Et dire que cela devait être une soirée inoubliable pour Talia. Elle avait tout prévu, vraiment tout. Sa panoplie, ses vêtements d'homme qu'elle avait emprunté à un domestique qui aimait bien voler parfois des habits de Lord dans le boutique de vêtement pour homme et qui travaillait aussi dans le manoir des Lefroys. Oui, elle avait vraiment tout préparé pour que ce bal de Halloween soit merveilleux pour elle et pour toutes les deux à vrai dire. Depuis ce moment avec Alice tout allait pour le mieux -pour l'instant- quoi même si elles devaient se cacher, au moins elles s'étaient réellement dites ce qu'elles ressentaient envers l'une et l'autre. Talia lui avait raconté comment elle allait aller au bal pour pouvoir au moins danser avec elle toute la soirée. Pour qu'Alice puisse se sentir bien au bras d'une personne pendant le bal. Bien sûre, Talia avait les idées très furtifs et elle avait beaucoup d'imagination. Ce qui étaient bien avec ce bal c'était que tout le monde était déguisé. Cela allait encore plus renforcer son costume d'homme.

Le soir avant d'y aller, elle se prépara donc pour sa métamorphose. Des bandages autours de sa poitrine, serrés jusqu'à même la peau pour ne percevoir ces formes là au niveau du poitrail. Elle se regarda devant le miroir et leva les cheveux pour faire une sorte de chignon. Puis elle enfila alors son costume. Après bien une heure de préparation elle était prête à partir. Elle se regarda une dernière fois devant le miroir et rigola quelque peu.

-Pas mal du tout !!

C'était vrai, elle était belle même en homme. En plus de cela on la reconnaissait que très peu vu qu'elle mit tout de même un petit masque blanc qui cachait la moitié de son visage. Son costume l'élançait, elle avait des courbes fines et on dirait vraiment un homme très... élancé ? Non plutôt efféminé mais tout à fait séduisant à vrai dire. Oui, elle était belle tout de même. Elle ne perdait pas son charme. Talia allait tout faire pour essayer de se comporter comme un vrai gentleman de toute façon pour ne pas se faire voir des autres. Surtout qu'elle savait pertinemment qu'il y allait avoir des personnes qu'elle connaissait à cette soirée comme par exemple Emy ou bien encore plus Lydia !! Lydia qui la connaissait par coeur en faite, elle appréhendait un petit peu ce point là... Quoi que elle trouverait l'idée assez marrante, mais bon Talia ne préférait pas tout de même que Lydia puisse la reconnaître, donc elle allait rester discrète et juste profiter de danser avec la femme qu'elle aimait.

Elle partit du manoir et se rendit donc aux ruines. Cependant, une chose vint contrecarrer ses plans pour la soirée. Un homme déguisé vint la voir et lui donna papier pour qu'elle mette son nom. Elle ne comprenait pas trop pourquoi elle devait faire cela mais elle lui redonna le papier et lui dit d'écrire "Lord Jovani Perroli" car étant illettrée elle ne pouvait pas le marquer. L'homme en question devait penser que ce Lord étranger devait être assez frimeur. Elle sourit à ce nom trouvé par hasard, cela faisait très étranger et donc elle l'aimait assez. Après avoir écrit son nom, l'homme en question lui demanda de l'attendre... C'était étrange. Elle ne voulait pas attendre elle, elle voulait chercher Alice et l'inviter déjà à danser et lui montrer bien sûre combien l'habit d'homme lui allait à merveille. Quelques minutes plus tard le même homme revint à elle et lui donna le prénom de sa cavalière, l'individu lui expliqua qu'elle était obligée d'inviter cette personne à danser et que c'était les règles, une des animations pour la soirée. Talia fut abasourdie par cette soudaine révélation. L'homme lui montra sa cavalière qui semblait se terrer loin de la foule et lui dit de passer une bonne soirée.... Talia ne savait pas trop ce qu'il fallait faire là... Ce n'était pas ce qu'elle avait prévu ><. Cependant, joueuse et surtout voyant la pauvre demoiselle qui attendait patiemment son cavalier en solitaire, Talia vint à sa rencontre. Arrivée devant elle, elle s'inclina comme il se devait et parla d'une légère voix grave contrastant avec sa voix normale, envoûtante.

-Lord Jovani Perroli pour vous servir Miss. M'accorderiez-vous une danse puisque telle est la règle d'une des animations de cette soirée ?

