipiter dans son esprit agité. Elle aurait voulu tout dire à Talia, lui exprimer ce qu'elle ressentait, lui expliquer le fatras de ses sentiments. Mais elle était trop accaparée par les gestes et les caresses de Talia pour pouvoir se concentrer suffisamment et agir. Elle avait vraiment le tournis. L'air lui manquait presque, et elle brûlait ! Et que dire de toute façon ? Elle ne savait pas vraiment, mais elle appréhendait tellement et était si déstabilisée qu'elle sentait comme le besoin de parler. Rien que pour combler le silence, par exemple. Car ce silence-là, il était... Il était si troublant ! Elles se regardaient, ne disant rien, se dévorant des yeux, se déshabillant du regard. Tout était trop fort, trop puissant. C'était le silence le plus tendu qu'Alice ait jamais connu, et pourtant, il était à la fois très différent de tous les autres. Ce n'était pas une tension liée à de la colère, loin de là. C'était... C'était... Ah, elle brûlait, rougissait rien que d'y penser ! Elle n'en revenait pas ! C'était une pure tension charnelle. Son corps lui faisait part de ses envies dans la façon la plus violente et audacieuse qui soit. Alice avait désespérément honte, elle qui n'avait jamais été sûre d'elle ou affirmée. Un côté d'elle lui criait d'aller plus loin, de devenir entreprenante, alors que l'autre était complètement tétanisée.

Alice se laissa faire quand Talia plaça ses bras autour de sa nuque de façon à ce qu'Alice l'enlace de nouveau. mais elle n'avait plus son appui, et ses mains tremblaient un peu. Dans un ultime mouvement de détresse, tout le corps d'Alice vint se resserrer contre Talia. Les doigts d'Alice glissèrent dans le haut de son dos, caressant sa peau humide, avant de venir fourrager dans ses cheveux trempés. La respiration d'Alice était toujours si saccadée, et lorsque Talia l'embrassa de nouveau, elle eut tout bonnement le souffle coupé. Mais elle ne voulait pas que cela s'arrête. Comme elle était à califourchon sur elle, ses jambes se resserrèrent autour du bassin de Talia comme par automatisme. Et elle frissonnait toujours autant sous son contact !

Après quelques instants passés à répondre à son baiser avec toute la fougue dont elle était capable, Alice se recula un peu, à bout de souffle. Elle regardait Talia, visiblement troublée et paniquée au plus haut point.

- Je... Je ne sais pas ce qu'on fait, c'est... C'est... Je... Et si quelqu'un ? Et même sans ça... On ne peut... Je ne sais pas, je... Alice n'arrivait vraiment pas à savoir elle-même ce qu'elle voulait dire. Elle se mordit les lèvres. Dis quelque chose ! Fais quelque chose, je ne sais pas ! N'importe quoi, mais fais-moi taire, je t'en supplies ! >< Elle baissa le visage, le nichant presque au creux du cou de Talia, et se mit à murmurer. C'est la chose la plus effrayante et la plus merveilleuse qu'il m'ait été donnée de vivre.

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Alice tremblait, frémissait, soupirait, se cambrait sous ses caresses. Autant de réceptivité était troublant. Non seulement parce que c'était la première fois, mais en plus parce qu'elle n'aurait jamais imaginé éprouver tant de choses avec une femme. Dans ses lectures, seuls aperçus de ce genre d'instants, il s'agissait toujours d'un homme et d'une femme. Et ce n'était finalement que des mots couchés sur le papier. Il fallait encore pouvoir imaginer ce qu'il y avait derrière. Et Alice, déjà, avait une imagination assez prononcée, mais jamais elle ne se serait douté qu'elle était en fait à mille lieux de la vérité. Tout ce qu'elle éprouvait en ce moment, c'était un millier de fois plus fort, plus intense. Cela en devenait presque oppressant d'autant d'intensité. Et si un côté d'elle-même en voulait toujours plus, l'autre n'était plus sûr de rien et complètement tétanisé. Son manque d'expérience et par dessus tout son manque de confiance en soi lui faisait terriblement défaut, ne lui permettant pas de prendre autant d'initiatives que Talia.

Elle sentait son cœur exploser, encore et toujours, continuellement, alors que le sang lui vrillait toujours aux tempes. Le regard plongé intensément dans celui de Talia, Alice attendit sa réponse, dans l'espoir qu'elle dirait quelque chose de rassurant. Dans l'espoir qu'elle, au moins, avait le contrôle de la situation. Car si Talia savait ce qu'elle faisait, alors tout allait bien pour Alice, et elle se sentirait rassurée, s'en remettant complètement à elle.

Mais Talia ne répondit pas tout de suite, se penchant vers elle pour embrasser son épaule dénudée, sur laquelle étaient parsemés de vilains bleus. Des comme ça, voire même des plus gros, Alice en avait sur tout le corps. Elle n'aimait pas son corps. Son reflet lui rappelait toujours sa faiblesse et le manque d'affection avec lequel elle était traitée chaque jour. Elle n'aimait vraiment pas son corps, non, le trouvant même repoussant. Dans un élan de protection, elle plaqua ses mains contre sa poitrine, comme si ça avait pu dissimuler ses horribles blessures et ses horribles formes -du moins, à ses yeux- aux yeux de Talia.

Mais, d'un coup, Talia parla, et ses mots résonnèrent merveilleusement dans le silence sensuel de la pièce.

Le cœur d'Alice fit un bon dans sa poitrine, et ce fut si fort que cela s'entendit certainement, surtout pour Talia qui était si près d'elle en ce moment. Alice ne savait plus où poser le regard, et elle était toute rouge. Elle avait horriblement chaud, et, toute chamboulée, ne savait pas quoi dire. Elle bafouillait des syllabes incompréhensibles en se mordillant les lèvres. Une femme venait de lui dire qu'elle l'aimait !

Talia venait de lui dire qu'elle l'aimait !

Alice en avait le souffle coupé. Elle osa regarder Talia dans les yeux, cherchant des réponses dedans.

- Je... Je... C'est... Tu...

Alice, toute rougissante, avala sa salive.

- Tu m'aimes ? >< murmura-t-elle, timide. Mais tu n'as pas peur ?

Alice ne savait pas s'il aurait fallu qu'elle lui réponde qu'elle aussi. En fait, elle ne savait pas ce qu'elle ressentait, elle était complètement déboussolée. Elle avait besoin de repères. Il était un peu tôt pour qu'elle se jète à l'eau à son tour... (ironie, quand tu nous tiens). Mas il était certain que ce qu'elle ressentait pour Talia était très fort !

Elle l'avait sorti. Elle ne savait pas comment Alice allait le prendre, mais un poids s'était enfin libéré en elle. Ces trois petits mots retenus prisonniers par la raison étaient enfin sortis. Et maintenant ? En faite, elle redoutait durement ce que allait dire Alice après cette soudaine révélation. Cette dernière voulait qu'elle parle pour la faire taire. Et bien voilà xD. Ce n'était peut-être pas à ce qu'Alice s'attendait mais Talia ne savait pas quoi d'autre sortir et puis au moins comme ça, c'était clair. Alice pouvait dorénavant savoir pourquoi Talia lui lançait toujours des regards d'une intensité incomparable et pourquoi elle était toujours attentionnée envers elle.

Cependant, ce genre de réponse que la jeune femme venait de lui sortir, elle ne s'y attendait pas du tout. Mais alors pas du tout... Ce qui la fit rester interdite pendant quelques secondes, regardant Alice avec un air légèrement perdu. Elle baissa alors le regard, contemplant la mousse de l'eau qui s'évaporait peu à peu. Elle devait répondre quoi là maintenant ? Elle savait que cette déclaration allait déboussoler Alice, mais en faite elle ne s'attendait pas du tout à ce qu'elle puisse ressentir aussi une quelconque perturbation par rapport à sa réaction.

Troublée, sa main qui était sur la hanche de la jeune femme, quitta celle-ci pour se diriger vers ses cheveux mouillés et se reposer sur le bord de la baignoire.

-Je...