Pour faire cet effort là de langage elle avait déjà écouté et écouté les nobles parler autours d'elle. C'était vraiment facile de se mettre dans leur peau tout compte fait.

L'annonce du bal au pensionnat avait provoqué nombre de bavardages, de disputes, de cris, de pleurs et de crises hystériques. Il y avait les plus jeunes, à qui on avait interdit de s'y rendre, donc les plans pour s'échapper de l'école cette soirée là. Il y avait aussi eu une tension palpable de l'air tant chacune ayant obtenu l'autorisation d'y aller avait peur de se faire punir et de finalement en être priver ! Et puis forcément il y avait les problèmes moins extrêmes, mais tout aussi vital pour certaines. Quel costume ? Quel cavalier ? Quel ruban !

Bethany avait eu la chance de faire parti des demoiselles sélectionnées pour y assister. Son âge, ses résultats récents, et ses manières correctes le lui avait permis. Le professeur Pratt avait bien sur tout fait pour l'en empêcher, mais elle avait eu le soutien du directeur et dans l'ensemble, tout c'était bien passée. Elle s'en réjouissait ! Elle était toute excitée à l'idée d'assister à son premier bal, comme la plupart de ses camarades d'ailleurs. Sa timidité toute oubliée, elle se surprit même à jacasser avec d'autres filles à ce propos, en se demandant ce qui pourrait bien se passer une fois là-bas ! Une fille qui ne ratait jamais une occasion de la charrier l'aida même pour sa coiffure ! Finalement, si on excluait les yeux rougis et les cris d'indignation de celles qui ne pourrait y aller, il régnait dernièrement une bonne ambiance à l'école.

Pour l'occasion, Beth avait suivi les conseils de son amie Patricia pour son costume. Elle-même ne s'y rendrait pas -surement trop craintive de croiser Timothy- et elle avait donc pu lui accorder tout son temps pour l'aider à se préparer. Cela en avait valu la peine : le résultat final était époustouflant ! Terrifiant. Elle portait une longue robe blanche, évoquant celle d'une mariée, mais qui avait était volontairement déchirée et salie à certains endroits. Ses longs cheveux noirs toujours si soignés étaient à présent emmêlés et crépus. Le plus réussi restait tout de même son visage. On avait accentué ses cernes qui étaient maintenant violacés. Ses lèvres quand à elles étaient bleutée pour accentuer cet effet de mort. Enfin, elle avait recouvert son visage ainsi que toute les parties de son corps visible d'une épaisse poudre blanche. Elle était d'une pâleur spectrale ! On aurait dit une jeune mariée morte avant l'instant tant désirée, une revenante venue chercher vengeance. Oui, son costume était parfait !

La route jusqu'aux ruines lui parut ne pas durer plus de quelques minutes tant l'excitation les faisait toute parler ! C'était simple, le professeur chargé de la surveillance de leur petit groupe n'en pouvait déjà plus ! Et enfin ils arrivèrent... Tout était parfait, comme dans ses rêves ! Elle n'aurait pu imaginer décor plus réussi d'ailleurs. Tout ici donnait envie de fuir tant cela était lugubre, alors que paradoxalement, elle n'en voyait son envie de rester faire la fête que plus fort encore. Elle eut tôt fait de faire le tour des animations : hors de question de plonger la main dans un pot dont elle ne connaissait le contenu, et son inscription au concours du costume le plus réussi fut rapide. Elle approchait du dernier stand, déjà convaincu que si la soirée se terminait maintenant, elle en garderait déjà un bon souvenir. Le principe de ce stand renforça cette opinion. Ainsi elle n'aurait qu'à s'inscrire pour qu'un gentleman vienne l'inviter à danser ? Comment refuser telle offre !

Pourtant les minutes s'écoulaient à présent sans que rien ne se passe. Son esprit réservait reprenait peu à peu le dessus à mesure qu'elle s'éloignait de la foule. Elle ne pouvait à présent cacher sa déception. Peut-être les cavaliers s'était-ils finalement trouvés en manque ? Ou alors le sien aurait-il préféré le gage à une danse avec elle ? Au moins, cet air triste s'accordait à merveille avec son costume... Mais enfin quelqu'un vint. Elle l'avait déjà aperçu de loin, mais il semblait si beau, si noble, qu'il lui avait paru improbable qu'il s'intéresse à elle quand leurs regards s'étaient croisés. Pourtant il fallait bien y croire, il était là, face à elle, plus beau que jamais ! Et il était à l'inviter à danser pour l'animation. Il ne lui avait pas préféré un gage ! Son cœur bondit et un sourire illumina son visage, alors qu'elle le saluait poliment. Comment contenir sa joie alors qu'elle se retrouvait avec le plus beau des partenaires de ce bal !