Elle déglutit. Les mots n'arrivaient pas à sortir tellement qu'elle ne s'attendait pas à ce genre de question. En faite, elle n'avait pas vraiment réfléchi à la réponse qu'elle devait fournir à Alice lorsque celle-ci saurait les sentiments qu'elle avait pour elle. Du coup, elle balbutiait légèrement.

-Je ne sais pas si je dois avoir peur ou pas... Je...

Elle ne la regardait plus dans les yeux gênée maintenant car elle n'arrivait pas à lui répondre correctement à sa question. Et puis d'ailleurs est-ce qu'il y avait une réponse concrète pour ce genre de demande ? Si c'était oui, cela voudrait dire que l'amour qu'elle lui portait lui faisait peur et que c'était peut-être une mauvaise chose et si c'était non... Pourquoi ça serait non ? Et bien oui, c'était vrai elles étaient deux femmes, pas vraiment du même rang en plus, alors quoi c'était normal d'avoir peur... non ?

Tout s'embrouillait dans sa tête ><.

-Je devrais en avoir peur alors... ?

Ce n'était pas vraiment une question mais plutôt une réflexion qu'elle se faisait pour elle-même. Elle reprit,

-Enfin je... je n'avais pas vraiment penser que les sentiments que j'ai pour vous puissent m'effrayer et je...

Elle ne la regardait toujours pas, se taisant à nouveau se pinçant légèrement la lèvre inférieur. Maintenant elle ressentait de la peur car si elle croisait son regard et si elle trouvait de la frayeur en celui-ci à cause de ce qu'elle venait de dire, Talia en serait quelque peu désorientée. Elle ne voulait pas lui faire peur >< -déjà qu'elle se doutait très bien qu'Alice soit légèrement effrayée par ce qu'elles venaient de vivre toutes les deux-. Ce n'était pas ce qu'elle recherchait lorsqu'elle avait avoué ses sentiments pour elle... Non, ce n'était pas ce qu'elle voulait...

Alice avala sa salive d'une façon si bruyante que cela s'entendit forcément dans le silence du moment. Il y avait de quoi être déboussolée, en même temps. Après une telle journée, de telles épreuves, Talia lui disait qu'elle l'aimait.

Et Alice se trouvait soudainement bien naïve ! Elle aurait peut-être du s'y attendre, après tout. Car c'était souvent ce qui suivait les baisers, non ? Les déclarations d'amour ? Oh mon dieu, elle n'y connaissait tellement rien ! Elle se trouvait bien idiote. Et aucune de ses leçons de piano, de français ou d'italien ne pouvait l'aider dans l'instant présent. On avait tant œuvré à lui donner de l'esprit qu'on avait failli à lui fournir de l'expérience. Peut-être que c'était quelque chose qu'elle devrait forger par elle-même, après tout. Mais là, elle était vraiment perdue.

Elle prit soudainement conscience que Talia et elles avaient complètement franchi les limites, et ce d'une façon qu'on peut difficilement inverser... Un baiser. Un premier baiser. Puis plein d'autres. Dans un bain, toutes les deux. Trempées, unies dans leur fatigue, dans leur lutte pour résister, dans leur faiblissement face à la tentation. Et qu'adviendrait-il ensuite ? Etait-ce une bonne chose ? Avaient-elles le droit ? Une multitude de questions vinrent se bousculer dans la tête d'Alice, lui donnant le tournis.

Mais Talia les fit taire en reprenant la parole. Malheureusement, elle avait l'air tout aussi déboussolée qu'Alice. L'affaire s'avérait plutôt complexe !

- Je... Je ne sais pas ce... ce qui est bon ou pas. Je ne sais pas s'il faut que je te craigne ou non, si toi-même tu devrais craindre ces... ces sentiments que tu as pour moi ou pas ><. Alice, toujours toute rouge, parlait d'une toute petite voix, n'osant pas la regarder. Cela lui donnait un air enfantin.

La main droite d'Alice vint se poser sur cella de Talia qui serrait le bord de la baignoire. Alice était tellement chamboulée qu'elle aurait pu se mettre à pleurer sur le champ. Trop d'émotions. Pourtant, elle luttait pour ne pas laisser se produire une telle chose.

- J'ai peur de ce qui se passe maintenant, Talia... Et de ce qui va arriver après. Je... je ne suis pas quelqu'un de fort, tu comprends ? Je ne suis pas quelqu'un qui sait comment agir à tout instant, qui sait faire les bons choix ou prendre les bonnes initiatives. Je... Elle se mordit les lèvres et se laissa aller contre elle, nichant son visage au creux de son cou. Elle se mit à murmurer. Je suis faible. J'ai besoin que tu me dises quoi faire, j'ai... j'ai besoin de repères. Je n'arrive plus à réfléchir, tu comprends ? Je... Elle se stoppa un nouvelle fois, se mordit les lèvres contre a peau du cou de Talia, et reprit dans un souffle. T'embrasser m'a beaucoup plu, et ça... ça devrait avoir un côté effrayant, n'est-ce pas ?

Le malaise qu'elle éprouvait à cet instant précis ne pouvait être décrit. Elle ne savait plus trop comment faire pour la rassurer, elle qui avait toujours les mots qu'il fallait pour mettre à l'aise et là qu'est-ce qu'elle devait lui dire ? Alice l'avait confronté à une question assez difficile dont elle n'avait nullement la réponse. Enfin, elle ne s'était jamais posé la question à vrai dire, pour elle c'était normal d'aimer quelqu'un non ? >< Même si cette personne était une femme ou pas, c'était normal non d'avoir des sentiments ? >< Elle qui était sûre des émotions qu'elle éprouvait pour Alice, elle ne s'était jamais réellement posé la question si c'était mal ou bien ce genre de ressentis ><. En faite, si peut-être qu'au fond elle appréhendait ce qu'elle ressentait pour la jeune femme, mais l'amour était bien plus fort que cette frayeur. Elle l'écoutait parler, Alice était tellement perdue, Talia le sentait et à vrai dire elle culpabilisait de ne pas pouvoir être plus rassurée, de pas lui dire de s'inquiéter que c'était normal peut-être d'avoir peur. Au lieu de ça, elle renvoyait la même image qu'Alice était en train de refléter.

Ce n'était pas elle ça. Ce n'était pas ce côté là de l'amour qu'elle voulait faire paraître aux yeux d'Alice... Elle la laissa alors encore une fois parler puis aller de nouveau contre elle. Elle se mordit la lèvre inférieur à l'entente de ses phrases. Elle ne pouvait pas continuer à ne rien dire. Elle ne pouvait pas continuer à la laisser dans le flou ainsi, ne sachant absolument pas ce qu'il faire ou penser de cette situation. Et là, elle se disait peut-être qu'elle n'aurait pas du lui dire ces sentiments ><. Qu'elle n'aurait pas du l'embrasser ><. Qu'elle n'aurait pas du la suivre lorsque cette dernière lui avait demandé de partager son bain ><. Ce n'était pas qu'elle regrettait, c'était juste de la voir sans repère d'un coup qui la faisait culpabiliser. Oui parce que tout ça c'était de sa faute ><.

Il fallait qu'elle rattrape ça. Il fallait... il fallait qu'elle la rassure. Elle ferma les yeux un instant, rassemblant ses esprits puis elle leva ses mains doucement vers le visage de la jeune fille et la recula de sa nuque pour le lever vers son visage. Elle rouvrit les yeux et la regarda droit dans les yeux.

-Je suis là pour vous Alice. Je ne voulais pas créer un quelconque déséquilibre en vous avouant les sentiments que j'ai pour vous. Je voulais juste que vous sachiez qu'il y avait une personne pour qui vous comptez énormément. Qu'il y avait quelqu'un qui ferait tout pour que vous soyez heureuse, que cette personne ne vous laisserait jamais seule sans au moins ressentir ne serait-ce qu'une fois l'amour.

Elle avança son visage vers le sien, puis posa son front contre le sien. Elle reprit la parole de nouveau, murmurante.