- Miss Shaw, enchantée milord. Je danserai avec plaisir.

Elle s'inclina légèrement, sans trop le quitter des yeux. Elle bouillait de nouveau d'excitation.

Je me tenais devant elle. Robe blanche, air cadavérique. Une mariée mort-vivant. Original comme déguisement. J'avais sentis son bonheur lorsque je m'étais approchée d'elle. Elle ne pensait peut-être pas que quelqu'un puisse venir à elle, elle avait l'air tellement timide, c'était touchant. Même si ce n'était pas avec elle que j'avais l'intention de passer ma soirée, je n'allais pas la laisser toute seule ainsi, à attendre son cavalier qui n'arriverait peut-être pas. Je n'étais pas comme ça de toute façon. Elle s'inclina devant moi et je ne pouvais contenir un sourire en coin qui apparut sur mon visage à moitié couvert. Mon masque cachant la moitié de mon visage. C'était rigolo de se retrouver dans ce genre de situation en faite et cela m'amusait énormément. Forte heureusement pour moi qu'elle semblait vraiment croire qu'elle était devant un jeune homme... Bon bien sûr, au fond, je n'étais pas très fière de mon jeu. C'était vrai, peut-être qu'elle semblait penser qu'elle était tombée sur le meilleur partenaire de la soirée, vu la façon dont elle me regardait. Un malaise apparut en moi, la culpabilité me prit mais je ne le montrais pas. Je n'étais pas une personne qui se jouait des autres et pourtant j'étais en train de le faire à cette demoiselle... Ce n'était pas prévu en même temps. Je ne devais pas me rendre coupable de se jouer d'elle et pourtant c'était tout de même ce que je ressentais. Mélangé à l'amusement. Des sentiments contradictoires qui me mettaient tout de même une position assez inconfortable. Pourtant, j'avais décidé de jouer le jeu pour que personne puisse penser que sous ce déguisement de Lord et sous ce masque, se cachait en réalité une femme.

Mon bras droit vint élégamment se tendre vers elle, main avancé et je pris délicatement une des siennes. Je me reculai doucement, l'entraînant avec moi et ne cessant de la regarder puis avec mon autre main je pris la sienne qui était libre et je guidai alors le mouvement, nous mettant en position de danse. Combien de fois avais-je espionné les bals qui se déroulaient à Meryton ? Je ne les comptais même plus. Même quand j'étais petite j'aimais bien aller voir comment cela se passait. Regardant avec minutie le moindre geste des hommes et des femmes. Maintenant, mes observations allaient me servir et la musique se mit en marche. Je commençai alors à danser, ne cessant de la fixer. Parfois, je devais l'avouer, mes yeux verts-noisettes se détournaient d'elle vivement pour voir un peu les alentours. Voir si Alice n'était pas dans les parages... Mais c'était que quelques secondes, pas le temps pour ma cavalière de se poser des questions.

Lorsque je me remis de nouveau à la regarder, je lui montrai un sourire radieux puis me décidai à parler. Toujours empruntant cette voix grave qui contrastait avec la mienne.

-Puis-je me permettre de poser la question de l'endroit où vous résidez mademoiselle ?

Je meublais la conversation. Ce n'était pas que je n'étais pas intéressée par ma cavalière. Mais, étant de nature très sociable et quelque peu bavarde, je ne pouvais pas me contenter juste de danser avec elle. Alors autant faire connaissance jusqu'à ce que cette danse soit finie. En général, je m'intéressais aux personnes que je rencontrais, je ne les laissais jamais sans savoir réellement qui elles étaient. Et je dois aussi avouer que cette jeune fille, sous son maquillage pâle, était pour ma part, très charmante.

En voyant le bras du Lord Perroli se tendre vers elle, le cœur de Beth eut un raté. Évidemment tout cela faisait parti du jeu, il devait l'inviter à danser, et pour cela il se devait de lui offrir son bras... Pourtant jamais un homme si charmant ne lui avait un jour prêté attention... Ainsi. Elle devait paraître bien ridicule, mais c'était son premier bal ! Son premier cavalier ! Alors tomber ainsi sur le prince charmant, aussitôt... Elle se mordit la lèvre et riva son regard au sol en remarquant qu'elle le dévisageait. C'est que ses traits étaient si doux, si délicats ! Elle imaginait de là la douceur de sa peau...

Ses joues prirent une teinte rosée que la poudre ne put cacher, alors qu'elle s'empressait d'accepter son bras. Lorsque sa main vint rejoindre la sienne, un sourire étira ses lèvres, qu'elle s'efforça de rendre simplement poli et détaché. La tâche s'avéra ardu puisqu'en vérité, elle aurait voulu sauter et crier partout que le plus beau des Lord qu'elle n'avait jamais vu allait danser avec elle ! Et enfin les premières notes résonnèrent. Mentalement, elle se repassait tous les cours de danse auxquels elle avait assisté depuis son plus jeune âge. Elle fut plutôt satisfaite d'elle-même en constatant qu'ils avaient porté leur fruit et qu'elle n'avait pas l'air trop maladroit face à ce partenaire qui faisait preuve de tant de grâce ! Bon, c'était certes peu objectif, elle regardait bien plus ses pieds pour ne pas trébucher que l'habileté des siens, mais tout de même. Il avait une légèreté dans ses mouvements qu'elle ne pouvait nier remarquer. Pour peu, elle l'aurait pris pour une femme ! Mais évidemment, c'était improbable, et elle se trouvait simplement face au plus gracieux des gentlemen... Un gentleman au sourire des plus attirants.

- Oh.. Et bien je réside au pensionnat de la Kingsley's School actuellement... Il ne faut pas croire tout ce que l'on en dit vous savez, c'est un endroit des plus agréables ! Et les demoiselles n'y sont pas si terribles qu'on le prétend !...

Ce n'était pas vraiment le sujet qu'elle aurait abordé en premier mais il aurait été impoli de ne pas y répondre alors... Le plus gênant restait surtout le regard insistant qu'il posait sur elle, elle n'y était pas vraiment habitué en fait... Aussi tenta-t-elle de quitter ses chaussures des yeux pour soutenir son regard. Sa timidité la poussait à n'en rien faire mais elle s'était fait réprimander bien assez souvent à ce sujet pour savoir qu'il n'y avait rien de plus désagréable qu'un partenaire de danse qui ne vous jette pas un coup d'œil. Fallait-il préciser que les filles n'étaient pas si terribles... D'après le point de vue qu'on adoptait ? Points de vue qui n'étaient peu nombreux car ils se limitaient au sien, face à celui de toutes les autres demoiselles. Elle avait bien quelques amies qui partageaient son avis, mais aucune ne ressentait cette mise à l'écart aussi profondément qu'elle... Mais ce n'était ni le lieu, ni le moment d'y songer.

- Enfin... Je m'emporte, pardonnez-moi. Et vous ? Je ne crois pas vous avoir déjà aperçu en ville.

Et c'était bien ce qui l'intriguait le plus ! Connaître un des cuisiniers avait un certain avantage, il lui avait appris tous les couloirs secrets qu'empruntaient les domestiques et qui lui permettait de s'enfuir discrètement. Elle avait grâce à cela un nombre de promenade bien plus important que celui de ses camarades à son actif, ce qui n'était pas pour lui déplaire car il lui apportait ce qu'il fallait d'évasion pour ne pas craquer trop souvent. Ainsi, il lui paraissait bien étrange de ne pas reconnaître son cavalier : elle connaissait à peu près toutes les personnes à connaître en ville, ne serait-ce que de vue. Bon, tout le monde connaissait tout le monde à Meryton, ou du moins savait qui était qui, mais cette fois... Ses traits lui disaient bien quelque chose, mais aucun nom ne lui venait en tête, et encore moins celui de Jovani Perroli. Peut-être était-il arrivé récemment en ville ? Avec la tempête, ces affreuses rumeurs, et l'abominable histoire de meurtre qui avait éclaté, elle était peu sortie dernièrement. Une erreur bien regrettable quand elle voyait quel genre de bel étranger elle avait pu manquer ! Un italien qui plus est... Elle se mit à rêver de pays lointain et coloré, et s'entrava bêtement dans sa robe. Pas grand chose, elle ne chuta pas ! Non juste de quoi lui faire perdre toute la confiance qu'elle avait réussi à placer en elle pour pouvoir s'amuser pendant le bal. Et voilà que lentement, la coquille se refermait à mesure que ses joues rougissaient...