-Je ressens de l'appréhension oui... C'est vrai, mais ce n'est pas par rapport à ce que je ressens pour vous... J'ai peur qu'après ça vous vous éloignez de moi... Et c'est juste de ça que j'ai peur... Vous comptez tellement pour moi...

Elle déglutit quelque peu puis recula de nouveau son visage et prit une grande inspiration. Elle n'allait pas croire qu'elle allait dire ça...

-Mais je n'ai pas envie de vous mettre mal à l'aise, ni de vous effrayer...

Elle enleva alors sa main de son visage pour la poser sur la hanche d'Alice et la dégager lentement et doucement d'elle...

-Je suis prête à prendre de la distance pour vous protéger mademoiselle. Pour que vous ayez le temps de réfléchir à tout ça...

Ses yeux étaient légèrement brillants... Franchement, elle ne pensait pas du tout qu'elle avait sorti ces mots là... "Distance" c'était un poignard en plein coeur pour elle... Lorsqu'Alice fut éloignée, elle se releva de la baignoire.

-Je suis prête à tout pour que vous soyez en paix vous savez... Je ne veux pas que vous vous souciez encore plus alors que vous endurez tellement de chose déjà dans cette... *s'empêchant de dire un grand mot >< xD* maison.

Elle sortit du bain, se retrouvant de dos à Alice et alla chercher une serviette sur la table qui était près de la baignoire. Mais elle restait tout de même de dos pour l'instant... Elle ne voulait pas... Elle ne voulait pas qu'Alice puisse voir les larmes qui commençaient légèrement à perler aux coins de ses yeux. Ses mains serrèrent le tissus de la serviette de bain...

Spoiler:

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Alice ne bougeait plus. Elle se laissait faire, elle se laissait guider par Talia, qui lentement, la détachait d'elle. Elle était une poupée de porcelaine. Elle était une marionnette. Une carcasse vide. Ses yeux, pourtant, reflétaient cette étincelle de vie, cette lueur d'incompréhension, de perdition et de... douleur. Et c'était si fort qu'on ne pouvait décemment pas douter qu'une âme se cachait bel et bien à l'intérieur de ce jeune corps blanc et meurtri.

Elle ne comprenait plus. Trop de choses se bousculaient dans son esprit. Et depuis combien de temps déjà ? Elle était à bout. Tout était trop fort pour elle. Elle était faible, elle avait la conviction de l'être. Elle n'était pas faite pour supporter tant d'émotions la tête haute, le regard froid, imperturbable, le dos bien droit... Comme sa mère. Elle n'était pas quelqu'un d'insensible.

Et là, elle était dans un tourbillon d'interrogations et de mal-être. Elle ne respirait plus. Ses poumons se flétrissaient, petits, insignifiants, et son cœur en était arrivé à un tel niveau d'absence de rythme qu'il commençait à faire mal. Ou peut-être à ne plus rien faire du tout.

Une nouvelle fois, Alice n'avait pas le contrôle sur son corps. Il n'en faisait qu'à sa tête, sans écouter ses désirs, à elle. Son corps ne lui appartenait pas. C'était une entité indépendante dont chacun disposait à sa guise. Et ce soir, dans cette salle, elle l'avait confié tout entier à Talia. Talia l'avait eu entre ses mains, elle était devenue la marionnettiste.

Mais cette fois, cela avait eu du bon. Cela n'avait pas été froid, cela n'avait pas été violent. Talia avait fait quelque chose de doux, de chaud et de rassurant. Quelque chose qui avait plu à Alice, quelque chose qui faisait que peu lui importait qu'elle ne dispose pas de son corps. Pour la première fois, elle avait été à l'aise avec l'idée que quelqu'un dispose d'elle. Pour la première fois, elle avait eu confiance, elle s'était abandonnée dans les bras de quelqu'un. Quelqu'un qui l'aimait. Et quelqu'un qu'elle... Qu'elle appréciait tellement que cela aussi, ça faisait mal !

Mais Alice ne comprenait pas. Mais Alice avait peur. On ne l'avait pas familiarisée avec l'Amour. Le seul qu'elle connaissait véritablement, c'était un Amour fraternel, et encadré par une éducation sévère et droite, emprunte de rigueur. Et l'Amour de Talia, ce soir, lui claquait à la figure, dans toute sa grandeur, dans toute son intensité et son interdit.