Je devais bien avouer que cette soirée était plaisante. Malgré que tout le monde soit costumé, on pouvait nettement remarquer la libération pour eux de ne pas être confiné dans des règles pendant une seule nuit, un seul jour. Oui, c'était une évidence pour moi. Je les voyais sourire, danser, rigoler derrière leur masque. Des choses que pour la plupart, ne montrait jamais au grand jour sous leur cravate bien dressée ou bien leur robe de noble. Je les voyais libre et moi aussi d'un sens, je me sentais libre. Bon bien sûr, je m'étais déguisé en homme, d'ailleurs on pouvait très bien me prendre pour un homme lorsque je me tenais ainsi. Personne ne pouvait voir la supercherie de mon costume, je ne voulais pas d'ailleurs qu'on puisse remarquer quoi que ce soit derrière ce bel uniforme de Lord, ni derrière ce moitié de masque blanc. C'était pour cela que j'évitais à tout prix les personnes qui étaient susceptibles de me remarquer. Comme Lydia par exemple, ou bien encore Emy. Enfin, je voulais juste pouvoir au moins danser une fois avec Alice sans se cacher. Et bien sûr, ce genre de discrétion que je pouvais faire preuve à ce moment précis n'était vraiment pas la meilleure solution pour passer inaperçu aux yeux de tous. Pourtant je faisais comme si j'étais à l'aise dans mon rôle, enfin j'étais vraiment à l'aise, il n'y avait pas à dire. Je pense que cela ne me dérangerait pas si j'étais un homme tout compte fait.

Je voyais le regard de la jeune fille, ma cavalière, posé sur moi. Elle avait l'air timide et cela me touchait. J'aimais les personnes de son genre. Alice avait presque la même expression sur son visage parfois. Mes gestes de danses étaient fluides, presque naturelle et je la guidais aux mieux aux rythme de la musique, faisant attention aux autres partenaires qui étaient tout aussi présents sur la piste. Je soulevais un sourcil lorsqu'elle me parla du pensionnat pour les jeunes filles. J'avais entendu pleins de rumeurs sur cet endroit. Disant que les filles étaient pour la plupart cauchemardesques et que l'école était stricte. Un endroit terrible en somme. Cependant, je ne m'attardais pas sur les préjugés. J'aimais assez voir l'intérieur de la surface des choses. Croire ce que je voyais et non pas les rumeurs colportées par des inconnus ou par des gens qui s'ennuyaient trop dans leur vie, cherchant la moindre chose pour stimuler leur quotidien. Et je voyais que j'avais encore raison de n'écouter que mon instinct puisque la jeune fille qui se trouvait dans mes bras, n'était pas du tout une mauvaise fille comme j'avais pu le remarquer.


❝ Je pense bien que ce ne sont que des rumeurs, mademoiselle. Je ne suis pas du genre à écouter les préjugés. La preuve, je vous trouve très charmante. ❞

Un sourire vint de nouveau apparaître sur mes lèvres. Je l'écoutais de nouveau me poser une question à son tour. Maintenant, je devais me mettre réellement à imaginer ce que pouvait bien vivre ce Lord Perroli. Qu'est-ce qu'il avait fait pour atterrir dans un village comme Meryton ? Et pourquoi d'ailleurs dans ce village et pas à Londres ? S'il voulait visiter l'Angleterre, pourquoi il était venu tout d'abord ici ? Pourquoi il perdrait du temps à être dans un bal alors qu'il pourrait être dans des fêtes mondaines à Londres ? Bref, tout ce genre de question devait bien sûr avoir une réponse plausible pour la jeune fille parce que je savais qu'elle allait me les poser un moment donné. Le temps que la danse dure dans tout les cas.


❝ Je viens de Florence et je viens ici pour des affaires. ❞

Continuons sur cette lancée...


❝ Cela ne fait pas longtemps que je suis arrivé à Meryton. Je dois régler des choses avec la famille Lefroy. ❞

Une piste. Une affaire à régler avec la famille Lefroy, la famille qui était connue comme la plus riche de Meryton. Je resterais dans ce trame là. Et puis je ne pense pas qu'elle allait faire trop sa curieuse après cette révélation. Bien sûr, je pouvais me tromper, cependant j'avais le secret espoir qu'elle n'allait pas en demander plus. Et si jamais elle voulait en savoir d'avantage, je sortirais la carte de Lord David Lefroy. On verra bien.

Spoiler:

Plus les choses évoluaient, plus Bethany se disaient qu'elle avait eu la chance incroyable de tomber sur un partenaire des plus courtois, et bon danseur qui plus est. Il aurait aussi bien pu accepter son gage et ne pas danser avec elle en la voyant ainsi isolée, s'imaginant devoir se contenter d'une pauvre fille tapisserie, d'un rang nettement inférieur au sien qui plus est, mais il n'en était rien. Il lui avait volontiers offert son bras et l'entraînait à présent dans une danse dont il semblait maîtriser parfaitement chaque mouvement tant les siens étaient fluides. Et il lui faisait la conversation d'une manière des plus charmantes, ce qui était un plus non négligeable. La jeune élève affectionnait beaucoup la conversation lors d'une danse, mais elle appréciait plus encore quand son partenaire prenait l'initiative de la parole. Sa timidité était souvent un sérieux frein aux idées qui pourraient lui venir pour l'entamer. Aussi se laissait-elle guider tant par le rythme du fond sonore que par les belles paroles qu'il lui adressait. Et voilà qu'à présent, il la complimentait. Il n'y avait rien d'autre à dire que cela : s'il la trouvait charmante, elle était surtout charmée.

- C'est tout à votre honneur milord. Il est bien désagréable de devoir sans cesse répondre d'actes qui ne sont vôtres que dans l'imagination de personnes aux préjugés trop ancrés.

Elle lui offrit ce sourire résolument timide, en réponse à celui si plaisant qu'il lui offrait. Elle n'était pas habitué à parler si ouvertement en présence d'étranger (quoi que ?), mais ce lord faisait preuve d'une telle aisance dans ses manières, dans ses gestes, qu'elle ne pouvait s'empêcher d'en éprouver un peu à son tour, mettant de côté pour un instant cette réserve qui la caractérisait tant aux premiers abords.

- De Florence ? J'ai entendu dire que c'est un endroit des plus plaisants ! Je n'y suis moi-même jamais allé malheureusement... Je n'ai même jamais voyagé en fait. Je le regrette, ce doit être passionnant de découvrir de nouveaux pays, de nouvelles cultures ! Vous avez beaucoup de chance !

Oui, il avait vraiment beaucoup de chance ! Que n'aurait-elle pas donné pour fuir loin, et découvrir tous ces nouveaux horizons ! Oublier l'espaces de ne serait-ce que quelques mois ce qu'était la vie à Meryton pour savourer la vie autrement. Elle achèterait de nouvelles toilettes à Paris, puis visiterait les provinces de France. Elle participerait à un bal costumé à Florence, puis se baladerait en péniche à Venise ! Elle découvrirait l'Espagne avant de prendre le large vers le nouveau continent pour voir s'il était aussi extraordinaire qu'on le prétend. Elle s'épanouirait comme jamais et ramènerait de fabuleux souvenirs de chacune de ses destinations ! Oh comme la vie serait belle si tout cela lui était permis... Mais tout cela n'était que des rêves, elle était à Meryton et y resterait sans doute toute sa vie. A quoi bon s'empoisonner l'esprit d'espérances inaccessibles ? Elle revint à l'instant présent, les yeux pétillants encore des visions de paysages étrangers, bien qu'un brin mélancoliques.

- Oh, j'ai entendu dire les Lefroys étaient des gens très aimables ! Vous logez donc chez eux ?