Comment ne pas perdre la tête face à ça ? Comment ne pas imploser ? Mais Alice avait 18 longues années de restriction derrière elle. Et sans qu'elle ne comprenne rien, elle formait sa propre prison. Elle aurait voulu réagir, elle en avait même besoin, car face à une telle situation il n'est pas humain de ne rien faire, mais elle en était incapable. Souffrir à l'intérieur, ne rien laisser paraître à l'extérieur. Et ce n'était pas elle qui décidait ! Ce n'était même pas ce qu'elle voulait !

Talia se levait, lui disait qu'elle était prête à tout pour elle, même à prendre de la distance. Mais ne venait-elle pas de dire qu'elle... l'aimait ? Et qu'elle voulait lui faire connaître ce que c'était que ce sentiment ? Et qu'elle ne se sente pas seule ? Fallait-il qu'elle prenne de la distance pour qu'Alice se sente bien et aimée, alors ? Mais ça n'avait pas de sens !

Talia était debout, hors de la baignoire, ne la regardant même pas. Les mains d'Alice trempaient lamentablement dans l'eau devenue glacée, et son visage n'avait pas d'expression, immobile.

Mais pourquoi fallait-il qu'elle parte, alors ? Pourquoi fallait-il qu'elle lui tourne le dos elle aussi ? Pourquoi fallait-il que cette image la renvoie à toutes les autres ? A tous ces moments de froideur, de solitude, de violence ? Elle avait dit qu'elle l'aimait, et Alice l'avait écoutée et l'avait crue, et... Et maintenant elle disait qu'elle devait partir pour son bien ?

MAIS QU'EST-CE QUE C'ETAIT QUE L'AMOUR PUTAIN ? Qu'est-ce que c'était si Talia partait comme ça ? Elle la laissait seule ! Ce... Cela n'allait pas l'aider, cela ne pouvait pas l'aider ! ALICE ETAIT FAIBLE ! Elle avait besoin de Talia ! Elle avait besoin de quelqu'un pour lui dire quoi faire, quoi penser ! Elle ne pourrait pas réfléchir seule, elle ne pourrait pas penser, respirer, dormir !

Une grande inspiration. Alice se lève, maladroitement, sort de la baignoire... Elle va la rattraper ! Elle va le faire, et lui dire d'oublier cette idée, parce qu'elle a besoin d'elle et qu'elle se moque que ce soit effrayant ! Elle ne PEUT PAS continuer sans aide ! Elle va lui dire qu'elle n'a pas peur de Talia. Qu'elle aimerait plutôt qu'elle lui explique... Qu'elle lui montre... Qu'elle lui fasse découvrir... L'Amour.

Alice glisse et tombe. Son dos ne touche pas tout à fait la baignoire. Il y a de l'eau partout, et elle n'a jamais eu un bon équilibre. Dans sa chute, ces folles résolutions se brisent. Ses mains sont sur le carrelage blanc et humide, son visage est tourné vers Talia, mais ses yeux sont vers le sol. Elle est misérable. Elle ne s'aime pas. Elle rate tout. Elle aura quelques bleus de plus demain, mais s'en moque. Miss Owen a raison... Elle ne vaut rien.

- Si c'est ce qui est bon pour moi... Va-t-en.

Voix neutre, froide. Brisée. Ecorchée.

Tu ne mérites pas de connaître l'Amour, de toute façon, mon enfant. Ne te l'a-t-on pas assez dit ? Tu es un déchet. Une erreur. Ta mère a voulu la corriger, tu sais. Cette fameuse histoire au Lac, cela aurait du être la solution. On efface tout. Mais tu as résisté, vermine.

Elle lève finalement les yeux vers Talia. Vides cette fois.

- Va-t-en.

Une larme coule sur sa joue. Ses mains se serrent. Tiens ? On dirait que ton corps n'est pas si étranger à tes sentiments, en fin de compte.