Elle lui sourit aimablement. S'il était là pour affaire, elle n'avait pas à s'en mêler. De toute façon, lui expliquerait-il qu'elle n'y comprendrait surement rien. C'était toujours des histoires d'argent, d'héritage, de propriétés... Toutes ces choses qu'on n'apprend pas à une demoiselle dans un pensionnat où le seul but est de former de jeunes demoiselles pour en faire de parfaites épouses. En revanche, converser des familles, ça, elle en était capable. Les Lefroys étaient très réputés à Meryton. Lord William surtout, particulièrement charmant, et encore célibataire. Non pas que cela ne l'intéresse, mais quand on vit dans un internat regroupant des dizaines et des dizaines de jeunes filles cherchant un mari, on sait ces choses là. Il y avait aussi sa sœur, Alice, plus réservée mais qu'on disait tout à fait aimable. Enfin, elle avait entendu parler du Lord Vaughn. Il était tout aussi charmant que son hum.. cousin ? et lui aussi célibataire, mais c'était un personnage tellement effrayant qu'aucune femme ne le voudrait pour époux. Du moins aucune de sa connaissance. On le disait cruel et violant, proxénète depuis peu aussi, mais elle se fiait peu aux rumeurs alors... Le reste de la famille était moins connu au village, aussi n'aurait su elle dire si finalement, les Lefroys étaient réellement aimables ou si seul Alice et son frère l'étaient... Mais de toute façon, il est impoli de critiquer des étrangers alors même que l'on s'adresse à l'une de leur relation ! Aussi ne s'étendit-elle point, attendant plutôt la réponse de ce charmant Lord italien.

Talia l'entraînait encore à danser, toujours aussi élégante, enfin élégant. Elle arrivait parfaitement à se dissimuler derrière son déguisement ainsi que son masque. Elle était totalement concentrée, elle ne voulait absolument pas se faire remarquer en tant que femme. De toute façon qui pouvait la soupçonner ? Personne. Elle faisait exactement tout pour ne pas se faire voir. En plus en compagnie de cette jeune fille, il y avait encore moins de chance pour elle qu'on puisse la dévoiler. Elle approuva la réponse de miss Shaw et continua à lui sourire, l'air charmeur. Lorsqu'elle parla alors de Florence, Talia continuait tout de même d'être tout sourire pourtant intérieurement elle souhaitait tout de même qu'elle ne puisse pas continuer à à lui poser des questions par rapport à cette ville qu'elle ne connaissait même pas. Elle l'avait juste entendu une fois lorsque Miss Owen en parlait à Alice pendant ses leçons. Elle savait juste que c'était en Italie et que ça s'arrêtait là. Alors elle se sentait un peu bête face aux connaissance de Bethany.


❝ Oui, c'est une ville merveilleuse où il fait bon y vivre. Il fait toujours beau et tout le monde semble sympathique. En tout cas, les personnes que je fréquente là-bas sont tous des gentlemen. ❞

Elle brodait. D'ailleurs, Talia avait assez d'imagination pour pouvoir inventer toute sorte de chose. Cependant, elle essayait tout de même d'être assez générale, de ne pas se focaliser juste sur un seul sujet pour ne pas trop se faire piéger par son propre jeu.


❝ Les Lefroy sont des gens bienveillants, certes, à part bien sûr le cousin Vaughn qui gâche un peu le tableau de la parfaite famille. ❞

À ce moment, ce n'était plus trop le lord Perroli qui sortait ce commentaire mais plutôt Talia qui disait ce qu'elle pensait. D'ailleurs, elle avait du mal à cacher la colère qu'elle éprouvait pour la famille Lefroy. À part pour William, Alice et feu David Lefroy, les autres membre de la famille n'excellait absolument pas dans la gentillesse. Pourtant, elle faisait preuve de neutralité. Ce n'était pas la peine de lui montrer la haine qu'elle éprouvait par exemple pour la Dame Lefroy ou bien cette gouvernante qui avait tendance à maltraiter sa Alice... D'ailleurs en pensant à Alice, le regard de talia se hasarda furtivement vers la foule, décrochant à nouveau le regard qu'elle avait sur Bethany pour la chercher. D'abord, elle était là pour elle. Pour danser avec elle, avoir cette nuit avec elle.

Elle avait rêvé d'ailleurs de passer ce bal avec elle mais bon la compagnie de Bethany n'était pas si mauvaise pour elle. Talia semblait passer un bon moment avec cette jeune fille qu'elle ne connaissait pas. Très étrange d'ailleurs puisque Talia connaissait à peu près tout le monde. Enfin, question ragot ou quoi, elle savait à peu près ce qui se passait dans le village. En même temps, elle se liait facilement d'amitié avec les domestiques de chaque famille. La musique battait encore son plein jusqu'à se radoucir de nouveau, signifiant peut-être sa fin. Talia, posa de nouveau son regard vert sur la jeune fille qui était dans ses bras.


❝ En tout cas, je suis content d'être tombé sur vous pour cette danse mademoiselle. Et votre costume vous va à ravir, je vous trouve tout à fait séduisante même en mariée morte vivante. ❞