Spoiler:

Le menton tremblant, les mains crispées, elle ne savait plus ce qu'elle était en train de faire. Pourtant, elle avait réussi à avouer enfin l'amour qu'elle portait pour celle-ci non ? Alors pourquoi elle s'était tout bonnement réduit à fuir loin d'elle et l'encourager même à la fuir ?!? Pourquoi elle avait ça ?!? Elle plissa les yeux, et ne pouvaient plus contrôler ses larmes. Elle n'arrivait même plus à se retourner pour la regarder de nouveaux. Elle n'arrivait même plus à la rassurer juste par un sourire ou juste par sa présence. Elle n'arrivait plus à rien. Pourquoi c'était si compliqué d'éprouver l'amour ? Ou peut-être que c'était juste compliqué parce qu'elles étaient deux femmes ? Mon dieu, rien que de penser à cela, son coeur se brisa en mille morceaux. Ce moment devait être merveilleux, remplie de douceur jusqu'à la fin, des embrassades à n'en plus finir et une énorme tendresse qui était partagée. C'était comme ça normalement !!! C'ÉTAIT COMME ÇA !!!! Alors pourquoi elles étaient en arriver là ? Soudain, Talia se sentait faillir aux ressentis qu'elle éprouvait à cet instant précis. C'était de sa faute. Entièrement de sa faute si ça partait en vrille. Si elle avait brisé ce moment là qui devait être... qui devait être tellement... tellement...

Talia serra encore plus fort la serviette entre ses mains et ses dents firent de même sur sa lèvre inférieur, bloquant complètement les soupirs de chagrin qui sortaient abondamment de tout son être. Elle qui s'était montrée extrêmement forte face à ce qui s'était passé aux ruines, là, elle perdait complètement pied. Ce moment devait être... magique non ? Il devait être merveilleux et...

Les jointures de ses mains devenaient presque blanc à force de crisper de toutes ses forces ce tissus.

...et inoubliable pour eux deux. Non, c'était ce qui était prévu. Non ? C'était ce qui se devait se passer. NON ?!? Mon dieu, ça n'arrêterait donc jamais de couler ?!?

Soudain elle entendit alors un bruit sourd derrière elle qui la fit se retourner machinalement... Cependant, à cause de peu de lumière qu'il y avait dans la pièce, son visage était presque caché mais l'image qu'elle avait devant elle la détruisait complètement. Le ton de la voix qu'Alice avait pris pour lui parler la consumait à petit feu. Son coeur lui faisait tellement mal. Tout son corps lui faisait tellement mal.

Comment elle pouvait lui demander ça ? Comment elle pouvait se résoudre à faire ça ? Comment elle pourrait lui faire ça ? Alors qu'elle l'aimait de toute ses forces et de tout son âme, qu'elle donnerait tout pour elle, sa vie, son coeur, son corps, absolument tout pour elle. Une main se leva vers sa bouche tandis qu'elle pleurait toujours en silence.

-...alice...

Mon dieu que c'était affreux. Elle aimerait être morte à cet instant précis au lieu d'entendre ça de sa bouche. Pourquoi il avait fallu qu'elle cède à l'envie de lui montrer son amour ? C'était égoïste !!! Complètement puéril !!! Elle n'avait pensé qu'à elle !!! Voilà, maintenant c'était ce qu'elle se disait.

Elle secoua la tête et baissa les yeux, elle avança un pas mais s'arrêta. Elle aurait tellement aimé se précipiter vers elle, la prendre dans ses bras, lui dire que tout ça c'était n'importe quoi qu'elle ne savait pas ce qui était dans sa tête et que jamais, ô grand jamais elle n'aurait dit ces mots comme ça. Et pourtant, elle n'y arrivait pas. Elle n'arrivait plus. Elle... Putain ça n'arrêterait donc jamais de couler ?!!!!?

-...je... je...

Et là, elle craqua, faisant sortir le sanglot qu'elle essayait tant de camoufler.

-..désolée...

Son corps se retourna et elle se mit à courir, hors de la salle de bain.

Spoiler:

Spoiler:

Un lourd sentiment de claustrophobie s'emparait d'Alice, qui restait parterre sans chercher à se relever. Ses poings se serraient tellement que ses ongles se plantaient dans ses paumes, les écorchant. Les murs venaient s'écraser sur elle. Elle aurait voulu respirer.

Un peu comme elle avait pu le faire en début d'après-midi, aux Ruines, avant que tout ne s'assombrisse pour elles. Elle avait goûté à un moment de liberté, d'air pur, d'absolu. Comment pouvait-elle respirer sans air, à présent ?

Elle était si perdue et désemparée qu'elle avait l'impression de fonctionner au ralenti. Elle était au ralenti alors que tout le reste allait à la vitesse de la Lumière. Et elle était plongée dans les ténèbres. Pire encore, elle savait qu'une issue se cachait quelque part, elle savait qu'il devait y avoir autour d'elle quelque chose de lumineux, de salvateur... mais elle n'y avait pas accès. Elle devait se contenter de ça, d'une intuition.

Mais qu'est-ce qu'elle en avait à foutre d'une intuition, hein ?! Pourquoi est-ce qu'elle n'aurait pas droit au reste ? Pourquoi est-ce qu'on lui cachait la sortie de son gouffre d'oubli et d'angoisse ?! Elle était où la solution, putain ? C'était quoi l'Amour, c'était où ? Elle était passée où après avoir pointé le bout de son nez, il y a dix minutes, dans cette foutue baignoire, là... Juste au coin de ses lèvres... juste dans la caresse de celles de Talia contre sa bouche ?

Dans la pénombre de la pièce, Alice ne vit pas les larmes sur les joues de Talia. Et pourtant, celles-ci étaient trempées de gouttes salées. Mais elle la vit avancer. Alice se mordit violemment les lèvres, avant d'entre-ouvrir la bouche pour laisser s'échapper un cri de pur douleur. De détresse.

- Mais tu ne vois pas que je suis fatiguée d'être tout le temps blessée et manipulée ?! Tu ne vois pas que je n'en peux plus ? Je t'ai demandé de partir !

En exprimant cette idée de s'éloigner pour la laisser réfléchir seule, Talia avait fait un gros sacrifice. Un sacrifice très douloureux. Elle l'avait fait par Amour, et c'était sans doute magnifique ! Mais Alice ne comprenait pas, et ne le percevait pas de cette manière... Elle avait tant besoin qu'on lui explique ! Elle avait tant besoin d'une présence. De bras pour l'enlacer.

De ses bras. De son étreinte.

Alice entendit le sanglot de Talia, déchirant, qui résonna dans la pièce. Et d'un coup, tout s'écroula de nouveau, tout se renversa. Ses yeux s'écarquillèrent, et elle baissa la tête, scrutant le sol sans le voir, déstabilisée.

Pourquoi ? Pourquoi pleurait-elle ? Alice pensait qu'elle voulait partir ! Qu'elle l'avait usée à sa guise et qu'elle s'était lassée, peut-être. Qu'elle voulait s'éloigner, maintenant, car elle s'était rendue compte qu'Alice ne valait rien.

Pourquoi ? Pourquoi avait-elle l'air si mal ? Pourquoi Talia n'arrivait-elle plus à parler ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi Alice avait-elle toujours plus mal ? Pourquoi avait-elle l'impression d'avoir fait une erreur ?

Le martèlement précipité des pas de Talia sur le sol ramena Alice à la réalité, elle regarda dans sa direction, mais il n'y avait plus personne.
Les larmes se multiplièrent sur les joues d'Alice, qui s'écroula en avant sur le carrelage, ses cheveux mouillés éparpillés, fouillis, sur le sol froid. Et elle hurla sa peine, déchirant le silence distant du manoir, et avertissant ses habitants que quelque chose ici n'allait pas.

- Elle est partie ! Je veux qu'elle reste ! JE VEUX QU'ELLE RESTE !

On attrapa Alice par le poignet et on la redressa sévèrement. Alice criait toujours des phrases incohérentes pour tous, sauf pour elle. Elle voulait qu'elle reste. Elle voulait qu'elle reste !

Une gifle. C'était Miss Owen.

FIN.